La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui permet quelques avancées : la création de commissions consultatives départementales pluralistes - dont je regrette profondément que la portée ait été réduite à l’initiative du Gouvernement - et la possibilité que soit reconnu l’état de catastrophe naturelle sur des secteurs précis des communes.
Pour autant, avec l’abandon de propositions importantes de nos collègues socialistes et le refus de prendre en compte l’essentiel de nos amendements, cette proposition de loi ne répond pas complètement aux attentes des sinistrés et des collectivités locales.
En effet, nous retrouvons dans cette proposition le souci prédominant du Gouvernement de « préserver le nécessaire équilibre financier du régime des catastrophes naturelles », invoqué par exemple lors de la sécheresse de 2003 par le précédent gouvernement, avec la volonté très nette de réduire les dépenses du régime.
Cette orientation a abouti au refus de classer en zone sinistrée la majorité des communes concernées et a provoqué la consternation, l’incompréhension et la colère légitime de milliers de familles.
Je rappelle, même si cela a déjà été évoqué lors du débat, qu’en Ile-de-France, par exemple, plus de 500 communes sont concernées, alors qu’un peu moins de 70 d’entre elles ont bénéficié, selon un mode de sélection des plus opaques - comme cela a également été souligné par de nombreux participants -, de l’arrêté de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
En Seine-et-Marne - j’insiste compte tenu du nombre de sénateurs de mon département présents dans cet hémicycle - 136 communes sur 194 n’ont toujours pas été déclarées sinistrées. Le cas des communes limitrophes comme Claye-Souilly et Villeparisis a été évoqué, mais il y a bien d’autres exemples de cet ordre.
Un collectif réunissant plus de la moitié des maires des communes laissées pour compte en Seine-et-Marne a constaté, sur les territoires concernés, des fissures en façade, des décollements entre différents corps d’ouvrage, des affaissements de dalles, des dislocations de cloisons, des distorsions de portes et de fenêtres. Et, malgré cela, selon la commission interministérielle, l’intensité anormale de la sécheresse 2003 ne serait pas démontrée.
C’est pourquoi les nombreuses communes de Seine-et-Marne réunies dans ce collectif attaquent l’Etat devant le tribunal administratif.
En fait, ce qui détermine la position de la commission interministérielle, c’est la difficulté budgétaire pour l’Etat d’assumer ses engagements.
Ainsi, la presse s’est fait l’écho le mois dernier d’une note d’étape de la mission interministérielle. Il y apparaît que la prise en charge des dommages constatés dans les 7 600 dossiers déposés par les communes demandant le classement en zone sinistrée pourrait être supportée à 60%, voire à 70% par la Caisse centrale de réassurance, l’Etat ayant à supporter le complément.
Cette situation amène la commission interministérielle à privilégier la défense des assureurs plutôt que celle des assurés.
J’ai bien noté, monsieur le ministre, de nouvelles avancées sur le traitement de la sécheresse de 2003 ; vous êtes bien obligé de tenir compte de la forte mobilisation des sinistrés et des élus. Nous jugerons aux actes, mais je crains que beaucoup trop de victimes ne soient pas secourues.
Face à cette injustice, la proposition de loi n’apporte pas de solution permettant de faire réellement face aux risques climatiques que nous allons devoir supporter à l’avenir.
L’Etat se réserve toujours le privilège de définir seul les critères caractérisant l’état de catastrophe naturelle au regard de la loi de 1982 et de faire évoluer ces critères selon la volonté de reconnaître ou non l’ensemble des zones sinistrées.
L’actuelle proposition de loi conforte le rôle du fonds de prévention des risques - c’est une bonne chose - mais n’améliore pas les mécanismes financiers d’indemnisation. De ce fait, le principe de solidarité nationale risque de ne pas être mieux appliqué.
S’agissant de la prévention, les collectifs d’élus et de propriétaires privés réclamaient des mesures drastiques à l’encontre des constructeurs non respectueux des règles de construction, notamment celles liées à la prise en compte des conditions géologiques locales. La proposition de loi ne propose pas de réponse à ces demandes.
Enfin, l’actuel parcours du combattant pour les victimes de sinistres est maintenu, voire renforcé par la disposition de l’article 3 qui dispose que la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ne constitue pas une présomption de droit à indemnisation. Cette mesure va ravir les assureurs mais elle reste inacceptable pour les assurés.
Nous ne pouvons malheureusement pas soutenir une proposition de loi dont l’ambition reste insuffisante face aux besoins des sinistrés. C’est pourquoi, et je le regrette, le groupe CRC ne pourra que s’abstenir.