Chronique d’une bataille parlementaire (4)

Réforme des retraites : le bras de fer continue !

Publié le 8 octobre 2010 à 11:12 Mise à jour le 8 avril 2015

Depuis le 5 octobre et pour deux semaines, peut-être trois, le Sénat examine à son tour la réforme des retraites. Cette discussion, parole de sénateurs communistes et du Parti de Gauche, n’aura rien de feutré ! Retrouvez ici un résumé quotidien des interventions et des actions venant de parlementaires mobilisés contre une réforme « totalement injuste » et qui se veulent à l’unisson de la protestation populaire.

« Ces annonces, qui sont d’ailleurs en deçà de ce que la presse indiquait depuis plusieurs jours, relèvent d’une manœuvre grossière, fébrile, pour tenter de freiner la montée de la mobilisation qui grandit chaque jour. » L’analyse est signée Annie David. Au nom de ses collègues du groupe CRC-SPG, la sénatrice de l’Isère interpelle une nouvelle fois le gouvernement lors de la traditionnelle séance des questions d’actualité, ce jeudi après-midi. Intercalée au sein de l’examen de la réforme des retraites, la séance est l’occasion pour les élus communistes et du Parti de Gauche de poursuivre leur guerre de tranchées parlementaire. Anni David fait référence aux annonces faites le matin même par Eric Woerth. Le gouvernement propose que les parents qui ont cessé de travailler pour élever au moins trois enfants ou un enfant handicapé puissent quand même partir sans décote à 65 ans. Pour les parents de trois enfants, il faudra être né entre 1951 et 1955. Selon le ministre, 130.000 personnes seraient concernées.

« Votre manœuvre ne répond en rien à l’exigence partagée très majoritairement par le peuple, lui rétorque Annie David : le droit pour toutes et tous à une vraie retraite à 60 ans, à taux plein ! et un financement tout autre impliquant fortement les revenus du capital ! Ce débat sur un nouveau financement fondé sur une autre répartition des richesses, vous n’en voulez pas, et vous refusez catégoriquement toutes mesures qui s’attaquent au portefeuille des grandes fortunes, aux caisses du patronat ! Pas touche au bouclier fiscal, pas touche aux parachutes dorés, pas touche aux stocks option, tel est votre mot d’ordre. » Dans l’hémicycle et devant les caméras de télévision de France 3, la formule fait mouche.

21 h 30. Les sénateurs se penchent sur l’article 5. La commission des Affaires sociales a en effet demandé l’examen en priorité des deux articles-clés de la réforme relatifs au report de l’âge légal de départ à 62 ans et à 67 ans pour les pensions sans décote, le 5 et le 6. Une procédure parfaitement réglementaire, acceptée par le gouvernement (et pour cause, il en est à l’origine ), mais empreinte d’une arrière-pensée évidente : la majorité et l’exécutif entendent faire adopter par le Sénat les deux dispositions essentielles du texte avant la prochaine journée de grèves et de manifestations, le 12 octobre. Car le débat s’enlise, du fait de la multiplication des interventions des élus de gauche. Illustration : ce jeudi à la mi-journée, seulement 16 amendements sur les 1.200 déposés avaient été examinés.

Cette manoeuvre bousculant l’ordre du débat est sévèrement jugée. « Les salariés verront dans cette précipitation les signes d’un gouvernement inquiet et fébrile », estime ainsi la CGT dans un communiqué. « A la suite du coup de force de la commission des affaires sociales et de sa présidente, nous abordons cette nuit les deux principaux articles du projet de loi. Manoeuvre grossière, qui témoigne de l’inquiétude du gouvernement, renchérit Guy Fischer dans l’hémicycle au moment ou s’ouvre le débat sur l’article 5. Après avoir concédé quelques mesures ce matin pour tenter de désamorcer la grogne, vous tentez de faire voter le relèvement de l’âge légal avant mardi. Cette mesure idéologique est révélatrice de votre conception de la société. Nous avons des propositions différentes des vôtres. C’est une malhonnêteté de votre part que de prétendre que l’opposition ne formule pas de propositions ! Après le couperet du président Accoyer, vous tentez ici d’empêcher une discussion suivie sur le financement d’une réforme dont nous ne nions pas la nécessité. Ne vous en déplaise, l’allongement de la durée de vie n’est pas une catastrophe économique, mais elle exige une nouvelle politique de l’emploi ! Même des membres de la majorité s’interrogent sur vos propositions de financement. Votre réforme est injuste et inéquitable, puisqu’elle pèse à 85 % sur les salariés et à seulement 15 % sur les revenus du capital. Le relèvement de l’âge légal est une posture idéologique et votre réforme est injuste et inefficace. En maintenant les seniors au travail, vous empêchez l’entrée des jeunes dans la vie active ! Nous ne vous laisserons pas fuir le débat ! »

Le Sénat doit aller au bout du débat sur les retraites, quelle que soit sa longueur, sans utiliser une procédure pour l’interrompre, avait promis Gerard Larcher. Certes, le débat se poursuit, mais au gré de la volonté du pouvoir. Personnage rond et bonhomme, le président de la deuxième chambre du Parlement a donc choisi de suivre docilement les consignes de l’Elysée.

Les oreilles d’une autre personnalité du pouvoir ont de quoi siffler. C’est Isabelle Pasquet qui se charge de le rappeler. « Bafouant les déclarations passées de Nicolas Sarkozy, le gouvernement se réjouit du passage à 62 ans. Un seul ministre se fait discret, M. Besson, qui en 2003, spécialiste au parti socialiste des questions sociales, critiquait une réforme des retraites injuste et non financée, et opposait au recul de l’âge de la retraite l’impossibilité faite aux seniors de rester dans l’emploi, souligne la sénatrice des Bouches-du-Rhône. Le taux d’activité des plus de 50 ans est le plus bas d’Europe. La Poste pousse les salariés âgés vers la sortie ; il en est de même à France Telecom. On marche sur la tête ! Ce sont 600 000 seniors qui vivent sous le seuil de pauvreté ; votre projet de loi n’est qu’une machine à fabriquer de nouveaux pauvres, tout en maintenant le bouclier fiscal pour les plus riches ! Nous sommes décidément contre le recul de l’âge légal. »

9 h 30, ce vendredi matin : reprise de la séance et début de l’examen des amendements relatif à l’article 5. Mais avant cela, nouvelle intervention de Guy Fischer qui épingle la campagne de « publicité mensongère » du gouvernement. Dans la presse gratuite du jour, ce dernier a fait paraître un encart ventant les mérites supposés de sa réforme. Le débat doit se poursuivre tard dans la soirée et reprendre lundi matin.

A suivre…

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