Redonner confiance au consommateur

Publié le 22 juin 2004 à 00:00 Mise à jour le 8 avril 2015

par Odette Terrade

Monsieur le Président,

Monsieur le Secrétaire d’Etat,

Mes chers collègues,

La consommation des ménages représente 54% du PIB et en période de crise des investissements, elle constitue, le moteur essentiel de la croissance. « Redonner confiance au consommateur » est donc un enjeu important pour notre économie.

La proposition de loi qui porte ce titre prometteur, que nous allons examiner maintenant, a été discutée le 11 décembre dernier à l’Assemblée Nationale, où elle faisait suite à un rapport de mission de son auteur, notre collègue député Luc Marie CHATEL.

Cependant, le contexte dans lequel nous débattons de cette proposition de loi est aujourd’hui quelque peu différent.

En effet, si tout le monde s’accorde à reconnaître à la consommation populaire, celle des ménages salariés ou retraités, un rôle déterminant dans la croissance économique, et la perception par l’Etat des recettes fiscales subséquentes, le moins que l’on puisse dire est que la situation économique et sociale actuelle appelle, manifestement, des solutions adaptées d’une bien autre teneur que celles préconisées par le présent texte.

Que faut - il faire en effet pour redonner confiance au consommateur ?

Faire, comme le propose aujourd’hui le Gouvernement, quelques effets d’annonce sur une prétendue remise en cause des méthodes de commercialisation toutes particulières des grands groupes de la distribution et annoncer une plus grande prise en compte des emprunts destinés à la consommation en termes fiscaux ?

Ou alors, poser les vraies questions.

C’est à dire se demander si avant de vouloir redonner confiance au consommateur, en sécurisant ses contrats, en lui facilitant l’accès au crédit, il ne convient pas, dans un premier temps, de lui redonner du pouvoir d’achat, et ce notamment, par le développement de politiques de plein emploi, en mettant un terme aux politiques de stagnation et de déflation salariale menées par tous les employeurs, qu’ils soient publics ou privés.

Quand le Gouvernement gèle la rémunération des agents du service public, et encourage de fait les politiques salariales restrictives des entreprises privées, délaissant les revalorisations générales pour les promotions individuelles, il ne permet pas de redonner confiance au consommateur.

Cette politique brime le pouvoir d’achat du consommateur et nombreux, très nombreux sont les professionnels, notamment dans le secteur du commerce de détail alimentaire, qui en font, depuis, l’amère expérience.
Alors que l’on annonce l’augmentation de plus de 9% du nombre de Rmistes dans notre pays, n’y aurait-il pas urgence également à revaloriser la situation des plus faibles de nos concitoyens, notamment ceux qui vivent ou survivent avec les minima sociaux et qui de fait, consomment la totalité de leurs ressources, en se sentant exclus de ce que nous appelons « la société de consommation ».

De la même manière, quand il nous est annoncé un plan de réforme du financement de la Sécurité Sociale qui envisage la création d’un forfait consultation non remboursable, le relèvement de la contribution sociale généralisée, celui de la contribution de remboursement de la dette sociale ou encore le moindre remboursement des prestations de santé, cela contribue à mettre en question la confiance du consommateur, car ces mesures pèsent très lourd sur le pouvoir d’achat réel des ménages.
De même que les multiples augmentations de prix, des services, des transports… annoncées pour juillet qui auront vite fait d’absorber la revalorisation promise du SMIC.

Enfin, quand l’on gage une éventuelle stabilisation des prix dans le commerce, par une remise en question apparente des ’marges arrières’ et des marges de production des industriels sur une plus grande capacité à ouvrir de nouvelles surfaces de vente, on ne redonne pas confiance au consommateur.

On ne fait que corriger à la marge les effets de la mise en œuvre de la monnaie unique, qui s’est souvent traduite par l’arrondissement à l’euro supérieur plutôt qu’à l’euro inférieur, et contribuer aussi à presser les salaires tant dans la distribution que dans la production, ce qui aura au moins comme effet de réduire le pouvoir d’achat des salariés des uns et des autres.

Pour revenir à ce texte que nous examinons, on peut s’interroger :

Quel sens garde t il, maintenant que l’Assemblée Nationale est appelée, à examiner très prochainement, dans les jours à venir, un projet de loi retraçant les conséquences fiscales et légales des annonces du plan de soutien à la consommation du Gouvernement, tel que présenté par M. le Ministre de l’Economie et des Finances ?

Rapporteure pour avis du budget de la Consommation pour notre Haute Assemblée, je serai tentée de penser qu’à défaut de répondre aux questions essentielles que je rappelais il y a quelques instants, le présent texte peut avoir comme vertu principale de donner aux consommateurs, à la suite de la loi MURCEF de 2001, de la loi sur les nouvelles régulations économiques et de la loi sur l’épargne et la sécurité financière, des droits nouveaux, permettant un meilleur équilibre des contrats que celui que nous constatons aujourd’hui encore et qui alimente par trop, tant les tribunaux d’instance que les commissions de surendettement...
Le rapport Chatel cite le chiffre de 15 à 16% des ménages qui rencontrent chaque année au moins 1 problème de consommation, raison essentielle pour préserver et développer les moyens des associations de consommateurs, qui par leur travail de terrain apportent aide et information à nos concitoyens.

Nous nous plaçons donc délibérément, pour ce qui concerne la discussion de la présente proposition de loi, avec la perspective, par la voie de nos amendements, d’une amélioration sensible du texte, comme du droit de la consommation.

Et nous le faisons pour que les avancées de la législation que nous pourrions ainsi effectuer participent, ensuite, des avancées du droit communautaire dont notre pays est partie prenante.

Cependant, si le texte de la proposition de loi, tel qu’il sera voté par notre Assemblée, revient sur les timides avancées votées à l’Assemblée Nationale et n’intègre aucune des propositions que nous faisons, les Sénateurs et Sénatrices du Groupe CRC, ne pourraient y souscrire.

Odette Terrade

Ancienne sénatrice du Val-de-Marne

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