Egalité des chances et CPE : le contrat première embauche ne créera par d’emplois

Publié le 27 février 2006 à 11:20 Mise à jour le 8 avril 2015

L’article 3 bis illustre bien votre façon de gouverner ; l’abus des ordonnances - la dernière en date pour le C.N.E. -, l’usage du 49-3 témoignent assez de votre mépris de la représentation nationale et des partenaires sociaux.

Sortir de votre chapeau le contrat première embauche par le biais d’un amendement est d’une désinvolture ou plutôt d’une insolence sans bornes. Pourquoi tant de hâte, sinon par crainte d’une réaction populaire ? Je gage qu’elle ne tardera pas à s’amplifier.

Le C.P.E. ne créera pas d’emplois, pas plus que le C.N.E., dont les deux tiers se substituent en fait à des C.D.I., tandis que 10 % ont déjà été dénoncés et que les plaintes se multiplient devant les tribunaux. Car le salarié bénéficie toujours du droit de se retourner contre son employeur et de l’accuser de pratiques discriminatoires.

Le C.P.E. n’est pas conforme aux principes fondamentaux de la convention n° 158 de l’O.I.T. : délai déraisonnable de la période d’essai, absence de motivation du licenciement. De même, la charte sociale européenne reconnaît dans son article 24 « le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise ».

Tous les journaux nous le rappellent, qui font état du rapport remis la semaine dernière au gouvernement - à votre corps défendant - par M. Proglio, P.D.G. du groupe Veolia, qui préconise une « revalorisation du contrat à durée indéterminée comme forme normale d’embauche ».

Le C.P.E. porte une nouvelle atteinte à notre droit du travail, avec l’objectif clairement avoué de faire tomber les droits acquis par des décennies de combats politiques et de luttes sociales.

De même que notre très libérale voisine d’outre-Rhin vient de diminuer de 20 % les allocations versées aux jeunes chômeurs de longue durée à partir du 1er juillet, vous stigmatisez nos populations les plus fragiles : jeunes, chômeurs, femmes seules... La boucle sera bouclée avec la prochaine proposition de loi de MM. Mercier et de Raincourt réformant les minima sociaux.

Tout se tient et le droit du travail se délite. Encore un pas - le contrat unique, par exemple - et vous obtiendrez le satisfecit intégral du Médef de Mme Parisot. J’oubliais le C.D.D. « vieux » : la précarité devient la règle.

Je ne crains pas de me répéter : vous vous acharnez à tailler en pièces tout ce qui garantit niveau de vie et stabilité familiale par une politique entièrement acquise à la logique du profit pour les entreprises et les groupes bancaires. Le CAC 40 atteint d’ailleurs des sommets.

Vous ne craignez pas de culpabiliser les travailleurs précaires et les chômeurs en les accusant de fainéantise. Comme si c’était enviable de ne pas gagner sa vie ! Comme si c’était enviable pour une femme seule élevant plusieurs enfants de travailler à quart de temps dans un grand magasin !

Minimum unique pour les sans emploi, contrat unique pour les heureux titulaire d’un contrat de travail au rabais : voici à quoi vous condamnez tous ceux qui luttent pour garder la tête hors de l’eau. La diversité des statuts à laquelle vous entendez mettre fin est pourtant une réponse - bien qu’insatisfaisante - à des situations dont l’histoire est différente. Tout se tient : en matière d’assurance maladie, vous fustigez les assurés, soupçonnés d’être des fraudeurs potentiels. Oui, tout se tient, l’image que vous voulez donner des pauvres vous sert à démanteler nos systèmes de solidarité et de protection sociale. Nous n’accepterons pas une telle politique.

Guy Fischer

Ancien sénateur du Rhône

Ses autres interventions :

Sur les mêmes sujets :

Emploi, salaires et retraites
Précarité