Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’Etat, mes chers collègues, la délégation aux droits des femmes a été saisie, à sa demande, par le président de la commission des affaires sociales, du projet de loi relatif à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
La délégation a examiné, il y a quelques semaines, un rapport d’information présentant les raisons qui sont à l’origine de l’examen de ce texte, le contexte dans lequel il s’inscrit et ses conséquences pratiques. Elle a ensuite approuvé à une voix de majorité le projet de recommandations que je lui avais soumis, certaines de ces recommandations ayant tout de même été approuvées à l’unanimité.
A titre liminaire, je souhaite faire observer que le droit à la maîtrise de leur fécondité par la contraception et, éventuellement, par l’IVG, a constitué, pour les femmes, un acquis majeur pour leur émancipation et une condition favorable à l’égalité de leurs chances avec les hommes au sein de la société.
Cet acquis a, avant tout, résulté de luttes importantes des femmes, mais aussi de l’engagement de certaines personnalités. A ce sujet, je voudrais saluer la détermination, l’action et le courage politique de notre collègue
Lucien Neuwirth dans la prise en compte de ces luttes par la loi de 1967 sur la contraception qui porte son nom. Je souhaitais, au-delà de nos divergences politiques, lui rendre hommage avec beaucoup de sincérité. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyens, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RPR.)
La maîtrise de leur fécondité par la contraception et, éventuellement, par l’IVG constitue un droit essentiel pour les femmes, disais-je. Pour autant, le recours à l’IVG est un droit dont chacun voudrait qu’aucune femme ne soit placée dans l’obligation de l’exercer, parce qu’il est vécu douloureusement la plupart du temps. Tout le monde regrette que plus de
220 000 femmes y recourent chaque année en France, alors que d’autres pays comparables au nôtre et à la législation parfois plus libérale ne connaissent pas de tels chiffres.
Dès lors, si le droit à l’IVG doit être préservé et renforcé, des améliorations doivent dans le même temps être apportées au droit à la contraception, précisément parce qu’il doit contribuer à réduire naturellement le nombre des IVG.
A cet égard, le rapport d’information de la délégation insiste délibérément sur le volet « contraception » du projet de loi, considérant comme nécessaire d’engager un effort accru en faveur de l’information et de l’accès à la contraception.
La première partie de ce rapport dresse un état de la situation actuelle du droit des femmes à la maîtrise de leur fécondité, résultat d’un siècle de luttes mais qui est encore loin d’être satisfaisante. Les droits obtenus par les femmes depuis trente ans doivent ainsi faire l’objet d’une grande vigilance car leur exercice n’est pas toujours facilité, quand ils ne sont pas tout simplement combattus.
Enumérant les problèmes existants, le rapport cite notamment les lacunes de l’information des adultes et des jeunes sur les méthodes contraceptives, la trop faible participation du corps médical à cette information, faute notamment d’une formation initiale et permanente suffisante, le désintérêt relatif des chercheurs pour l’amélioration des produits contraceptifs, le mauvais remboursement des produits les plus efficaces. Il relève également les actions illégales et condamnables visant à empêcher les services d’orthogénie de fonctionner ou à interdire aux femmes de s’y rendre, l’usage extensif de la clause de conscience par certains médecins qui empêche nombre de femmes d’accéder à l’IVG dans les meilleurs délais, ainsi que la diminution inquiétante du nombre des médecins pratiquant l’IVG, activité éprouvante n’offrant guère de motifs de satisfaction et, comme telle, relativement méprisée par le corps médical.
La seconde partie du rapport est consacrée au contenu du projet de loi que Mme la ministre vient de présenter. Je vous indique simplement que la délégation est favorable à ce projet de loi et que, dans le corps de son analyse, elle fait état des pistes qu’elle suggère de suivre dans ses recommandations pour, de son point de vue, améliorer le dispositif d’accès à la contraception et à l’IVG.
Enfin, dans la dernière partie de son rapport, la délégation a jugé impératif que des moyens accompagnent ces avancées législatives, qu’un engagement plus prononcé des pouvoirs publics en faveur d’une véritable politique de la contraception soit affirmé et que les dispositifs d’accueil des femmes qui demandent une IVG soient renforcés.
Parmi les pistes que suggère le rapport figurent l’information de nos concitoyens et de nos concitoyennes, particulièrement des jeunes, sur la contraception, l’implication plus grande des médecins, conditionnée par une réflexion sur leur formation, la reprise de la recherche en matière de traitements contraceptifs, un meilleur remboursement de ceux-ci, un renforcement des moyens budgétaires pour les centres d’IVG, une réflexion sur le recrutement, le statut, la rémunération et l’avenir des professionnels, notamment des médecins, et, enfin, la planification de l’ouverture des centres pendant la période estivale et l’institution de « numéros verts » régionaux.
J’en viens, pour conclure, aux recommandations adoptées par la délégation.
A la majorité d’une voix, elle s’est déclarée favorable au dispositif du projet de loi, ayant déjà exprimé, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi relative à la contraception d’urgence, son soutien de principe à toute mesure de nature à diminuer le nombre des grossesses non désirées et, par conséquent, celui des interruptions volontaires de grossesse, qui demeure encore important.
Elle a estimé en particulier indispensable de promouvoir une véritable politique publique en faveur de la contraception qui, à terme, devrait permettre de ramener le nombre d’IVG en France à un niveau comparable à celui de ses principaux partenaires européens.
