Le principal mérite du protocole de Kyoto, qui a été adopté en 1997 sur la base du deuxième rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC) est d’être à ce jour l’unique instrument international juridiquement contraignant pour réduire ou limiter les émissions de gaz à effet de serre dans les pays industrialisés, et dans les économies émergentes.
C’est donc un instrument juridique d’une grande utilité, il faut le développer.
Or, en arrière-plan de ce type d’accord multilatéral, se profile des négociations difficiles, longues et complexes entre les Etats de la planète, sous l’œil vigilant des organisations non gouvernementales.
En apparence, ces négociations se déroulent avec le seul souci de trouver un juste équilibre entre les exigences du développement et celles de la protection de l’environnement.
Ces conférences des Nations unies sur les changements climatiques se placent, à juste titre, sous les auspices du respect des valeurs et des grands principes communs à toute l’humanité.
Mais les résultats sont loin d’être toujours à la hauteur des ambitions affichées.
Car, en réalité, ces grandes conférences sont essentiellement le reflet du rapport de forces international du moment, qui lui-même traduit la défense d’intérêts nationaux, ou privés, souvent contradictoires.
C’est précisément le cas pour ce fameux protocole de Kyoto et l’amendement à cet accord que nous sommes invités à ratifier ce matin.
Signé en 1997 et entré en vigueur en 2005, comme il a été rappelé avant moi, il portait sur une première période d’engagement de 2008 à 2012. Mais en 2009, la conférence de Copenhague n’a pas réussi à adopter un dispositif applicable à l’après 2012.
Cette conférence illustra concrètement la difficulté dont je parlais précédemment : celle de concilier tout à la fois le développement des peuples et des sociétés, les intérêts économiques et la préservation de la planète.
Nous mesurons ainsi la difficulté qu’il y a à engager une dynamique de préservation de la planète.
Il aura encore fallu attendre deux ans, avec la conférence de Durban en 2011, pour que les Etats se mettent simplement d’accord sur une procédure de négociation d’un accord universel, contraignant et comprenant le calendrier suivant :
2015 pour l’adoption du futur accord au sommet de Paris, et 2020 pour son entrée en vigueur.
C’est en fonction de ces échéances qu’il est apparu impératif de couvrir la période intermédiaire, comprise entre la fin de 2012 et 2020.
Tel est donc l’objet de cet amendement au protocole de Kyoto.
L’amendement de Doha, que ce projet de loi invite à ratifier, est une solution d’urgence pour préserver l’actuel protocole de Kyoto et maintenir ainsi une action collective internationale de lutte contre les changements climatiques.
Mais cette ratification s’impose aussi au regard de l’agenda international, puisque rappelons qu’à l’issue de la vingtième conférence sur le climat qui s’est récemment déroulée à Lima, notre pays va devenir officiellement l’organisateur de la vingt-et-unième conférence mondiale sur le climat, la COP 21.
Dans cette perspective, il est évident que nous devons absolument être à jour s’agissant de nos engagements internationaux en matière de lutte contre le changement climatique.
A propos de la conférence de Lima, je voudrais relever qu’elle accouché dans la douleur (c’est à dire après quinze jours de négociations et une prolongation de quarante huit heures) d’un accord qui a profondément déçu les pays du « Sud » et les ONG.
Rien de ce qu’ils demandaient ne figure clairement dans le compromis adopté.
Ainsi, concernant les contributions présentées par les pays, aucune avancée n’a pu être obtenue pour prendre en compte aussi bien le niveau d’atténuation des gaz à effet de serre que l’aide à l’adaptation et aux financements.
Rien sur la transparence et les aides technologiques, ni sur l’équité dans le partage des responsabilités dans le réchauffement climatique.
Je crains que les maigres résultats de ces négociations aient pour effet d’aggraver ce que certains appellent « la fracture Nord-Sud ».
Cette conférence a donné le spectacle d’un véritable affrontement entre les pays en développement et les pays industrialisés, ce qui fait qu’aucune des questions autour desquelles devrait se construire le futur accord de Paris n’a pu être précisée.
Dans ces conditions la signature d’un accord universel en 2015, ambitieux, équitable, et, gage de son efficacité, légalement contraignant, censé prendre le relais du protocole de Kyoto à partir de 2020, est bien compromise.
Monsieur le ministre, je mesure toutes les difficultés qui vous attendent, et qui attendent notre diplomatie, pour réussir la conférence de Paris.
Pourtant, parvenir à un accord global et différencié est possible, à condition de faire prévaloir une véritable vision solidaire du développement humain durable mondial.
C’est pourquoi la réduction des émissions de gaz à effet de serre de chaque pays, contrairement à ce qui s’est fait à Lima, doit tenir compte des réalités et des projets de développement de ces pays.
Penser ce qu’on appelle parfois la société « postcarbone » implique d’avancer vers un mode productif apte à répondre aux défis technologiques, sociaux et écologiques de nos sociétés d’aujourd’hui : c’est la fin de l’obsolescence programmée, l’écoconception, l’économie circulaire, l’efficacité énergétique.
L’objectif de limiter le réchauffement climatique à 2°, s’il est tenu et accepté par tous, peut être d’une grande portée et avoir des répercussions très positives sur l’avenir de millions d’êtres humains.
Pour concrétiser une vision partagée du développement humain durable, les pays « riches » doivent abonder financièrement les fonds appelés « vert » et « pertes et dommages » créés par l’ONU. Il faut aussi qu’ils coopèrent avec les moins avancés au travers des transferts de technologies et de brevets associés.
Ces quelques idées ne sont pas simplement généreuses, elles sont la seule alternative à la catastrophe qui guette les générations futures si nous n’agissons pas. Ces idées sont souvent partagées par les ONG et les opinions publiques.
Enfin, je souhaiterais qu’une telle conception anime avec force tous les efforts diplomatiques de la France pour la réussite de la conférence de Paris.
Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les réflexions d’actualité que m’a inspiré ce projet de loi de ratification de l’amendement au protocole de Kyoto.
Le groupe CRC se prononce bien évidemment pour son adoption.