Territoires ruraux : conclusions de la Commission Mixte Paritaire

Publié le 10 février 2005 à 15:28 Mise à jour le 8 avril 2015

par Gérard Le Cam

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes Chers Collègues,

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux a adopté une trentaine d’articles qui, selon les cas, nous agréent ou non. A l’image du texte et de l’ensemble des débats, nous avons parfois soutenu des points particuliers qui nous semblaient pouvoir conforter tel ou tel aspect de la ruralité. Nous avons également combattu les articles de sensibilité libérale faisant appel à la générosité financière des communes manquant totalement de moyens, je pense tout particulièrement ici aux collectivités situées en zones de revitalisation rurale (ZRR).

Je dois avouer être agréablement surpris de voir l’article 4 bis A qui instaure enfin le coefficient multiplicateur en période de crise conjoncturelle des fruits et légumes, cette victoire correspond à une longue histoire de luttes du MODEF, mais aussi du PCF et plus largement de tous les producteurs qui souffrent depuis des décennies de crises à répétition. Il reste désormais deux étapes à franchir à cette mesure pour être effective et ne pas relever de l’hypocrisie parlementaire. La première tient dans le ou les décrets attendus, la seconde dans la reconnaissance par l’Europe de sa validité.

Sachez, mes chers collègues, que toute la profession va être particulièrement attentive au devenir de cet article désormais gravé dans le marbre de la loi française. A ce sujet, j’aimerais vous entendre, M. le Ministre, afin de lever toute ambiguïté, eu égard au devenir de cette mesure.

A propos de la définition de la notion de crise structurelle à l’article 8 sexies, les notions de prix minimum et de prix de référence que j’ai eu l’occasion de proposer dans ce texte, auraient été nettement préférables à un calcul du prix moyen des cinq dernières années qui, dans de nombreux cas, n’ont pas été des « références » en la matière. La loi d’orientation agricole et la loi JACOB seront l’occasion de revenir sur la politique des prix. J’ose espérer voir une expérimentation grandeur nature de cette mesure, sans pour autant souhaiter une crise, afin de pouvoir élargir, à terme, le mécanisme de coefficient multiplicateur en dehors des périodes de crise. Il est temps qu’une véritable politique des prix se substitue à une politique des primes. Manifestement, ni la politique gouvernementale, ni la PAC, ni la politique européenne, ne vont dans ce sens.

De nombreuses mesures d’exonération, de déduction d’impôts, de défiscalisation, portent sur les zones de revitalisation rurale (ZRR). Je souhaiterais à ce titre, M. le Ministre, que les critères de zonage ne réduisent pas à une peau de chagrin les ZRR, notamment vis-à-vis du critère de « forte proportion de population agricole » dont les chiffres sont en chute libre.

Notre conception d’un véritable développement rural aurait nécessité des mesures fortes et des financements conséquents en faveur du maintien de la population agricole par une politique de prix audacieuse - de l’installation ou du maintien d’au moins un commerce multiservice dans chaque commune de France - de mesures plus conséquentes en faveur du logement et de l’accueil des populations temporaires et permanentes - d’initiatives audacieuses au bénéfice d’une véritable décentralisation culturelle - de dotations financières plus conséquentes aux collectivités locales rurales - de services publics de proximité - de moyens de transports adaptés - de répartition harmonieuse des pôles d’emplois qui aujourd’hui se concentrent le long de grands axes routiers et autour des grandes villes.

Je m’arrête là, mais je pourrais continuer ainsi longtemps. Pendant ce temps, les exploitations agricoles continuent de disparaître, les services publics ferment, les petits commerces également, les collectivités tentent de sauver l’essentiel mais manquent cruellement de moyens, le gouvernement ne remplace qu’un fonctionnaire sur deux et s’apprête à se délester de la scolarisation des enfants de 2 à 4 ans vers les collectivités.

Pendant ce temps, l’emploi se concentre géographiquement ou se délocalise. L’Europe, après avoir brisé les monopoles de services publics qui assuraient partout présence et péréquation tarifaire, l’Europe s’apprête à libéraliser les services par la directive BOLKESTEIN et destine ses fonds structurels à d’autres pays.
A part cela, cette situation me fait penser au refrain « Tout va très bien Madame la Marquise ».

Ajoutez-y une dose de PAC, dévastatrice, d’OMC ultralibérale, de constitution européenne très libérale, d’économie de la connaissance la plus compétitive et vous obtiendrez un cocktail au goût bien amer, à moins que M. CAMDESSUS ne fasse « sursauter » la France.

Dans ce contexte, vous comprendrez que le groupe communiste républicain et citoyen émette un vote négatif aux conclusions de cette CMP.

Gérard Le Cam

Ancien sénateur des Côtes-d'Armor
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