Secteur de l’énergie, GDF-Suez : un choix de société

Publié le 24 octobre 2006 à 11:35 Mise à jour le 8 avril 2015

La seule vertu de ce texte est qu’il aura montré combien divergents sont nos choix de société. Nous regrettons pourtant de n’avoir guère entendu les sénateurs de l’U.M.P. défendre les idées qui sous-tendent ce projet.

Quels sont les points de vue des uns et des autres, sur vos bancs ? Nous n’en savons rien, sinon par ce qu’en dit la presse. (Protestations sur les bancs de l’U.M.P.) Une chose est certaine, la commission des Affaires économiques recommande un vote conforme sur les trois articles concernés, la commission des Finances, allant jusqu’à proposer un amendement qui rend plus imprécises encore les garanties relatives à la participation de l’État.

M. Longuet nous a, après bien d’autres, resservi le leitmotiv : « les choses ne sont plus ce qu’elles étaient ». À quoi bon tous ces propos de comptoir. Croyez-vous sérieusement convaincre avec de telles lapalissades ? La France est dépendante depuis bien longtemps pour son approvisionnement énergétique, mais ce service public a démontré sa capacité à faire face. Nous ne sommes plus en 1945, dites-vous ? Pensez-vous donc que nous ne nous en étions pas avisés ? Et que de Gaulle n’est pas Chirac ? Comparaison n’est pas raison.

Vos propos ne révèlent qu’une chose : le peu de cas que vous faites du rôle joué par G.D.F. depuis soixante ans pour assurer notre sécurité énergétique, participer à l’aménagement du territoire, contribuer au développement économique et social de notre pays.

Si notre pays est moins dépendant de l’étranger et moins directement concerné par les problèmes de pollution atmosphérique que certains de nos voisins, cela vient aussi du fait que la France, au lendemain de la guerre, et dans le droit fil du programme du Conseil national de la Résistance, a fait le choix de la maîtrise publique du secteur. Mais vous êtes prêts à balayer tout cela d’un revers de main en adoptant des articles qui subordonnent la décision des parlementaires que nous sommes aux décisions à venir des assemblées générales des actionnaires de G.D.F. et Suez ?

En écoutant M. Longuet, je croyais entendre les propos d’un membre de conseil d’administration. Ne légiférerons-nous que pour délivrer un chèque en blanc dans le cadre de manœuvres orchestrées dans les coulisses des assemblées d’actionnaires ? Cela est proprement sidérant ! Accepterons-nous d’être ainsi instrumentalisés au profit d’un projet industriel dont chaque jour démontre l’inanité ? Et ceci tandis que le ministre ose encore - il l’a fait pas plus tard qu’hier - affirmer à la télévision que le projet de fusion donnera naissance à un grand groupe industriel !

Ne sait-il donc pas que la Commission européenne exige que Suez se déleste de ses capacités de production électronucléaires en Belgique ? Ignore-t-il que G.D.F. sera contraint de filialiser ses terminaux méthaniers, à la grande satisfaction de Total, Primagaz ou Bolloré Énergie ? Qu’il lui faudra de surcroît céder une partie de ses contrats de long terme ? Ne s’est-il pas avisé des tensions qui s’exacerbent entre dirigeants des deux groupes, sur la répartition des compétences ?

Nous n’aimons pas les mariages arrangés, et celui-ci ne présage rien de bon. Qu’arrivera-t-il à G.D.F. si les fiançailles sont rompues avant la noce ? Elle ne sera plus qu’une entreprise privatisée, dépecée et opéable à merci !

Nicole Borvo Cohen-Seat

Ancienne sénatrice de Paris et présidente du groupe CRC

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