Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je prends acte du fait que notre collègue Pozzo di Borgo accepte de retirer son amendement, ce qui devrait nous permettre de discuter sérieusement de ce problème à un autre moment.
Mme Isabelle Debré. Sereinement !
M. Guy Fischer. Tout à fait !
Mais, monsieur Maurey, vous avez décidé de maintenir le vôtre, ce qui est votre droit le plus complet (Ah ! sur les travées de l’UMP.), ...
M. Hervé Maurey. Merci !
M. Guy Fischer. ... et ce d’autant plus que vous être soutenu par le Gouvernement, représenté ici par M. Novelli, selon qui, il ne doit pas y avoir de sujets tabous. (Sourires.)
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Oui !
M. Jean-Patrick Courtois. Il a raison !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je suis rassurée !
M. Guy Fischer. Ainsi entendez-vous étendre les dérogations à la règle fondamentale du repos dominical. Cette question, très importante, n’est pas seulement économique, nous sommes d’accord, elle est aussi éthique - comme l’ont souligné, en décembre dernier, les soixante députés de l’UMP opposés à la proposition de loi déposée par le député Richard Mallié -, ou plutôt sociétale, ainsi que nous la qualifions au sein du groupe CRC-SPG.
II n’est pas anodin que notre société ait fait collectivement le choix de disposer d’une journée - huit heures - pendant laquelle, pour une fois, le temps est hors rapport marchand. À l’exception de ce jour, le même pour tous nos concitoyens, c’est la règle économique, le marché qui dicte son rythme.
La question de la place du dimanche dans nos vies personnelles - et nous sommes bien placés pour en parler -, mais également dans notre vie collective nous conduit à nous poser celle-ci : est-ce au marché de prédominer et aux hommes et aux femmes de se plier à la règle imposée, ou bien est-ce à la règle de s’adapter à un choix de société ? Nous avons choisi.
Vous l’aurez compris, pour les sénatrices et sénateurs de mon groupe, il est urgent de maintenir la situation actuelle et de sortir de la logique du toujours plus d’argent, toujours plus de marché, parce que nous savons que ce sont les grands groupes multinationaux capitalistes qui sont demandeurs.
Disant cela, je vous entends déjà crier au dogmatisme - vous l’avez déjà fait d’ailleurs - et je devine les objections de « bon sens » que vous ne manquerez pas de m’opposer, en comparant, par exemple, notre système aux autres, notamment aux systèmes européens.
Mme Isabelle Debré. Oui !
M. Guy Fischer. Mais il s’agit là d’une technique de contournement pour refuser le vrai débat, celui de fond, sur la place du travail dans la société, du temps libre, de la marchandisation de notre société et, allais-je dire, de nos vies.
D’ailleurs, le fait que cette discussion survienne à l’occasion de quelques amendements déposés furtivement sur ce projet de loi, est la preuve de ce que j’avance. Vous refusez de porter vos convictions au grand jour, car vous vous savez battus.
En réalité, l’amendement sous-amendé par M. Dominati constitue un pas certain vers un changement radical de société, tournant le dos à la législation de 1906, qui comporte déjà de très nombreuses dérogations.
Vous voulez imposer la civilisation du supermarché, de l’hypermarché, alors que, toutes les études le montrent, nos concitoyens veulent une société qui leur reconnaisse le droit précieux aux loisirs, le droit à la vie familiale, à la vie associative.
Votre volonté de supprimer le droit à disposer d’une journée de repos, la même pour tous, est par ailleurs symptomatique de la société que vous voulez. Vous entendez supprimer un droit collectif pour imposer des obligations qui sont individuelles, et j’aurai l’occasion d’y revenir lors de la discussion de nos amendements.
Comme toujours depuis l’arrivée de votre gouvernement, c’est la prédominance du chacun pour soi sur le tous ensemble. C’est bien l’idée que fait souvent passer le Président de la République en préconisant de tout déréguler, de tout déréglementer.
D’ailleurs, la disposition proposée est profondément inégalitaire, car ceux qui, à l’avenir, travailleront le dimanche, seront, et vous le savez, les plus pauvres de nos concitoyens.
Mme Isabelle Debré. Mais non !
M. Guy Fischer. Ainsi, par vos amendements, vous entendez revenir sur l’une des rares règles égalitaires qui prévoyait que riches et pauvres, salariés, cadres et patrons, disposaient d’un jour, le même pour tous, pour vivre du temps pour soi et pour les siens.
Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous sommes opposés aux deux amendements et aux sous-amendements. Mais nous entrerons un peu plus dans le détail au cours du débat que vous nous imposez.