Débat sur l’ informatisation dans le secteur de la santé

Publié le 11 mai 2006 à 17:22 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président,
Chers collègues,

Le rapport que M. Jean-Jacques Jégou a fait paraître à la fin de l’année 2005 au nom de la Commission des Affaires Sociales, voulait établir un état des lieux de l’informatisation dans le secteur de la santé. Il entérine en fait l’échec de la réforme voulue par M. Douste-Blazy.
Il s’agissait, en particulier, de faire un premier bilan sur le Dossier Médical Personnel, créé par la loi du 13 août 2004 relative à l’Assurance Maladie. Le bilan est clair : c’est un gouffre financier et c’est parfaitement inefficace.

On peut rappeler à ce propos, d’ailleurs, qu’à l’origine M. Douste-Blazy avait annoncé le Dossier Médical Personnel comme un fabuleux outil d’économie pour les comptes sociaux, et qu’il permettrait de réaliser, selon lui, une économie d’environ 3,5 milliards à l’horizon 2007.
On en est bien loin.

Le contenu du rapport est très critique sur l’état d’avancement du Dossier Médical Personnel.
Il constate non seulement que la France reste en retard en matière d’informatisation dans le domaine de la santé, mais en particulier que le DMP s’avère coûteux et peu pratique.

Le DMP a, en effet, des coûts directs, comme par exemple, la mise en place de la télétransmission des informations, mais il y a surtout les coûts indirects, en particulier tous les équipements à prévoir pour les centres hospitaliers.

On peut souligner, de plus, un certain nombre d’interrogations pour l’avenir, en particulier le coût du DMP en « régime de croisière », c’est-à-dire à l’usage. Il est pour l’instant estimé entre 600 millions d’euros et 1,2 milliards par an.

Dans tous les cas, M. Jégou constate que le calendrier avancé par le Gouvernement est parfaitement irréaliste, et que l’on sera loin d’atteindre la généralisation du système à la mi-2007. Il reprend par exemple les propos de M. Richier, président de la Commission des systèmes d’information de la Conférences des directeurs généraux de CHU, qui estime que « l’horizon du Dossier Médical Personnel est bien 2020 plutôt que 2007 ».

Les dernières informations sur le sujet confirment ces prévisions, et on annonce plutôt qu’il deviendrait facultatif. Ce qui serait pour le Gouvernement le seul moyen de ne pas perdre complètement la face, alors qu’il s’est largement avancé sur les succès de sa réforme.

Mais ces annonces étaient irréalistes, c’est ce que nous avions dénoncé dès l’examen du projet de loi en 2004. Il suffit pour cela de regarder l’exemple britannique, où il aura fallu environ 10 ans pour parvenir à l’informatisation du système de santé. Comment croire alors que l’on y serait parvenu en France en 3 ans ?

Ainsi donc, la plupart des constats établis par M. Jégou vont dans le sens des interventions que nous avions faites lors du vote de la loi en août 2004.
Il s’agit, avec ce DMP, de faire de l’affichage politique, sans réelle cohérence, sachant par ailleurs, que c’est excessivement coûteux.

Lors des débats pour le PLFSS de 2006, nous avons déjà dénoncé le fait que le DMP avait un coût exorbitant. Il est financé par le FAQSV (Fonds d’aide à la qualité des soins de ville) à hauteur de 100 millions d’euros cette année, contre 15 millions l’an passé. Il faut voir que le Fonds n’est doté que de 110 millions d’euros.

Je le disais au début de mon intervention, c’est un véritable gouffre financier. Et cela a pour conséquence directe de pénaliser les autres missions initialement financées par le FAQSV .
C’est le cas en particulier des Maisons Médicales de Garde, et j’ai essayé récemment de tirer la sonnette d’alarme sur leur situation déplorable par une question orale.
Les maisons médicales de garde, dont celles de Vénissieux qui est la première, sont en train de fermer progressivement. Les directeurs de URCAM déclarent que les caisses sont vides, alors que dans le même temps, le Ministre répond à ma question en annonçant qu’il reste des sommes non attribuées.
C’est la confusion qui règne, et elle est au détriment de nos concitoyens. On observe que l’accès aux soins, notamment dans les zones rurales ou dans les quartiers populaires n’est plus assuré et les services d’urgence sont engorgés.
Tout ceci est une des conséquences de vos choix budgétaires désastreux.

C’est le même problème qui se pose pour le financement de la formation continue des médecins, normalement financée par le FAQSV.
Or, on sait aujourd’hui à quel point il serait essentiel que la formation des médecins ne soit plus assurée par les laboratoires privés, mais au contraire que soit mis en place un système de formation des médecins public et performant.

De plus, de nombreuses questions restent en suspend, comme par exemple, l’accès aux informations contenues dans le DMP.
C’est le cas en particulier pour les maladies professionnelles, ou autre exemple, pour les médecins du travail.
Quelles informations ?
Et surtout qui est autorisé à les consulter ?
Rien n’est vraiment aujourd’hui clairement établi entre ce projet d’informatisation et le respect de la confidentialité pour les patients.

Ces questions sont pourtant essentielles, dans la mesure où l’informatisation s’accompagne nécessairement d’une privatisation de sa gestion. C’est une porte d’entrée pour les entreprises privées dans le système de santé français. Et dans ce cadre, la question des droits et des libertés des patients se pose fortement.

Ce rapport entérine ainsi l’échec de cette informatisation, qui se résume à des investissements financiers colossaux, sans efficacité aucune.

On est ici confronté, malheureusement, à un bon exemple du double discours que nous tient cette majorité depuis 4 ans :
elle dénonce des dépenses sociales inacceptables, elle met en avant des déficits « abyssaux », et justifient de cette façon la restriction de la couverture sociale, et le désengagement de l’Etat.
Mais d’un autre côté, elle multiplie les dépenses inconsidérées, à seule fin de communication politique, ou encore pour faire la part belle aux entreprises privées, comme c’est le cas avec le Dossier Médical Personnel.
Nous le regrettons une fois encore.

Guy Fischer

Ancien sénateur du Rhône

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