Urbanisme, habitat et construction : deuxième lecture

Publié le 7 mai 2003 à 00:00 Mise à jour le 8 avril 2015

par Odette Terrade

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues,

Nous voici donc avec un projet de loi portant diverses dispositions relatives à l’urbanisme, à l’habitat et à la construction.

Après les modifications apportées à l’Assemblée Nationale par les députés, les caractéristiques du projet de loi sont maintenues : pour l’essentiel, il en ressort une apparence disparate, hétéroclite des différentes dispositions du texte.

Les apports ont accentué l’impression que nous avions eu en première lecture : ce texte rassemble un certain nombre de réponses ponctuelles à des problèmes de caractère conjoncturel.

Nous avons un peu l’impression, à la lecture des articles de ce projet de loi, qu’en lieu et place de la prise en compte de l’intérêt général qui est la raison d’être du travail législatif, nous sommes en présence d’un texte où chacun vient, en fonction de l’approche empirique de certains problèmes, se demander s’ils peuvent être résolus au travers de l’adaptation de telle ou telle disposition, ou grâce à l’introduction d’un régime dérogatoire.

Le résultat de ce processus est illustré par l’examen des dispositions restant en discussion : plus de quarante articles, dont 21 issus d’amendements divers et variés adoptés au Palais Bourbon.

A l’examen, nous nous retrouverons donc en présence d’un texte de loi comportant à l’origine une vingtaine d’articles et se traduisant par la promulgation de près de quatre vingt dix articles, après les diverses navettes.

On pourrait mettre sur le compte de l’imagination parlementaire une telle ’ inflation ’ législative, mais force est plutôt de constater que cette procédure tend à la mettre en question, on constate en fait que nombre des dispositions aujourd’hui présentées dans ce projet de loi ne font que revenir sur les termes de la loi SRU, dont on sait qu’elle avait en son temps, éveillé la plus grande circonspection, pour ne pas dire l’hostilité d’une partie de la majorité sénatoriale.

Ce débat que nous menons encore aujourd’hui, sous couvert d’adaptations nécessaires du droit de l’urbanisme aux contraintes du terrain, est en fait l’illustration d’une volonté de faire reculer la qualité du cadre législatif dans lequel était défini, par la loi SRU, le droit de l’urbanisme.

Où en est on de la cohérence de l’aménagement du territoire tel qu’il avait été alors réfléchi ?

Une mission sur l’avenir des territoires de montagne a été réalisée au Sénat.

Pourquoi vouloir, à la hâte, faire valider des modifications, dans ces secteurs alors que nous ne sommes pas en mesure d’apprécier la cohérence de ces évolutions avec l’ensemble des attentes ?

Dans le même temps, même si certaines mesures contenues dans le texte pouvaient apparaître nécessaires ( on pense ici aux questions de la sécurité des ascenseurs ), elles ne disposent pas du cadre financier adapté à leur mise en œuvre concrète dans des délais suffisamment rapprochés.

On ne peut pas, par exemple, solliciter l’enveloppe des crédits PALULOS pour la rénovation et la mise aux normes des ascenseurs dans les logements HLM quand le décret du 14 mars dernier comporte entre autres mesures plus de 100 millions d’euros d’annulations d’autorisations de programme et plus de 120 millions d’annulations en crédits de paiement, sur le chapitre de la construction et de l’amélioration de l’habitat.

Sur les questions du droit au logement, même l’on nous annonce un projet de loi sur l’habitat plus conséquent une réflexion sur la politique de la ville .

Alors pourquoi nous proposer des dispositions pour modifier l’existant et rester au milieu du chemin que vous souhaitez emprunter ?

Aucune disposition digne de ce nom n’a été proposée en vue de faciliter la mise en œuvre du droit au logement.

Pire même, par le biais d’un amendement de dernière minute déposé à l’Assemblée Nationale, le Gouvernement a fait adopter un amendement portant création de l’article 19 ter et supprimant les conditions de plafonnement des loyers proposés lors de la première mise en location d’un logement neuf réalisé par investissement locatif privé.

Une telle démarche qui privilégie le développement de l’offre, soit disant pour répondre à une partie de la demande de logements, ne risque pas de permettre d’apporter de solutions réellement adaptées à la question de l’encombrement du fichier des demandeurs de logement dans les grandes agglomérations, et de mobiliser des sommes non négligeables en matière de dépense fiscale.

Viendra d’ailleurs le jour où il faudra procéder à une évaluation équilibrée des aides apportées d’un côté au financement du logement social, et de l’autre au financement de l’investissement locatif privé, eu égard aux réponses que l’un et l’autre apportent à la demande sociale.

Comme vous vous en doutez, Monsieur le Ministre, nous nous opposerons, et pas seulement par principe idéologique, à l’adoption de ces dispositions que nous considérons comme totalement inadaptées aux problèmes qui nous sont aujourd’hui posés.

De manière générale, nous ne considérons donc pas que le présent projet de loi ait beaucoup gagné en qualité au fil des navettes.

Nous avions notamment indiqué, lors de la précédente lecture, que certaines des adaptations du droit de l’urbanisme offraient l’opportunité de masquer, sous des dehors techniques, la volonté politique de mise en question des objectifs de construction de logements sociaux que la loi SRU avait fixé.

De la même manière, les logiques d’urbanisme ségrégatif, habillées aux couleurs de l’intérêt paysager ou de la protection des secteurs sauvegardés sont en quelque sorte validées par le présent texte.

Compte tenu de ces observations, nous ne pourrons sans doute, au terme de cette nouvelle lecture, que confirmer notre opposition exprimée en première lecture.

Odette Terrade

Ancienne sénatrice du Val-de-Marne

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