Hôpital, patients, santé et territoires (2)

Publié le 12 mai 2009 à 20:08 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,

Avant toute chose, je voudrais me réjouir de l’adoption par la commission des affaires sociales, de deux des amendements déposé par mon groupe ; l’un précise que l’accès aux soins de premiers recours s’apprécie en termes de distance, mais également en terme de temps de parcours, précision importante pour les habitantes et habitants de nos territoires de campagnes et de montagnes, pour qui la notion de kilomètres à souvent moins de sens que celle de temps de parcours. Le second précise quant à lui que les comités de massif reçoivent chaque année un rapport de l’agence régionale de santé sur l’organisation de la permanence des soins.

Ces deux amendements, aussi positifs soient-ils ne sont toutefois pas de nature à modifier sur le fond votre projet de loi, dans lequel un absent, ou plutôt « des absents » se font cruellement remarquer : « les territoires ».

Certes, on les retrouve dans l’intitulé de votre projet, mais lorsqu’ils apparaissent dans le texte, c’est pour mieux asseoir l’autorité des Agences Régionales de Santé, ou pour organiser la participation de différents comités dont aucun ne dispose des pouvoirs suffisants : les avis, lorsqu’ils existent, sont consultatifs.

Il en est ainsi de la « conférence régionale de la santé et de l’autonomie » qui participe par ses avis à la définition de la politique régionale de santé, mais ne dispose d’aucun pouvoirs réels pour satisfaire aux besoins constatés des populations. En somme, les territoires sont des lieux d’application de décisions prises ailleurs, dans des Agences Régionales de Santé toutes puissantes, profondément anti-démocratiques, dirigées au choix par les représentants de l’Etat dans les régions ou des personnes « qualifiées », pouvant être elles-mêmes nommées par l’Etat.

Dans ce rapport très hiérarchique, « verticalisé » à l’extrême, profondément technocratique, les territoires et leurs représentants n’ont pas voix au chapitre.

Au groupe CRC - SPG, nous défendons une autre construction de ces Agences Régionales de Santé, dans lesquelles les conseils de surveillance seraient dirigés par des représentants des conseils régionaux ; il en est de même pour les établissements publics de santé, dont les conseils de surveillance devraient être dirigés par les élu-e-s des collectivités locales et territoriales, parmi lesquels les élus des villes, des régions et des départements, disposant de réels possibilités pour faire appliquer partout la mission de service public de permanence des soins.

Nous proposons que ces élu-e-s soient plus associé-e-s qu’ils ne le sont aujourd’hui dans la définition du projet régional de santé, particulièrement pour ce qui est de la lutte contre les déserts médicaux. Car en réalité, aujourd’hui - et demain encore tant votre projet de loi est en la matière indigent - ce sont les maires qui recherchent partout, y compris en dehors de France, des médecins pour venir s’implanter dans leurs communes, notamment en mettant à leur disposition des logements et des cabinets flambant neufs, exonérés de loyers.

J’en veux pour preuve la démarche entreprise par mon ami Gérard LE CAM, sénateur des Côtes-d’Armor. Ce sont aujourd’hui les Régions et les Départements qui puisent dans leurs ressources pour financer des bourses destinées aux étudiants en médecine, en échange de leur promesse d’installation sur un territoire déterminé. Et ce ne sont pas vos quelques 200 bourses, pour tout le territoire national, qui suffiront à résoudre ce que l’on appelle « les zones blanches ».

Disant cela, je ne voudrais pas stigmatiser les étudiants en médecine qui font le choix de s’installer dans des zones où l’offre est déjà très importante. Comment leur en vouloir quand l’Etat lui-même abandonne les quartiers difficiles, les zones de montagnes et nos campagnes ? Comment en vouloir à des jeunes gens qui assistent chaque jour à la fermeture d’une poste, d’une école, de l’ensemble des services publics, à qui votre gouvernement demande d’en pallier l’absence et d’être dans certains territoires, bien que relevant pourtant de l’organisation libérale, le dernier représentant de la puissance publique ?

Enfin, je voudrais vous faire part de notre totale opposition à la logique comptable qui gouverne ce projet de loi et aura pour effet de contraindre les hôpitaux en situation de déficit, c’est à dire l’immense majorité d’entre eux, à procéder à des suppressions massives d’emplois et à la fusion forcée d’établissements publics de santé ; fusion décidée par le directeur général de l’Agence Régional de Santé, sans avoir à connaître l’accord du conseil de surveillance du ou des établissements concernés, ni sans avoir reçu l’approbation du conseil de surveillance de cette agence. Une décision autoritaire, comme celle de votre gouvernement de fermer plus d’un tiers des tribunaux des affaires de la sécurité sociale, de réviser la carte judiciaire, la carte militaire et de fermer des postes de gendarmerie et de police, au nom de la RGPP, sans jamais en mesurer l’impact et les conséquences sur les territoires concernés. Pourtant, nous savons toutes et tous combien la fermeture d’un hôpital de proximité peut avoir d’importantes conséquences, pour la population qui perd un service public de plus, pour les communes qui voient se déplacer un nombre important de salarié-e-s, et pour les personnels eux-mêmes ! Autant de conséquences impactant le dynamisme des communes et leur économie locale environnante.

Madame la Ministre, les hôpitaux publics, comme l’ensemble des services publics, participent activement à l’aménagement de nos territoires. C’est pourquoi il est inacceptable que puissent s’opérer des fusions ou des regroupements, sans que les élu-e-s locaux aient leur mot à dire.

Pour toutes ces raisons, complémentaires à celles déjà données par mon collègue François Autain, nous voterons contre ce projet de loi.

Annie David

Ancienne sénatrice de l'Isère
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