L’égalité salariale n’est pas une lubie des féministes mais un bien-être pour tous

Egalité salariale entre les hommes et les femmes

Publié le 16 février 2012 à 10:30 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après l’examen, ce lundi, de la proposition de résolution sur les violences faites aux femmes, la thématique du droit des femmes est, pour la deuxième fois cette semaine, à l’ordre du jour de notre assemblée, et ce quelques jours avant la fin de nos travaux en séance publique.

C’est la preuve que ce thème sera au cœur des campagnes à venir et, surtout, qu’il y a, en la matière, encore beaucoup à faire.

En effet, alors que Nicolas Sarkozy promettait en 2007 de faire avancer l’égalité entre les femmes et les hommes, force est de constater que, dans ce domaine comme dans tant d’autres, et contrairement à ce qu’a dit Mme la ministre, le bilan est maigre, pour ne pas dire inexistant. D’ailleurs, si ce n’était pas le cas, nous ne serions pas réunis cet après-midi pour débattre de cette proposition de loi relative à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes.

La droite a aggravé la situation des femmes de notre pays : manque de moyens pour faire appliquer la loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes ; recul de la parité au travers de la terrible et antidémocratique réforme des collectivités ; recul sur le droit à disposer de son corps via l’attaque de notre système de santé et la fermeture de maternités et de centres d’interruption volontaire de grossesse ; aggravation des conditions de vie du fait de la crise et des politiques libérales, dont les premières victimes sont les femmes ; retrait de la date butoir pour la suppression des différences de rémunération entre les femmes et les hommes. Et je pourrais citer d’autres exemples.

Dès lors, il n’est pas étonnant de constater que, selon le rapport annuel du Forum économique mondial consacré à la question des inégalités entre les sexes, la France vient une nouvelle fois de rétrograder, passant, pour les écarts de salaire, du cent vingt-septième au cent trente et unième rang – sur cent trente-cinq pays ! – et, entre 2009 et 2011, pour l’accès des femmes à l’éducation, la participation économique et les responsabilités politiques, de la dix-huitième à la quarante-huitième position.

M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !

Mme Laurence Cohen. Le moins que l’on puisse dire est que l’on n’avance pas sur cette question. On peut même dire que l’on recule… (Mme la ministre manifeste un certain découragement.)

Mme Maryvonne Blondin. Oui !

M. Jean-Jacques Mirassou. En effet !

Mme Laurence Cohen. Je voulais, par ces quelques exemples, restituer le contexte peu glorieux dans lequel nous débattons de la proposition de loi déposée par nos collègues socialistes.

Je tiens d’ailleurs à saluer la qualité des auditions réalisées au sein de la commission affaires sociales et de la délégation aux droits des femmes.

Si certains peuvent penser secrètement qu’il s’agit encore d’une énième loi pour l’égalité salariale, c’est bien parce que nous sommes toujours loin du compte, malgré, effectivement, une certaine abondance législative en la matière. La loi Roudy a marqué en ce sens une importante étape historique et fondatrice, malheureusement peu suivie d’effets. Les chiffres que mes collègues ont déjà cités illustrent à l’envi la situation d’inégalité professionnelle que vivent les femmes.

Ce leitmotiv de l’égalité salariale, ce serpent de mer, cette arlésienne est tout sauf la lubie de quelques féministes, c’est un droit, une nécessité pour le bien-être de chacun et de chacune !

Comme le souligne l’économiste Françoise Milewski, le « soupçon » qui pèse sur les femmes d’être avant tout des mères, ou de futures mères, amène l’employeur à considérer que leur motivation professionnelle serait diminuée ou qu’elles auraient tendance à interrompre temporairement ou définitivement leur emploi. Et pourtant, une étude de la DARES montre que les femmes qui n’ont jamais arrêté de travailler perçoivent un salaire horaire brut inférieur de 17 % à celui des hommes présentant également un parcours continu, en dépit du fait qu’elles sont en moyenne un peu plus diplômées que les hommes. L’essentiel de cet écart n’est donc pas explicable par des différences de caractéristiques effectives.

La proposition de loi de nos collègues est donc doublement intéressante : d’une part, parce qu’elle prévoit, en cas de défaut de transmission du rapport de situation comparée, une pénalité d’un montant fixé à 1 % de la masse salariale de l’entreprise ; d’autre part, parce qu’elle fixe une date butoir, le 1er janvier 2013, et formalise, pour la première fois, une sanction financière.

Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, notre groupe avait d’ailleurs fait adopter un amendement similaire, qui visait à supprimer les exonérations sociales pour les entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale.

À l’Assemblée nationale, nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’étaient également saisis de cette question salariale, en mars 2011, en déposant une proposition de loi visant à instaurer un montant de pénalité « fixé au maximum à 10 % des rémunérations et gains », en cas de non-respect de l’égalité.

Je le disais tout à l’heure, l’égalité entre les femmes et les hommes contribuerait à l’amélioration de la situation de tous et toutes. J’illustrerai mon propos en m’appuyant sur une étude de l’INSEE de 2008 qui démontre que la sécurité sociale perd plus de 52 milliards d’euros de cotisations en raison des inégalités salariales entre les femmes et les hommes. Ainsi, la résorption des inégalités salariales permettrait de réduire de moitié le déficit cumulé de la sécurité sociale qui, je vous le rappelle, s’élève à 100 milliards d’euros !

M. Roland Courteau. Voilà qui est intéressant !

Mme Laurence Cohen. Notre groupe votera donc cette proposition de loi, relayant les batailles menées par les féministes. Je pense notamment à la belle campagne nationale intitulée « Égalité des salaires maintenant », une campagne menée sur l’initiative de Femmes Égalité et soutenue par de nombreuses organisations associatives, syndicales et politiques. Elles organisaient un colloque samedi dernier ; il fut riche de témoignages, d’expériences sur le vécu des femmes salariées, vendeuses, femmes de ménage, caissières, assistantes maternelles, aides soignantes. Toutes ont dénoncé la pénibilité de leur travail, un travail sous-rémunéré et peu reconnu ; toutes ont appelé au respect et à la dignité, ces mêmes femmes qui commencent à se faire entendre et qui luttent – les dernières semaines ne manquent pas d’exemples, je pense aux caissières de DIA d’Albertville ou aux salariées de Lejaby.

Il nous apparaît donc essentiel non seulement de voter cette proposition de loi, mais encore de mener une grande campagne en faveur de la nécessaire sensibilisation à la mixité des métiers, à la lutte contre les stéréotypes, à l’égalité d’accès aux filières de formation, à la lutte contre la précarité du travail des femmes, à la création d’un service public de la petite enfance, à une reconnaissance des compétences des femmes avec des équivalences entre les métiers, à un meilleur accès aux emplois.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Laurence Cohen. Il conviendrait en fait d’aller plus loin, en lançant un débat sur la réorganisation du travail et en menant une autre grande campagne sur le véritable partage des tâches dans la sphère privée : ce seraient autant de propositions qui contribueraient, enfin, à une amélioration des conditions de travail et à une véritable égalité dans tous les domaines de la vie entre les femmes et les hommes.

Je ne sais pas si nous sommes tous et toutes d’accord, mais, si nous le sommes, il faut voter cette proposition de loi !

Laurence Cohen

Sénatrice du Val-de-Marne
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