Sécurité des manèges

Publié le 30 octobre 2007 à 15:20 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à la suite du dramatique accident survenu le 4 août 2007 à la Fête des Loges, la proposition de loi de notre collègue Pierre Hérisson a été présentée comme l’expression de la volonté commune des acteurs concernés, mais surtout de celle du Gouvernement et du Président de la République. En effet, deux jours après les faits, le Président de la République faisait une déclaration engageant l’intervention rapide du Gouvernement afin d’assurer une meilleure sécurité des manèges et des attractions foraines.

Si la manière laisse à penser que la réaction a été rapide, nous considérons au contraire qu’elle a été étonnamment longue. Car bien des accidents auraient pu être évités si la question des défaillances du contrôle et de la sécurité des installations foraines n’était pas tombée dans l’oubli depuis plusieurs années.

Rappelons qu’en 1995, à la suite de l’avis de la Commission de la sécurité des consommateurs relatif aux matériels d’attraction installés dans les parcs de loisirs permanents ou fonctionnant lors des fêtes foraines, la DGCCRF et la Direction de la défense et de la sécurité civile avaient rédigé un projet de décret sur la sécurité des matériels d’attraction, en s’appuyant sur l’article L. 221-3 du code de la consommation.

Or, en raison de l’opposition d’une partie des exploitants, tant aux mesures techniques proposées qu’aux contrôles approfondis plus onéreux, le gouvernement de l’époque n’y avait pas donné suite. Cela nous semble d’autant plus regrettable que la voie réglementaire, qui avait alors été choisie, nous paraît être la plus adaptée. D’ailleurs, à l’heure où l’on nous assène l’objectif de simplification du droit, on peut être légitimement surpris que la majorité propose l’intervention du législateur en ce domaine.

Sur le fond, nous sommes évidemment d’accord avec vous pour constater le caractère obsolète des règles du protocole de 1984. À ce titre, nous saluons le travail des professionnels et des collectivités locales dans la rédaction de la nouvelle convention, adoptée le 17 août dernier, afin de garantir une meilleure sécurité des manèges qui, du fait des innovations technologiques, vont toujours plus hauts, toujours plus vites et offrent toujours plus de sensations.

Toutefois, et vous avez eu raison de le rappeler, monsieur le rapporteur, dans la mesure où cette convention n’engage que ses signataires, il est nécessaire d’élaborer une réglementation nationale unique qui s’impose à tous.

Nous considérons que le règlement, comme en témoigne d’ailleurs la proposition de loi qui renvoie à un décret pour la plupart des dispositions nouvelles, aurait été suffisant pour traiter la question. En effet, en tant que « produits », les manèges relèvent de l’obligation de sécurité prévue à l’article L. 221-1 du code de la consommation, article qui impose aux professionnels d’assurer la sécurité de leurs équipements en matière de conception et d’exploitation.

En cas d’accident ou de danger grave et immédiat, encore une fois, le code de la consommation prévoit des dispositions : la suspension de l’activité du manège par la DGCCRF ou des mises en garde pour demander la mise en conformité du manège.

De plus, les maires ou, à défaut, les préfets, en vertu de leur pouvoir de police administrative, sont compétents pour imposer les mesures nécessaires au maintien de l’ordre public. Dans ce cadre, le ministère de l’intérieur a élaboré à l’attention des maires plusieurs circulaires relatives à la sécurité des matériels d’attraction.

Cela étant, puisque le Parlement est saisi - bien qu’une partie essentielle du fond relève du pouvoir réglementaire -, nous espérons que le Gouvernement sera en mesure de nous informer clairement sur le contenu des décrets qu’il entend prendre, d’autant que, nous a-t-on annoncé ce matin en commission, ces décrets seraient pratiquement « bouclés ».

Il serait inadmissible que les exigences en matière de sécurité des manèges restent en deçà de celles qui sont prévues dans la convention du 17 août 2007, tout comme il serait vain de fixer le principe d’impartialité et d’indépendance des organismes de contrôle sans que le Gouvernement nous informe de la procédure d’agrément qu’il va arrêter.

M. Daniel Raoul. Très bien !

Mme Odette Terrade. J’en viens au contenu de la proposition de loi.

L’article 1er reprend les dispositions de l’article L. 221-1 du code de la consommation en précisant qu’elles s’appliquent aux manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou pour parcs d’attraction. En bref, jusqu’à présent, le code de la consommation était applicable à ces installations ; désormais, il ne le sera plus, mais une disposition identique « hors code » posera exactement la même règle pour les matériels précités. Dès lors, on comprend mal l’utilité d’une telle mesure au regard de l’objectif, qui est de garantir une meilleure sécurité.

L’article 2, quant à lui, crée une obligation de contrôle technique initial et périodique des manèges et installations foraines et prévoit que les contrôles techniques seront effectués par des organismes agréés par l’État.

Enfin, l’article 3 dispose : « Un décret en Conseil d’État définit les exigences de sécurité auxquelles doivent satisfaire les manèges, machines et installations visés à l’article 1er, le contenu et les modalités du contrôle technique ainsi que les conditions et les modalités d’agrément des organismes de contrôle technique ».

Si les articles 2 et 3 sont exemplaires dans leur principe, il apparaît qu’ils soulèvent encore de nombreuses questions.

Tout d’abord, quelle qualité et quelles exigences est-on prêt à imposer aux professionnels pour que la sécurité des personnels et des utilisateurs soit assurée ?

