Débat sur la participation de la France au budget de l’Union européenne

Publié le 2 novembre 2010 à 11:02 Mise à jour le 8 avril 2015

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la participation française au budget de l’Union européenne proposée s’élève pour 2011 à 18,2 milliards d’euros, soit 7,2 % des recettes fiscales nettes de la France. Ce prélèvement est loin d’être négligeable et il devra continuer d’augmenter dans les années à venir.

D’un montant atteignant péniblement les 141 milliards d’euros, le budget communautaire, pour sa part, reste cependant très insuffisant au regard des richesses créées dans l’espace européen et ne paraît pas en mesure de faire face aux défis sociaux, économiques et environnementaux qui se posent à l’Union.

Concernant les recettes, qui ont été évoquées par l’orateur précédent, la part des ressources propres traditionnelles et de la TVA ne cesse de diminuer au profit de la contribution des États selon le revenu national brut. En effet, alors que les traités fondateurs prévoyaient la possibilité d’asseoir le budget européen sur la base de ressources propres et non sur des contributions prélevées sur les budgets nationaux, cette dernière ressource représente presque les trois quarts des participations des États membres au budget communautaire.

Malgré les grands discours et les propositions de débat réitérés sur une réforme des ressources propres, il semble qu’il n’y ait aucune réelle volonté de la part des institutions européennes pour trouver de nouvelles ressources budgétaires.

Pourtant, le Parlement européen, en contrepartie d’une hausse limitée du budget de 2011, a exigé du Conseil européen « l’ouverture d’un débat institutionnel dès l’année prochaine sur la réforme des ressources propres, notamment sur la création de nouvelles sources de financement ». Nous ne pouvons qu’approuver l’ouverture d’un tel débat.

Dans sa communication sur le réexamen du budget communautaire, reprise dans son rapport, notre collègue Denis Badré indique que « la Commission européenne suggère de réduire les contributions des États membres en abandonnant la ressource propre liée à la TVA et de la remplacer progressivement par une ou plusieurs nouvelles ressources propres ». Parmi les pistes envisagées figure, notamment, la taxation des transactions financières. (M. le président de la commission des finances s’exclame.)

Maintes fois évoquée, particulièrement par le gouvernement autrichien, la taxation des transactions financières constitue une piste particulièrement intéressante tout comme celle d’une taxe bancaire, car il s’agit de secteurs économiques qui, aujourd’hui, ne souffrent pas d’un excès de prélèvements. Elle reste cependant à être concrétisée par les instances européennes. La France, selon moi, s’honorerait à jouer un rôle moteur en ce domaine.

Concernant le projet de budget général de l’Union, il est, comme tous les budgets des États membres, soumis à un seul mot d’ordre, l’austérité, et assorti de mesures particulièrement coercitives qui pèseront sur les budgets nationaux des pays constituant l’Union, et donc directement sur les populations pourtant déjà très malmenées.

Ainsi, avec des crédits quasiment stables, la rubrique « croissance durable », incluant les actions en matière d’emploi, révèle qu’aucune stratégie n’est réellement mise en œuvre pour sortir de la crise. Comme toujours, les dirigeants européens préfèrent abandonner les outils publics et laisser le marché régler les questions d’emploi et de dynamisme économique.

Le développement de l’emploi et la sauvegarde des droits sociaux devraient être une priorité de l’Union pour 2011 et pour les années qui viendront. Les crédits attribués au financement des systèmes de protection sociale, de lutte contre les délocalisations et le dumping social, fiscal et environnemental devraient être adaptés aux réels besoins. Malheureusement, le budget alloué à l’Agenda pour la politique sociale de l’Union est en diminution de plus de 10 %.

S’agissant des dépenses en faveur de la politique de cohésion, il semble qu’elles soient remises en question, la Commission européenne recommandant de mieux soutenir les grandes priorités communes à toute l’Europe au lieu de se concentrer sur la réduction des disparités entre régions. Nous regrettons ces orientations. La politique de cohésion, bien au contraire, devrait être, selon nous, au cœur de toutes les actions européennes.

Les politiques en matière de liberté, sécurité et justice verront, pour leur part, leurs crédits d’engagement croître de 12,8 % et leurs crédits de paiement de 15,4 %.

Comme chaque année, les crédits de cette rubrique augmentent de manière spectaculaire. À défaut d’engager de véritables actions de coopération et d’intégration des populations migrantes, les politiques sécuritaires semblent être confortées. J’en veux d’ailleurs pour preuve l’augmentation de 22 % des crédits attribués au Fonds européen pour les frontières extérieures ainsi que l’augmentation de 29 % des crédits alloués au Fonds européen pour le retour.

Ces augmentations, ajoutées au peu de cas accordé au budget octroyé aux actions extérieures, démontrent une fois de plus l’absence de volonté de l’Union pour s’imposer sur la scène internationale comme un acteur important.

Pourtant, les priorités devraient se situer dans le respect des droits des migrants et de leur dignité. La réaction de la Commission européenne contre la situation faite aux populations Roms en France doit être saluée. Mais les éléments du budget semblent en contradiction avec le discours tenu. Nous le regrettons profondément.

Je dirai un mot sur l’avenir de la politique agricole commune.

Dans le budget communautaire de 2011, les crédits proposés pour les dépenses relatives aux marchés agricoles et aux aides directes sont en recul de 73 millions d’euros. Pourtant, la volatilité des marchés, l’instabilité des prix et la survenue de crises, comme celle du lait il y a quelques mois encore, démontrent la nécessité de réguler les marchés pour mettre fin à la spéculation et à la baisse des prix.

Dans l’optique de la réforme de la PAC, les rapports se multiplient. Nombre d’entre eux prônent des logiques libérales de dérégulation et de productivisme alors qu’il est urgent d’engager une véritable politique de prix rémunérateurs pour les agriculteurs et favorisant le maintien d’exploitations à dimension humaine.

En définitive, cette année encore, le budget communautaire ne semble pas en phase avec la réalité que vivent les Européens, qui manifestent par millions dans les rues en France, mais aussi en Grèce, en Espagne ou en Pologne.

L’Union européenne, avec ce budget, ne s’est toujours pas dotée des moyens lui permettant de financer les politiques solidaires ambitieuses dont nous aurions pourtant besoin.

Les membres du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche contestent les orientations de ce projet de budget communautaire ainsi que le montant et la destination de la contribution française, et appellent de leurs vœux la construction d’une autre Europe, fondée sur le progrès social.

Michel Billout

Ancien sénateur de Seine-et-Marne
Voir le site Contacter par E-mail Suivre sur Facebook

Ses autres interventions :

Sur le même sujet :

Europe