Intermittents du spectacle

Publié le 24 janvier 2002 à 00:00 Mise à jour le 8 avril 2015

par Ivan Renar

Les intermittents du spectacle sont confrontés à un vide juridique dû au fait que les annexes de l’UNEDIC les concernant n’ont pas été renégociées. Notre objectif aujourd’hui est de combler ce vide. Le statut particulier des intermittents du spectacle est l’essence même de la vitalité de la culture en France. Il assure aux professionnels du spectacle l’indispensable complément de revenus qui permet à de nombreux artistes de subsister ou de vivre de leur métier. Grâce à ce statut, nombre de compagnies de théâtre ou de danse peuvent fonctionner. La fin de l’intermittence signerait la disparition d’un pan entier de la culture en France.

Les spécificités des professions du spectacle justifient un statut particulier. Les intermittents du spectacle passent par des périodes d’activité professionnelle effective et des périodes de non-activité, qui ne sont pas pour autant des périodes d’inactivité : les artistes entretiennent leur voix ou leurs corps, en payant parfois sur leurs deniers des cours indispensables ; les techniciens doivent faire leur comptabilité ou des recherches ; tous passent beaucoup de temps en prospection de contrats. Le complément de revenu qu’apportent les ASSEDIC prend en compte cette partie de leur travail.

Le régime des intérimaires figurant à l’annexe IV de la convention de l’UNEDIC, où le Médef voudrait faire entrer les intermittents, n’est pas adapté à la profession, car un acteur, un chanteur, ou un costumier ne connaîtront jamais les mêmes conditions d’emploi et de contrat que des ouvriers-fraiseurs ou des secrétaires intérimaires, car, dans le cas du spectacle, la précarité est une donnée intrinsèque de l’activité.

Certes quelques petits malins profitent du système mais, ce qui est choquant, ce sont les abus que l’on constate chez de nombreux employeurs comme France 3 et bien sûr Vivendi-Universal, qui renouvellent pour des raisons financières des contrats à durée déterminée d’intermittents. Dans nombre de cas, le recours à des contrats à durée indéterminée serait justifié.

Il est aussi nécessaire de relever chez les intermittents de nombreuses disparités dans un dispositif qui reste très inégalitaire : il y a ceux qui réussissent et travaillent beaucoup ; il y a les professionnels qui ont établi un rythme d’activité à peu près équilibré et parviennent à gérer les aléas du métier, ceux qui sont dans des zones de basse activité, à la limite de rester dans l’intermittence, ceux qui galèrent entre la protection du système et la précarité hors couverture et pour qui l’acquisition du statut d’intermittent correspond à une forme de reconnaissance sociale, enfin, ceux, qui font une apparition et ne cherchent pas à faire carrière.

Néanmoins, l’intermittence permet à de nombreux professionnels du spectacle de vivre décemment. Elle participe largement à la vivacité de la culture en France. Il ne faut pas occulter ce point essentiel. Remettre en cause ce statut porterait atteinte à la création et à la spécificité culturelle françaises.

Certes, le régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle affiche un déficit non négligeable. Je tiens à souligner que l’UNEDIC est un système de solidarité interprofessionnelle : le déficit d’une branche est compensé par les excédents d’autres branches. D’ailleurs, l’UNEDIC dans son ensemble est bénéficiaire. On pourra rétorquer que les annexes VIII et X sont déséquilibrées. Mais toutes les autres annexes sont, elles aussi, en déséquilibre ! D’aucuns affirment que les autres catégories socioprofessionnelles ne devraient pas être les financeurs de la culture. J’en conviens. C’est pourquoi le régime des intermittents du spectacle a besoin d’être aménagé, non seulement pour réduire son déficit, mais également pour tenir compte de ce qui vient d’être conclu.

Or, la convention et ses annexes relèvent de la négociation paritaire, conduite par délégation du législateur.

Le Médef n’assume pas ses responsabilités, notamment en ne reprenant pas l’accord signé le 15 juin 2000 entre la FESAC et les syndicats C.F.D.T., C.G.T. et C.G.C. qui représentent une très large majorité des intermittents. Aujourd’hui, les négociations sur les annexes VIII et X risquent d’achopper alors qu’une nouvelle convention existe, que toutes les autres annexes ont été négociées et ont obtenu un agrément. La convention de 1997 n’est donc plus en vigueur. D’où le vide juridique actuel. Le législateur a donc le devoir d’intervenir jusqu’à ce que les partenaires aboutissent.

Nous souhaitons qu’ils se réunissent, que les négociations parviennent à la mise au point de dispositions qui réduiront le déficit lié à ces annexes, tout en respectant les particularités des métiers du spectacle.

Nous devons proroger le régime des intermittents. Nous devons aussi fortement inciter les partenaires sociaux à reprendre d’urgence les négociations, et fixer une date limite à laquelle celles-ci devront avoir abouti. Cependant, il est nécessaire que le délai imparti soit suffisant pour que les choses se déroulent dans la sérénité. C’est l’objet de l’amendement que le groupe C.R.C. a déposé.

Dans un proche délai, nous devons nous pencher sur la question non seulement des intermittents du spectacle, mais des artistes en général, dans la perspective d’une loi cadre sur le statut de l’artiste. Les milieux de la culture et la France le réclament, particulièrement à l’heure où l’exception culturelle est mise à mal par des comptables supérieurs, arrogants et glacés comme dirait mon collègue Renar qui souhaitent lui substituer la diversité de produits culturels de marketing ciblé qui se vendent et soient rentables.

Nous souhaitons que la culture demeure une exception aux règles purement mercantiles, qu’elle permette à tous les artistes de trouver des canaux d’expression et de visibilité, qu’elle s’ouvre toujours plus et gagne un public toujours plus vaste, en un mot, que la culture vive pleinement.

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