Chronique d’une bataille parlementaire (11)

Réforme des retraites : le bras de fer continue !

Publié le 19 octobre 2010 à 12:33 Mise à jour le 8 avril 2015

Depuis le 5 octobre et pour trois semaines, le Sénat examine à son tour la réforme des retraites. Cette discussion, parole de sénateurs communistes et du Parti de Gauche, n’aura rien de feutré ! Retrouvez ici un résumé quotidien des interventions et des actions venant de parlementaires mobilisés contre une réforme « totalement injuste » et qui se veulent à l’unisson de la protestation populaire.

C’est maintenant une certitude : le vote de la réforme des retraites ne pourra intervenir au Sénat au mieux que jeudi après-midi. Réunie en urgence par la majorité sénatoriale, la Conférence des Présidents a décidé de reporter à cette date le scrutin solennel sur l’ensemble du projet de loi.

« Dans le cas où le débat ne serait pas terminé dans le courant de l’après-midi du jeudi 21, précise la présidence du Sénat, la conférence a décidé de le poursuivre le soir et la nuit du jeudi et de siéger, éventuellement, sur ce même projet de loi le vendredi 22, le samedi 23 et le dimanche 24 octobre, le matin, l’après-midi, le soir et la nuit. Dans cette hypothèse, le scrutin solennel prévu jeudi 21 octobre serait organisé lors de la lecture des conclusions de la Commission mixte paritaire. » Bref, la majorité sénatoriale a décidé d’en finir coûte que coûte.

C’est que ce report constitue une nouvelle déconvenue pour le gouvernement. Celui-ci tablait en effet sur un vote des sénateurs dès mercredi. C’est raté, et l’on doit reconnaître que les sénateurs communistes et du Parti de Gauche ne sont pas pour rien dans ces prolongations. Depuis le 5 octobre, les 24 élus du groupe se relaient en séance publique et multiplient les interventions, si bien qu’ils comptabilisent à eux seuls 44 % du temps de parole (devant les élus socialistes, 39 %), alors qu’ils ne représentent que 7 % du total des sénateurs. Une superbe moyenne qu’ils comptent bien maintenir juqu’au bout de la discussion. Même si cela doit encore bousculer le calendrier prévu par le gouvernement...

Lundi 18, 10 h, début de la séance. Guy Fischer, d’emblée, donne le ton en étrillant les déclarations du Premier ministre et en renouvelant un appel au dialogue. « Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous tenons à vous faire part de notre effarement devant l’intransigeance irresponsable manifestée par le Premier ministre François Fillon à l’occasion de son passage hier soir au journal télévisé de TF1. À son intervention aux forts relents de « thatchérisme », les salariés répondent, quelques heures plus tard, par une mobilisation forte et accrue. Cela prouve bien l’inefficacité de l’attitude du Premier ministre qui, jour après jour, entraîne notre peuple dans l’impasse. L’autoritarisme du chef du gouvernement, décidément droit dans ses bottes, doit laisser d’urgence la place à une véritable négociation. Madame la présidente de la commission des affaires sociales, depuis plusieurs jours, nous vous demandons de recevoir les organisations syndicales pour participer à la résolution de cette grave crise sociale. Il serait bon, en lieu et place de moquer la jeunesse qui se mobilise, de rencontrer aussi les organisations qui la représentent, car vous ne l’avez pas encore fait depuis le début de cette grave crise. Le dialogue est la voie du bon sens ; c’est d’ailleurs la seule voie possible pour répondre aux attentes de l’immense majorité de notre peuple, dont la colère ne doit plus vous échapper aujourd’hui. Persévérer dans la voie du passage en force est une erreur qui peut se révéler fatale. Pour le bien de notre pays, nous appelons la majorité à la responsabilité. »

La journée est marquée par de nouveaux blocages de dépôts de carburant. Et par de nouvelles tensions. A qui la faute ? A l’intransigeance du gouvernement, souligne Michel Billout. « Alors que la majorité de la population s’oppose à la réforme des retraites, qu’elle le fait savoir à travers des manifestations dont l’ampleur historique ne faiblit pas et des mouvements de grèves conséquents et prolongés certains préfets organisent des tentatives d’intimidation à l’égard de salariés grévistes, explique le sénateur de Seine-et-Marne. Après avoir fait le choix de rester sourd au mouvement populaire, le gouvernement et ses relais locaux que sont les préfets font le choix de porter largement atteinte au droit fondamental qu’est le droit de grève. J’en veux d’ailleurs pour preuve ce qui se passe dans mon département, la Seine-et-Marne, à la raffinerie Total de Grandpuits qui est en grève comme toutes les raffineries du pays... Hier matin le Préfet a pris un arrêté réquisitionnant les personnels de la raffinerie. La remise en cause du droit de grève et la pression policière actuellement exercée à l’encontre des salariés de la raffinerie de Grandpuits sont donc injustifiables. L’attitude du préfet est donc inqualifiable. Son arrêté doit être rapporté. Je suis bien conscient des grandes difficultés rencontrées par nos concitoyens face à la pénurie de carburant. Mais il faut regarder clairement les causes de la montée du conflit social ! Avec son autisme total, et maintenant le recours à la force, le gouvernement est responsable de cette situation ! »

La séance reprend à 14 h 30 ce mardi. Au programme : 403 amendements et la suite de l’examen de l’article 31 relatif à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Avec cet article, le gouvernement envisage de taxer, mais faiblement et pas avant 2012, les entreprises de plus de 50 salariés coupables d’inégalités salariales entre les sexes. « Pourquoi cet article au milieu de la loi sur les retraites, s’étonne Annie David ? Le gouvernement devrait plutôt faire respecter les lois existantes sur l’égalité professionnelle. »

Comme lors de chaque journée de manifestations, une délégation des sénateurs du groupe CRC-SPG abandonnera l’hémicycle pour aller saluer les manifestants. Le rendez-vous est fixé cette fois en début d’après-midi, avenue des Gobelins dans le XIIIe arrondissement de Paris. Et comme d’habitude, les élus communistes et du Parti de Gauche emporteront avec eux leur célèbre banderole, sur laquelle ont peut lire : « Messieurs Sarkozy et Woerth, écoutez le peuple ! Retirez votre réforme ! » Un slogan plus que jamais d’actualité.

A suivre...

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