À l’échelon européen, le Comité européen de normalisation a publié une norme NF EN 13814 intitulée « Machines et structures pour fêtes foraines et parcs d’attraction - Sécurité ». Or la publication de cette norme a été retardée en France, et ce pour plusieurs raisons. Il semblerait notamment que certains exploitants forains se soient opposés à plusieurs points du texte : l’âge minimum requis pour la conduite des manèges ou la tenue des stands ; la périodicité des contrôles ; l’absence de prise en compte, pour déterminer la nature et la périodicité des contrôles, du type d’équipement considéré, de sa taille, de sa vétusté, des opérations de montage et démontage qu’il subit...

Nos collègues socialistes ont déposé un amendement tendant à ce que les manèges, machines et installations concernés soient conformes à la norme NF EN 13814. Ils pointent là, et à juste titre, la question de la teneur des contrôles.

M. Daniel Raoul. Très bien !

Mme Odette Terrade. Cependant, le respect de la norme précitée nous paraît constituer un faible garde-fou, même s’il est vrai que cela permettrait de rendre ces dispositions applicables aux divertissements construits avant la publication de la norme, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Il semblerait que le texte européen ait évolué vers une harmonisation par le bas. Selon l’ANEC, l’Association européenne pour la coordination de la représentation des consommateurs dans la normalisation, la norme européenne « offre moins de sécurité aux consommateurs, notamment en baissant la fréquence des inspections de sécurité, qui passent d’une fois par an à une fois tous les cinq ans. Au fil des années, l’orientation globale du projet de norme a changé. Alors qu’il était question, à l’origine, de renforcer la sécurité, on se retrouve aujourd’hui avec une norme qui se contente de fixer le niveau de sécurité le plus bas au sein de l’UE ».

M. Jean-Marc Pastor. Très bien !

Mme Odette Terrade. La fréquence des contrôles initiaux et des contrôles périodiques est un élément essentiel de la garantie d’une bonne sécurité. Il serait selon nous utile, comme l’avait recommandé la Commission de sécurité des consommateurs, que chaque attraction ait un carnet de vie qui recenserait les incidents techniques et les interventions survenus lors de son transport ou de son exploitation.

Par ailleurs, il ne serait pas superflu, puisque le marché de l’occasion représente 70 % du parc total des machines, qu’à chaque cession de matériel un contrôle technique soit obligatoire.

Il est également nécessaire que le contenu de ce contrôle soit à la mesure des évolutions techniques des appareils, et aussi exhaustif que possible. Se pose alors la question de la compétence de l’autorité de contrôle.

Les maires n’ont pas la compétence technique pour effectuer le contrôle des installations et des terrains ; le rapport considère qu’ils ne peuvent que procéder à un contrôle documentaire. La DGCCRF rencontre les mêmes difficultés techniques, mais elle est en outre confrontée à des contraintes liées au fait qu’elle manque de personnel pour répondre aux missions qui lui sont confiées par le code de la consommation.

En bref, le contrôle des manèges et autres installations foraines est confié soit à des bureaux de contrôle dont les coûts sont exorbitants, soit à d’anciens forains, ce qui pose quelques problèmes en termes d’indépendance.

La proposition de loi prévoit les dispositions nécessaires afin que des organismes indépendants et agréés par l’État exercent ce contrôle. Cependant, celui-ci demande un savoir-faire spécifique. Ma question est donc toute simple : à qui va-t-on le confier si ce n’est à d’anciens professionnels ?

Il va falloir former des personnels de contrôle ; pourquoi, dès lors, ne pas renforcer les effectifs de la DGCCRF et leur donner une compétence élargie ? Si l’on se contente d’agréer des organismes existants, il est probable que cela n’aura pas les effets escomptés.

Au-delà du contrôle technique des installations, et au regard de la nature des accidents qui peuvent survenir dans de telles manifestations, nous pensons également que l’information du public sur les consignes de sécurité à respecter et sur les risques spécifiques à certaines personnes doit être renforcée.

Le niveau de technologie et de performance atteint aujourd’hui par les matériels, l’ouverture possible des marchés à de nouveaux constructeurs étrangers à l’Union européenne, imposent la détermination d’un cadre réglementaire national pour améliorer les garanties de sécurité offertes aux consommateurs. Cependant, cette nouvelle réglementation serait totalement inutile si les moyens en termes de personnels et de qualification ne l’accompagnaient pas.

Nous voterons donc ce texte, monsieur le secrétaire d’État, mais nous resterons attentifs aux décrets d’application ainsi qu’à votre position si, au moment du budget, nous proposions d’augmenter les moyens alloués aux administrations compétentes.

Odette Terrade

Ancienne sénatrice du Val-de-Marne

Ses autres interventions :

Sur le même sujet :

Société

La lutte en finale

par Eric Bocquet

J’ai eu l’occasion d’assister à la finale de la Coupe de France samedi dernier au Stade Pierre Mauroy de Villeneuve-d’Ascq, un match opposant le Paris-Saint-Germain à l’Olympique lyonnais.
La (…)

Maires de Flandres

par Eric Bocquet

Dans l’activité des sénatrices et sénateurs, il y a les initiatives que l’on pourrait qualifier de « hors les murs ».
Plusieurs fois dans l’année, avec ma collègue Michelle Gréaume, nous (…)