Aujourd’hui, 300 000 assistants maternels gardent des enfants à domicile : ce mode de garde occupe la première place pour les enfants de moins de trois ans. Ce succès tient au confort de ce mode de garde, mais aussi aux lacunes de la garde collective : les parents des 2 300 000 enfants de moins de trois ans, à mesure que la déréglementation du travail progresse, voient leurs horaires devenir moins compatibles avec ceux de la crèche.
Les réponses de l’État, des collectivités, des associations sont insuffisantes et inégalitaires : dans la ville, obtenir une place en crèche n’est possible qu’à l’issue d’un parcours du combattant pour les femmes actives. La liberté du choix du mode de garde est théorique, la réalité, c’est la contrainte dans la pénurie. Le recours à une assistante maternelle et familiale dépend du niveau de revenus. Or le gouvernement privilégie la garde individuelle, alors que le nombre de place en crèche stagne.
On ne saurait reprocher au gouvernement de vouloir avancer : tout le monde attend une réforme du statut issu de la loi de 1992, « dérogatoire et contesté » en ce qu’il varie selon la qualité de l’employeur et qu’il conduit à de fortes inégalités de rémunération. Cette profession a trop longtemps été maintenue en marge du droit du travail, en particulier sur la durée légale du travail. Comment, aussi, continuer à admettre la place singulière des assistants maternels employés dans la fonction publique ? Ils ne sont pas fonctionnaires, et ils ne bénéficient pas du statut de droit commun des agents non titulaires de droit public ! Le gouvernement ne met pas tout en œuvre pour doter les assistants d’un véritable statut professionnel, qualifié, dûment rémunéré. Il faut rendre ces professions attractives, les syndicats, depuis longtemps, proposent des cadres de métiers pour les assistants employés par les collectivités. Cependant, monsieur le Ministre, vous refusez toute intégration dans la fonction publique territoriale, en prétendant que ce serait incompatible avec la souplesse de l’accueil.
Le gouvernement ne met pas tout en œuvre non plus pour développer un service public d’accueil des jeunes enfants, diversifié et de qualité. Je ne veux pas dévaloriser tel ou tel mode d’accueil (marques de soulagement sur le banc de la commission), mais ce texte ne comprend nul encouragement qui compenserait une partie des équipements que l’accueil collectif doit acquérir. En réalité, vous privilégiez l’accueil individuel, par des assistantes maternelles qui sont souvent isolées, ou par des employées de maison qui échappent à toute professionnalisation.
Nous ne nous opposons pas au développement de l’offre privée, mais nous refusons que, par idéologie ou restriction budgétaire, le gouvernement abandonne toute ambition pour l’accueil collectif !
Vous nous répondrez que le gouvernement a créé la prestation d’accueil du jeune enfant (P.A.J.E.).
M. DOUSTE-BLAZY, ministre des Solidarités. - C’est vrai !
M. FISCHER. - Mais cette prestation ne concerne pas les familles dont les enfants sont accueillis dans un équipement public, elle incite la mère à rester au foyer ! Sans offre collective nouvelle, les familles vont devoir payer davantage pour faire garder leurs enfants. Le gouvernement, aussi, encourage les structures collectives privées, qui peuvent bénéficier des fonds d’investissement et de fonctionnement des C.A.F., du complément du mode de garde versé aux parents, sans oublier les aides défiscalisées des employeurs.
La politique familiale du gouvernement ignore les besoins du plus grand nombre ! On ne peut prétendre à la fois tenir au principe d’égalité entre les hommes et les femmes, vouloir aider à la conciliation entre l’activité professionnelle et la vie familiale, favoriser le travail précaire et aller jusqu’à tuer les 35 heures ! (Rires sur le banc de la commission.)
Cette loi apporte bien un véritable statut aux assistants maternels et familiaux, mais ne donne pas les moyens adéquats : il n’est nulle part fait référence aux efforts financiers nécessaires pour accroître l’efficacité de la protection maternelle et infantile. Pour que ces professions soient reconnues comme telles, il faut que le statut d’assistant maternel ou familial soit qualifiant. En renvoyant au décret les modalités de la formation on laisse planer un doute sur leur efficacité. J’ajoute que cette qualification doit être reconnue par loi et ouvrir des droits aux assistants familiaux et maternels.
Ce texte censé permettre le franchissement d’étapes décisives pour les assistants maternels reste muet sur des questions aussi essentielles que la protection sociale, la durée du temps de travail, le salaire ou la retraite de ces salariés. Nous ne pouvons admettre le renvoi quasi systématique à des mesures réglementaires, s’agissant de dispositions ayant des incidences financières sur les départements ou les employeurs privés.
Entre les dispositions que nous apprécions positivement et celles dont la présence ou l’absence sont difficilement acceptables, le bilan est négatif. Je crains que l’adoption de certains amendements de la majorité ne nous oblige à nous abstenir sur un texte qui ne répond pas bien aux enjeux de la professionnalisation des assistants maternels et des assistants familiaux.