La partie la plus contestable du nouvel accord concerne les pouvoirs accrus conférés au parquet au détriment du juge des enfants

Accord franco-roumain pour protéger les mineurs roumains isolés

Publié le 6 mai 2010 à 07:26 Mise à jour le 8 avril 2015

Version provisoire.

Signé il y a trois ans, cet accord porte sur un problème dramatique qui concerne tous les pays d’Europe. La France compte 5 à 6 000 mineurs isolés ; ce texte entend les protéger et les soustraire aux filières mafieuses qui les contraignent à la mendicité, au vol ou à la prostitution. Ce projet de loi touchant à des principes fondamentaux de notre République, il était indispensable de l’examiner ne séance publique, et non en catimini, dans le cadre de la procédure simplifiée.

L’accord de 2002 prévoyait le repérage des enfants et le raccompagnement. Seul le juge des enfants était habilité à travailler sur ces dossiers et le raccompagnement n’était pas prôné en priorité. Que s’est-il passé lors de la renégociation de cet accord pour que son esprit soit aussi profondément modifié ?

Le gouvernement roumain s’impatiente ? Le nôtre a surtout durci sa politique en matière de régulation migratoire.

La partie la plus contestable du nouvel accord concerne les pouvoirs accrus conférés au parquet au détriment du juge des enfants : le parquet peut procéder au raccompagnement des mineurs sans que le juge des enfants soit obligatoirement saisi. Mme le rapporteur souhaite d’ailleurs que le parquet saisisse systématiquement le juge des enfants.

Tout enfant faisant l’objet d’une décision de rapatriement ne peut être soustrait à l’autorité du juge des enfants. Le fait que le parquet puisse ordonner le transfert contredit les garanties constitutionnelles du droit de la défense. La Convention européenne des droits de l’Homme est également violée. Enfin, ce raccompagnement est contraire au droit d’asile, qui interdit d’expulser des mineurs. Enfin, cet accord crée une discrimination entre les enfants selon leur nationalité.

Dès lors que le parquet est autorisé à se prononcer sur la demande roumaine, la sécurité des enfants n’est pas assurée. Nous mettons en place une procédure d’expulsion des mineurs en ignorant le principe de protection que nous leur devons. Le renvoi des mineurs roumains serait un renoncement.

Je n’accepte pas que cet accord puisse devenir un instrument de gestion des flux migratoires.

Quid de l’efficacité et de l’utilité de cet accord ? Pourquoi approuver cet accord bilatéral alors que les mineurs isolés en France ne sont pas tous roumains ? Le sujet concerne toute l’Europe. Il faudrait traiter cette question à ce niveau. Il faudrait définir une politique et prévoir une réelle coopération entre les pays membres.

En outre, nous devons lutter contre les réseaux organisés. Aujourd’hui, la Commission propose un plan d’action. Mais quel écart entre les déclarations de principe et les faits ! J’espère que notre pays pèsera pour que l’Europe précise sa place, et surtout son financement.

Même s’il y a urgence à agir, nous ne pouvons nous satisfaire de ce mauvais accord qui remet en cause des principes républicains. C’est pourquoi le groupe CRC-SPG ne le votera pas.

Michel Billout

Ancien sénateur de Seine-et-Marne
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