Mon propos, au nom du groupe CRC, se situera dans la continuité de mes collègues Annie David et Isabelle Pasquet.
Cet après-midi d’initiative parlementaire, la première pour le groupe CRC, depuis le basculement du Sénat, est un moment fort (outre le repos dominical, je pense également au débat qui suivra sur l’abrogation du conseiller territorial) et les thèmes que nous allons aborder illustrent bien la volonté politique des sénateurs et sénatrices communistes de garantir des fondamentaux de justice sociale et qualité de vie pour tous et toutes.
Si Annie David, a été à l’initiative pour notre groupe de cette proposition de loi sur le repos dominical, c’est bien pour tenter de répondre à une dérive, que chacun-e peut constater, notamment depuis la loi du 10 août 2009, la loi Maillé.
Le groupe CRC-SPG s’était opposé à cette loi considérant qu’elle portait atteinte au droit des salarié-es à disposer de deux jours consécutifs de repos et d’un jour commun de repos afin de préserver la vie familiale, personnelle. Cette loi remet en cause une conquête sociale, dans le même esprit que la victoire des Congés payés, avec la possibilité d’un véritable temps libre et partagé qui profite à tous.
Le Conseil Economique et Social affirmait d’ailleurs en 2007 que le dimanche ne devait pas être banalisé et qu’aucune nouvelle dérogation de plein droit ne devait être envisagée.
Deux ans après son application, cette loi a surtout légalisé des pratiques qui jusqu’ici étaient interdites et a ouvert la porte à de nombreux contournements. Ce qui ne devait être que des exceptions ou des possibilités, au nom d’intérêts économiques ou touristiques, au travers des PUCE (Périmètres d’usage de consommation exceptionnelle) a entrainé des abus.
Je pense notamment à de nombreuses superettes alimentaires dans les grosses agglomérations qui ouvrent toute la journée le dimanche, au-delà de 13 h, et ce en toute illégalité, avec également des horaires nocturnes de plus en plus fréquents en semaine.
Ces abus commencent aujourd’hui à être punis, je citerai la récente victoire de 4 salarié-es d’ED à Créteil (94), injustement licenciés pour motif « d’insubordination » alors qu’ils refusaient les modifications de leur contrat de travail qui leur imposaient de travailler le dimanche.
Je pense également et plus spécifiquement à la magnifique lutte victorieuse qu’ont livré pendant près de 2 ans et 104 dimanches de grève les femmes-salariées, de ED/DIA à Albertville.
Ces femmes parmi lesquelles des mères de familles ont obtenu que seules les volontaires travaillent désormais le dimanche et ont réussi à faire entendre par leur détermination qu’à l’instar du temps partiel qui est le plus souvent subi, travailler le dimanche n’est pas un choix et nuit à la vie familiale.
En effet, de quel choix peut-on parler quand travailler le dimanche est l’unique façon de gagner quelques euros supplémentaires pour boucler ses fins de mois ? (pour ceux qui ont la chance d’être payés plus ce jour là, ce qui là aussi, est de moins en moins vrai).
‘’Au pays du travailler plus pour gagner plus’’, on allonge les heures de travail, l’âge légal de départ à la retraite, jamais les salaires…
C’est le principe des politiques libérales qui ont choisi de mettre en berne le pouvoir d’achat du plus grand nombre, d’instaurer un véritable précariat, une flexibilité toujours plus grande avec des horaires de travail de plus en plus atypiques, une France des bas salaires quand quelques uns continuent de s’enrichir.
Et ce n’est pas non plus un hasard si la plupart des enseignes qui pratiquent aujourd’hui, le travail le dimanche de façon imposée, sont celles qui pratiquent d’une manière générale, le dumping social. Une main d’œuvre, pas chère, corvéable à merci mais qui commence à se faire entendre…
Il s’avère que la plupart des employés sont des femmes, des caissières. Chacun constate donc très bien la double peine : une inégalité flagrante dont sont une nouvelle fois victimes les femmes : conditions de travail dégradées et difficulté de concilier vie professionnelle et vie familiale.
Les femmes constituent malheureusement dans le milieu professionnel une sorte de laboratoire pour mettre en place des mesures les plus régressives qui sont ensuite étendues à l’ensemble du monde du travail. Toute amélioration de leur situation tire donc toute la société vers le haut.
Bien entendu, le but de cette proposition de loi n’est pas de se positionner ‘’pour ou contre le travail du dimanche’’ : chacun-e d’entre nous, constate que les modes de vie ont évolué, que des amplitudes horaires plus larges en tant que consommateurs peuvent constituer un certain bien-être.
Nous sommes ainsi pris dans des contradictions entre satisfaction des besoins individuels, d’un côté, et respect de l’intérêt collectif, de certaines valeurs, de l’autre. Mais faire ses courses le dimanche est-ce vraiment d’utilité publique et une avancée sociale ?
Le débat d’aujourd’hui, la vocation de la PPL est bien de permettre des protections et de donner des droits aux salariée-es du dimanche, de ne pas banaliser ce jour-là qui reste un acquis social.
Deux points nous paraissent, à ce titre, essentiels dans cette proposition de loi :
- Premièrement, que seul-es les salarié-es ayant donné volontairement leur accord par écrit, puissent travailler le dimanche.
- Que le salarié-e bénéficie d’un autre jour de repos compensateur et perçoive une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due.
Ce sont des principes intangibles pour nous, seuls à même de garantir des conditions de travail acceptables.
En aucun cas, les intérêts économiques, marchands ne doivent primer sur le bien-être des individus.
Et au-delà des critiques habituelles que nous pourrions également formuler sur la ‘’société de consommation’’, la question qui nous est véritablement et plus généralement posée est de savoir comment garantir une cohésion sociale s’il n’y a plus de temps commun partagé, symbolisé par le dimanche ? Je rappellerai juste qu’aujourd’hui, 6 millions de Français-es travaillent le dimanche.
Le travail le dimanche doit être un choix, dans une exception encadrée, le repos dominical, un droit. C’est bien le sens de cette proposition de loi qui entend revenir sur le recul social que constitue la loi Maillé.
Les salarié-es seront attentifs aux choix pris majoritairement dans cette Haute Assemblée : garantir par une loi leurs droits ou les laisser isolés et démunis face à des exigences patronales toujours plus dures.