Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, de même que la réaction gouvernementale au prétendu risque de pandémie grippale,…
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est reparti !
M. Guy Fischer. … place le principe de précaution au cœur de nos débats.
Apparu progressivement en France depuis la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, confirmé en 1995 par la loi dite « Bamier » relative au renforcement de la protection de l’environnement, le principe de précaution s’est vu reconnaître, dès 2005, une place fondamentale dans notre hiérarchie des normes, avec l’intégration de la Charte de l’environnement dans notre bloc de constitutionnalité.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il me semble que vous aviez voté contre… (Sourires.)
M. Guy Fischer. Vous me titillez déjà, madame la ministre, alors que je n’ai pas encore émis de critique ! (Nouveaux sourires.)
En intégrant la Charte de l’environnement dans notre bloc de constitutionnalité, nous avons fait collectivement le choix, dans l’intérêt des femmes et des hommes de notre pays, ainsi que de l’environnement, de placer ses dix articles au même niveau que les droits de l’homme ou les principes généraux du droit.
Pour autant, ce droit, aussi important soit-il aujourd’hui, ne s’est pas construit sans heurts ni sans difficultés. Le moins que l’on puisse dire, c’est que, entre excès et inaction, ce principe n’a pas encore tout à fait trouvé sa place, particulièrement en ce qui concerne son extension à la santé publique et à l’alimentation. Et pour cause : l’application de ce principe aux problèmes sanitaires s’est toujours développée dans un contexte de crise, tout d’abord avec l’affaire du sang contaminé ou, plus récemment, avec celle de la « vache folle ».
Cette forme de construction, très différente de celle qui a pu prévaloir en Allemagne – pays d’origine du principe de précaution – apparaît, selon le philosophe du risque François Ewald, professeur titulaire de la chaire d’assurance du Conservatoire national des arts et métiers,…
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il est formellement opposé au principe de précaution !
M. Guy Fischer. … comme une « spécificité française ». Il précise que, dans ce contexte, « le principe de précaution a d’abord été entendu comme principe de responsabilité de l’État ».
Certes, l’application du principe de précaution est un exercice difficile, car il s’agit d’intervenir en situation d’incertitude.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Eh oui !
M. Guy Fischer. Agir de manière précipitée pourrait avoir pour conséquence d’accroître les doutes que nourrissent certains de nos concitoyens à l’égard des scientifiques. Soit dit sans chercher outre mesure à polémiquer, le manque de transparence entourant la prise de décision sur la grippe A, la multiplication des conflits d’intérêts entre experts et laboratoires pharmaceutiques ne contribuent pas à rassurer nos concitoyens.
En revanche, ne pas agir, comme cela fut le cas pour l’amiante, c’est prendre le risque de porter durablement atteinte à la santé d’un grand nombre d’hommes et de femmes. Cette réticence à agir dans ces conditions est certes compréhensible, mais contraire à l’esprit même du principe de précaution, la Charte de l’environnement précisant expressément que les autorités publiques doivent agir même si la réalisation du dommage est incertaine, y compris « en l’état des connaissances scientifiques ».
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous agissons !
M. Guy Fischer. Pour mémoire, lorsque le gouvernement britannique, en pleine crise de la vache folle, a décidé de contester l’embargo sur la viande bovine produite au Royaume-Uni, la Cour de justice des Communautés européennes a décidé « qu’il doit être admis que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, les institutions peuvent prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées ».
Cela étant, je sais que certains estimeront – c’est le cas de la majorité des membres de la commission des affaires sociales – que, en raison de l’absence d’un consensus scientifique sur les risques liés à l’exposition au BPA pour les êtres humains, il n’y a pas lieu d’adopter la présente proposition de loi.
Pourtant, si les avis scientifiques ne sont pas encore unanimes, de nombreux collèges de spécialistes, à commencer par la société internationale d’endocrinologie, mettent en exergue l’effet potentiel des molécules de BPA sur la reproduction masculine ou féminine, sur l’obésité, la thyroïde ou encore sur le cancer du cerveau ou de la prostate.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit précisément au rebours d’une dérive dans l’application du principe de précaution en tant que manière rétroactive d’apprécier la responsabilité de certains décideurs.
Ce qu’il nous est proposé, c’est précisément d’agir de manière préventive, plutôt que d’attendre l’éventuelle survenue du dommage et de rechercher ensuite des responsables.
Le groupe CRC-SPG votera donc cette proposition de loi, considérant que l’interdiction de l’utilisation et de la vente du bisphénol A, ainsi que de la publicité pour ce produit, est pleinement justifiée.