Je voudrais partager avec les camarades de mon groupe ce sentiment d’avoir bien œuvré et dire que, pour ma part aussi, je suis très sensible à la somme de travail que nous avons accomplie ensemble, mes chers collègues.
Cela étant, je ne vous cache pas ma surprise : alors que le Sénat a la réputation de faire des lois bien cadrées, un texte de cette importance va quitter notre assemblée amputé de l’une de ses dispositions emblématiques, l’article 4, qui prévoit les modalités d’allongement de la durée d’assurance jusqu’en 2020.
M. Nicolas About. Il reviendra !
M. Guy Fischer. Je n’en doute pas ! Mais il est de tradition qu’une deuxième délibération corrige les erreurs. Nous n’avons jamais vu cela au Sénat depuis au moins vingt ans.
Au terme de trois semaines de débats, alors que nous avons été portés par une mobilisation populaire extraordinaire, ce projet de loi se termine par un coup de force de l’Élysée, qui, se livrant à un véritable déni de démocratie, a contraint le Sénat à en finir ce soir.
Tout au long des débats, vous nous avez assené vos discours sur l’inéluctabilité de la réforme, sur les sacrifices nécessaires et sur le poids de la démographie, relayés en cela par de considérables moyens médiatiques prêchant la résignation, la peur des casseurs, la crainte de la pénurie… Construction idéologique que tout cela, comme nous l’avons démontré patiemment.
Nous avons également fait des propositions concrètes pour un autre financement pérenne de notre système de retraite solidaire.
Malgré vos dénégations, avec ce projet de loi, la retraite par répartition aura été jetée par-dessus bord ! Et ce projet de loi jette les fondements de la retraite par capitalisation, que vous appelez de vos vœux et qui s’engouffre déjà dans la brèche ainsi ouverte.
Vous vous apprêtez donc à faire voter une réforme brutale, injuste et inefficace.
Votre réforme est brutale : elle fera de la France le pays le plus régressif de l’Union européenne.
M. Rémy Pointereau. C’est faux !
M. François Autain. C’est vrai !
M. Guy Fischer. Nous sommes le seul pays où, à travers une seule et même réforme, on agit simultanément sur ces deux leviers que sont les bornes d’âge et la durée de cotisation.
M. Roland Courteau. Voilà la vérité !
M. Guy Fischer. Âge légal à 62 ans, âge du taux plein sans décote à 67 ans : voilà ce que vous imposez à tous et à toutes, avec les conséquences dramatiques dont nous nous sommes fait largement l’écho.
Votre réforme est injuste : alors que les entreprises du CAC 40 voient leurs résultats bondir de 85 %, on fait payer la réforme à 85 % par les salariés, et l’on égratigne à peine le capital.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Guy Fischer. Injuste aussi parce que c’est la réforme de la super-austérité : elle va s’accompagner d’une véritable glaciation des salaires et des retraites. Quel cynisme, tandis qu’un dirigeant comme celui de Carrefour empochera une retraite à vie de 500 000 euros par an !
Enfin, elle est inefficace parce que vous ne voulez pas nuire à vos amis les nantis. Nous le savons tous, le déficit de la branche vieillesse ne sera pas durablement réduit par ce projet de loi.
Et ce ne sont pas les quelques avancées, largement insuffisantes, que vous avez consenties en direction des femmes fonctionnaires mères de trois enfants ou encore des poly-pensionnés qui changeront notre opinion sur ce texte.
Sans états d’âme, vous allez contraindre des salariés usés aux carrières longues, des femmes aux carrières morcelées et tous ceux qui exercent des métiers pénibles, notamment les catégories actives de la fonction publique hospitalière, et même les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles, à travailler deux ans de plus ! Quel mépris ! Décidément, le drame des victimes du cancer et de leurs veuves n’aura pas pesé lourd dans la balance face aux intérêts des privilégiés que Mme Parisot et vous-même défendez envers et contre tout.
M. le président. Il faut conclure !
M. Guy Fischer. Pour faire passer ces idées, vous avez choisi une méthode brutale, autoritaire, au Parlement comme dans la rue, contre les jeunes et contre les salariés qui défendent devant les entreprises leur outil de travail et leur dignité.
M. Gérard Cornu. Temps de parole dépassé !
M. Guy Fischer. Tout cela parce que vous avez perdu la bataille des idées, parce que vous avez peur des ouvriers, des jeunes et de tout un peuple qui refuse de vous voir rayer d’un trait de plume l’une des conquêtes essentielles de la classe ouvrière. (Protestations d’impatience sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Concluez, je vous prie !
M. Guy Fischer. Ce projet de loi, improprement qualifié de « réforme » des retraites, est tout sauf une réforme : c’est un acte de « dé-civilisation », de régression sociale sans précédent qui participe d’un projet de société, d’un projet de classe, celui des puissants contre la grande masse des petites gens.
M. Gérard Cornu. Une minute de trop !
M. Guy Fischer. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte et nous défendrons pied à pied ce droit fondamental qu’est la retraite pour tous à 50 ans ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.)
Je voulais bien évidemment parler du droit à la retraite à 60 ans, mes chers collègues. Vous l’aurez tous compris !