Le gouvernement avait un objectif clair en avançant au 23 février le début de l’examen de ce texte : écourter le plus possible la discussion, pour ne pas laisser de prise à l’opposition, et ne pas permettre que le Parlement se fasse l’écho de la mobilisation grandissante, dans le pays, contre ce projet de loi.
Il pouvait compter sur la docilité et la compréhension de la majorité sénatoriale, prête à accepter toutes les compromissions et tous les arrangements, y compris avec notre Règlement et le droit constitutionnel d’amendement.
Tout y est passé : mises en réserve de pans entiers du débat, irrecevabilité douteuse de certains amendements et sous-amendements, demandes de priorité, liquidation d’amendements portant article additionnel, pression constante sur les orateurs pour qu’ils abrègent la durée de leurs interventions.
Malgré tous ces coups de bâton et grosses ficelles, le but n’a pas été atteint.
Avec détermination, nous avons présenté des amendements, nous nous sommes opposés à ce texte, parce que c’est ce que nous disent nos concitoyens, ce que nous disent les jeunes, ce que disent leurs parents tous contre l’institutionnalisation de la précarité.
Ce texte déréglemente davantage le Code du travail, il autorise le travail de nuit, du dimanche, y compris pour les mineurs, il généralise les dérogations aux 35 heures, il multiplie les contrats précaires et les emplois aidés, au détriment de cette forme normale de contrat de travail qu’est le C.D.I.
L’apprentissage à 14 ans, c’est une régression sociale masquée derrière un populisme qui prétend se parer du bon sens.
Vous offrez sur un plateau au patronat une main-d’œuvre bon marché, que vous souhaitez taillable et corvéable à merci.
Vous avez adopté conforme le C.P.E.
Ce pseudo contrat de travail est en parfaite contradiction avec le titre même du projet de loi : de quelle égalité des chances s’agit-il quand les jeunes ont moins de droits que leurs parents ? Il institutionnalise la précarité, segmente le marché du travail et va permettre à quelques entreprises de se payer à bon compte une main- d’œuvre jeune et qualifiée.
Il ne manquerait plus que les salaires des jeunes en C.P.E. soient inférieurs à 1,5 S.M.I.C. et les entreprises auraient et le droit et l’argent pour elles !
La seule justification de cette démarche, c’est votre dévotion fervente au libéralisme, à ce dogme paradoxal qui veut que pour embaucher, il faille d’abord débaucher !
De nombreuses autres dispositions ajoutent des cadeaux financiers aux entreprises, tout en stigmatisant les populations les plus fragiles.
En sus des 22 milliards d’exonérations de cotisations sociales confisqués aux salariés le texte étend les zones franches urbaines qui vont devenir des zones de non-droit, où le gouvernement confond le retour de la République avec la concentration de l’emploi précaire, mal payé, à qualification non reconnue !
Les politiques de discrimination, telles qu’elles transparaissent dans les derniers articles, se nourrissent d’amalgames douteux, véritable poison raciste imprégnant toute la démarche gouvernementale.
Au lieu de lutter contre la pauvreté, on dissout les missions du F.A.S. dans une agence de cohésion sociale aux objectifs mal définis, en attendant de la mettre au service de cette scandaleuse politique d’immigration « choisie » que va nous présenter bientôt le ministre de l’Intérieur, on prévoit de retirer aux familles les allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire, on encourage à la communautarisation !
Une fois encore, le libéralisme économique le plus échevelé va de pair avec un arsenal juridique répressif toujours plus achevé.
La liberté pour les « licencieurs », la double peine pour les licenciés, leurs familles, leurs enfants.
Ce texte travestit son titre même : ce n’est pas l’égalité des chances, c’est le « toujours plus » d’argent pour quelques uns et toujours moins de droits pour l’immense majorité.
Nous sommes de cette majorité, avec cette immense majorité, nous ne voterons donc pas ce projet de loi !