La santé ne peut pas être appréciée sous le prisme du commerce

Loi Macron : Article 42

Publié le 17 avril 2015 à 10:46 Mise à jour le 20 avril 2015

Après le service public des transports, après celui de la justice, c’est le tour du service public de la santé !

Personne ne peut se plaindre que l’excellence française, dans tout le champ de la filière médicale, soit reconnue à l’étranger et sollicitée partout dans le monde. Mais, selon nous, elle ne doit pas être vue seulement comme une marchandise ou un bien propre à la vente.

Mme Éliane Assassi. Pour Mme Bricq, si !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame Bricq, ne voyez pas dans la position de notre groupe politique une volonté de garder pour nous, de manière presque chauvine, le savoir-faire national en matière de soins, d’accueil et d’accompagnement des patients.

Oui, le cadre juridique est contraignant. Personne ne le nie ! Mais il s’agit justement d’éviter les dérives qu’entraînerait la transformation de nos CHU en entreprises.

Oui, madame Bricq, nous voulons croire en la possibilité de faire profiter l’étranger de nos savoir-faire dans le cadre de protocoles de coopération et de solidarité internationaux ! Mais, comme cela a été souligné en commission spéciale, l’enjeu de l’article 42 est non pas de favoriser la coopération entre les États, mais de « vendre notre expertise » et « notre force de frappe ». (M. Jean Desessard s’exclame.)

On peut comprendre l’intérêt qu’a le Gouvernement à encourager la course aux capitaux étrangers. La situation financière des centres hospitaliers universitaires, malgré leur excellence avérée, est calamiteuse. Ainsi, à la fin de l’année 2012, les emprunts toxiques des CHU représentaient 2,5 milliards d’euros, d’après la Cour des comptes.

La dette à moyen et long termes des établissements publics de santé a triplé en dix ans, notamment sous l’impulsion des plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012, qui ont encouragé le recours à l’emprunt. Il apparaît aujourd’hui de plus en plus difficile aux professionnels hospitaliers de pallier les manques financiers des établissements.

Les rentrées d’argent qui résulteraient de l’adoption de l’article 42 permettraient, à court terme, de résorber à la marge ce trou béant. Mais à quel prix ? Celui de la marchandisation des actes de soin !

La santé ne peut pas être appréciée sous le prisme du commerce. Certains le font déjà. Leur vision des choses est détestable, et l’on ne saurait tolérer que la France se joigne à eux. Ce processus de marchandisation de la santé conduira à terme à la disparition des opérations de solidarité internationale. Cela constitue un facteur important d’incitation à la vente par les CHU de leur savoir-faire aux États qui peuvent se permettre de les acquérir.

Faut-il le rappeler, l’accès à la santé est prescrit par la Déclaration universelle des droits de l’homme ? Certes, ce texte n’est pas contraignant juridiquement ; on peut d’ailleurs le regretter. Mais il doit tout de même rester une référence pour nous.

Parce que la vision de la santé du Gouvernement nous semble aller dans la mauvaise direction et engager un recul des principes du service public, parce que, pour nous, la santé ne peut pas être vue comme une marchandise et parce que nous estimons que la coopération internationale est le meilleur moyen de valoriser notre savoir-faire, nous proposons de supprimer l’article 42 du projet de loi !

Brigitte Gonthier-Maurin

Ancienne sénatrice des Hauts-de-Seine
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