Transfert des ports maritimes

Publié le 7 novembre 2006 à 14:23 Mise à jour le 8 avril 2015

La proposition de loi tend à faciliter le transfert des ports maritimes aux groupements de collectivités.

En effet, certaines collectivités locales qui avaient fait acte de candidature ne souhaitent plus se lancer seules dans l’aventure. Les délais de candidature étant échus, le législateur devrait intervenir pour que le transfert du port non autonome puisse se faire au profit d’un groupement de collectivités territoriales. À cette fin, il est proposé de modifier l’article 30 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Cette proposition justifiée par le rapporteur par la nécessité d’une « large participation des collectivités à la gestion et au développement des ports de leur territoire » montre les limites de la décentralisation de structures stratégiques.

Bien sûr, l’association de collectivités territoriales permettra une plus grande cohérence dans les politiques menées. Ce n’est qu’un maigre garde-fou face aux dangers de la décentralisation pour l’activité nationale des ports maritimes.

En 2004, le législateur a organisé le désengagement de l’État sans parvenir à renforcer les liens des ports avec leurs hinterlands. En effet, la loi de décentralisation se borne à transférer des charges vers les collectivités. Un déséquilibre apparaîtra donc entre régions riches et pauvres. Le fait que les régions soient les principales bénéficiaires du transfert des ports d’intérêt national est un moindre mal pour la cohérence des politiques à mener. À ce propos, je salue l’engagement clair de certaines régions qui veulent développer l’activité portuaire dans les meilleures conditions. Ainsi, la région Bretagne a réalisé un audit sur son territoire.

Hélas, la volonté ne suffit pas ! Les régions n’ont souvent ni l’expérience ni les moyens de gestion suffisants.

De plus, les collectivités territoriales n’ont souvent pas conscience de l’état des ports, après l’abandon d’une réelle politique portuaire nationale depuis de nombreuses années.

Nous comprenons donc les motivations des auteurs de la proposition de loi, mais nous restons fermement opposés au processus défini à l’article 30 de la loi du 13 août 2004, qui n’est en rien comparable à celui mis en œuvre en 1984. Les plus grands ports restaient d’État et les textes n’opéraient pas de scission de service ni de transfert d’agents !

La politique maritime portuaire appelle une maîtrise publique sur les enjeux des activités, les impératifs de sécurité et les investissements à réaliser.

En organisant le transfert des ports d’intérêt national, le gouvernement a entendu accélérer les évolutions statutaires des personnels, la libéralisation des services portuaires et le morcellement des activités.

Même si le transfert aux régions est un moindre mal il ne nous protège pas contre l’éclatement de l’activité des ports. Comment garantir, dans ce contexte, une politique maritime française ?

Au lieu de privilégier les coopérations intelligentes, on a choisi la mise en concurrence des collectivités. Au contraire, l’autorité portuaire devrait être clairement identifiée et unifiée.

Le seul exemple des oppositions entre Calais et Boulogne, réglé par l’intervention de l’État, montre les risques de zizanie auxquels nous expose la loi de 2004.

De plus, un grand flou entoure les conditions de transfert des ports d’intérêt national. Ceux-ci, de statut public, exercent des missions de service public tandis que l’exploitation a été déléguée aux chambres de commerce et d’industrie. Désormais, l’avenir des concessions et des structures de gestion des ports dépendra de la volonté politique des collectivités territoriales concernées.

L’exemple de Bayonne nous invite à ne pas nous faire d’illusion. Ce port, qui a généré en 2005, un trafic de marchandises de près de 4 millions de tonnes, est exploité par la chambre de commerce et d’industrie de Bayonne mais cette concession arrivera à échéance fin 2007 et il est déjà prévu qu’un appel à la concurrence sera lancé bien que ce ne soit pas obligatoire. Alain Rousset, président de l’association des régions de France justifiait l’utilité d’une telle procédure par le fait que le port « est un outil économique avec une logique de rentabilité » ! L’entrée des opérateurs privés ne se fera au détriment de la qualité du service portuaire et des impératifs de sécurité.

Il est pourtant essentiel que l’application des normes de sécurité soit contrôlée. Si l’on peut se réjouir que les capitaineries, les personnels officiels des ports continuent de relever de l’État, on peut s’interroger sur la pérennité d’une telle situation. En effet, le législateur a distingué l’autorité investie du pouvoir de police portuaire, c’est-à-dire le représentant de l’État responsable des opérations de police sensibles de l’autorité portuaire proprement dite qui reste chargée des opérations de police courantes. Or les missions de police nécessitent une présence continue des personnels.

Bref, la démarche de l’État est claire : il veut se désinvestir des activités relevant de la puissance publique. Dans quelque temps, les personnels officiels des ports seront également transférés aux collectivités territoriales ce qui aura pour résultat des suppressions de personnels et des non renouvellement de postes.

La décentralisation va entraîner une diminution des moyens, notamment dans le domaine de la police portuaire, de la signalisation et du respect de la réglementation internationale. Enfin, quel sera l’avenir des personnels transférés ?

Cette question est complexe en raison de la diversité des métiers et des statuts : les services maritimes comprennent environ 600 personnels.

Des incertitudes règnent sur le statut des 200 ouvriers des parcs et ateliers. Le problème du mode de représentation des personnels transférés n’a pas été réglé. De plus, des textes relatifs au régime indemnitaire et au maintien des rémunérations n’ont pas été publiés. Ces personnels devront-ils comme les personnels T.O.S. attendre que le transfert soit réalisé pour être fixés sur leur sort ?

Se pose également la question du transfert aux régions des écoles nationales de la marine marchande au sujet de laquelle M. Perben a été interrogé à Saint- Malo le 15 juin 2006.

Monsieur le Ministre, quelle est la position de la direction générale du personnel sur ce dossier ?

Le syndicat national des professeurs techniques de l’enseignement maritime des écoles nationales de la marine marchande demande que soient abordées les conséquences de la décentralisation sur le statut des écoles et des professeurs, le recrutement des enseignants, l’intégration des professeurs d’E.P.S. au ministère de l’Éducation nationale, la prise en compte des années de navigation dans le calcul du reclassement des ex-officiers de la marine marchande dans le corps des professeurs ; le cumul des retraites des ex-officiers de la marine marchande avec le salaire de professeur.

La loi de décentralisation de 2004 a imposé aux collectivités territoriales la prise en charge de structures stratégiques mais fragilisées par le manque d’investissement depuis des décennies. Ce transfert les oblige également à gérer les questions difficiles des évolutions statutaires et du morcellement des activités portuaires.

Votre décentralisation correspond à la libéralisation totale des services portuaires. Pour ces raisons et par cohérence avec notre position sur le texte de 2004, nous ne voterons pas cette proposition de loi tout en respectant le choix des collectivités auxquelles il appartient de se déterminer librement.

Gérard Le Cam

Ancien sénateur des Côtes-d'Armor
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