A l’unanimité, la délégation s’est félicitée des engagements pris en faveur de la pérennisation des campagnes publiques d’information sur la contraception et des efforts entrepris par le ministère de l’éducation nationale pour assurer aux adolescents des séquences d’éducation à la sexualité tout au long de leur scolarité, mais elle a relevé que des moyens suffisants devront être dégagés pour garantir l’efficacité de ces méthodes de sensibilisation.
Elle a observé, à l’unanimité, que cette information et cette éducation, qui concernent tout autant les hommes que les femmes, pourraient être mieux relayées auprès de ces dernières par le corps médical, et tout spécialement les médecins généralistes, qui crédibiliseraient ainsi le discours public.
Elle a, dès lors, recommandé un renforcement et une amélioration de la formation des étudiants en médecine sur la contraception et ses méthodes, et sur les façons d’aborder ces questions avec leurs patientes.
S’agissant plus particulièrement du projet de loi, la délégation, à la majorité d’une voix, a considéré que ses dispositions étaient propres à faciliter l’accès à la contraception. Elle s’est déclarée favorable à la suppression de l’accord parental pour la délivrance aux mineures de méthodes et de traitements contraceptifs ainsi qu’à l’institution d’un dispositif de gratuité pour la contraception des mineures, à l’instar de celui qui a été mis en place, sur l’initiative du Sénat, pour la contraception d’urgence.
Par ailleurs, concernant la légalisation de la stérilisation volontaire à visée contraceptive, notre délégation a recommandé à la majorité d’une voix la prise en charge totale de ces opérations par la sécurité sociale.
Elle s’est cependant interrogée sur les financements qui devraient accompagner l’ensemble des mesures relatives à la contraception pour les rendre pleinement effectives.
La délégation a, à la même majorité d’une voix, considéré comme indispensable que les pouvoirs publics oeuvrent, par tous les moyens dont ils disposent, à favoriser les progrès de la recherche en matière de techniques contraceptives, notamment en termes de sûreté et d’allégement des contraintes, et pour les rendre accessibles à toutes et à tous par leur remboursement total par la sécurité sociale.
Elle a estimé que, loin de susciter des dépenses supplémentaires, une telle politique serait au contraire globalement économe des deniers publics et sociaux, la charge collective, directe et induite, du recours important à l’IVG devant en effet, grâce à elle, être rapidement réduite.
En ce qui concerne l’IVG, la délégation a été, toujours à la majorité d’une voix, favorable à la prolongation de deux semaines du délai légal d’intervention, qui devrait permettre de diminuer le nombre de femmes contraintes de se rendre à l’étranger ou de poursuivre une grossesse qu’elles ne désirent pas.
A l’unanimité, la délégation a toutefois recommandé plusieurs actions.
Il s’agit, d’abord, d’accroître les moyens humains, matériels et financiers des centres d’orthogénie, d’améliorer le statut des personnels médicaux et non médicaux, et de renforcer leur formation afin de favoriser un meilleur accueil des patientes, de parvenir à une réduction générale des délais d’intervention et d’organiser les interruptions de grossesse au-delà de la dixième semaine dans des conditions de sécurité maximales.
Il s’agit ensuite d’instituer, dans chaque département, des « numéros verts » offrant des renseignements pratiques - adresses, coordonnées téléphoniques, horaires d’ouverture - sur les centres de planification, les centres d’orthogénie et les associaitons susceptibles de recevoir et de délivrer aux femmes, en particulier aux adolescentes, des informations sur la contraception, sur l’IVG et sur la prévention des maladies sexuellement transmissibles.
Par ailleurs, la délégation a recommandé d’apprécier le motif médical susceptible de permettre une interruption médicale de grossesse au-delà de la douzième semaine de grossesse conformément aux prescriptions de l’Organisation mondiale de la santé, qui définit la santé comme un
« état de bien-être physique, mental et social ».
Enfin, à la majorité d’une voix, la délégation a également recommandé d’accélérer, sur le fondement de la disposition du projet de loi donnant une base légale au développement des IVG en médecine ambulatoire, la mise en oeuvre de l’engagement du Gouvernement de favoriser, au cours des cinq premières semaines de la grossesse, le recours aux méthodes médicamenteuses d’interruption de la grossesse.
S’agissant des jeunes filles mineures, la délégation a observé, à la majorité d’une voix, que le dispositif du projet de loi institué pour leur permettre, si le consentement des parents n’a pas pu être recherché ou obtenu, de subir une IVG dans le secret devra, pour être applicable, être précisé en ce qui concerne la responsabilité tant du corps médical que de l’adulte référent. Cette majorité a, en outre, souligné l’attention toute particulière qu’il conviendra de porter à l’accompagnement post-IVG de ces jeunes filles en détresse, lorsqu’elles ne pourront compter sur le soutien affectif de leur famille.
Enfin, la délégation a recommandé, à la majorité d’une voix, d’étendre le délit d’entrave à la pratique légale des IVG aux pressions, menaces et actes d’intimidation exercés à l’encontre de l’entourage des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans les établissements mentionnés à l’article L. 2212-2 du code de la santé publique.
Tels ont été, madame la secrétaire d’Etat, mes chers collègues, les travaux et les recommandations de la délégation aux droits des femmes. Ce fut un plaisir et un l’honneur pour moi de rapporter un projet de loi relatif à l’IVG et à la contraception, qui est un volet majeur des droits des femmes et de leur émancipation, et qui, je sais, est attendu par des milliers de femmes dans notre pays.