Parcs nationaux et parcs naturels marins

Publié le 31 janvier 2006 à 09:42 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le président,
Madame la ministre,
Mes chers collègues,

La loi du 22 juillet 1960, il faut le redire ici, a fondé une politique de protection des espaces naturels exceptionnels permettant à la France d’une part, de protéger efficacement une partie de son patrimoine naturel, et d’autre part, de tenir son rang au niveau international par le classement en catégorie II de nos parcs, exception faite du parc des Cévennes.

A ce propos, je souhaiterais, Madame la Ministre, que vous nous indiquiez si le maintien en catégorie II de nos parcs nationaux est toujours un objectif du gouvernement. Nous savons, en effet, que l’union mondiale pour la nature, l’UICN, regarde avec intérêt les évolutions législatives et réglementaires que nous engageons avant de se prononcer sur le maintien ou non de nos parcs en catégorie II. Elle estime, je cite, « qu’une véritable stratégie à long terme en matière d’espaces protégés fait encore défaut à la politique française ». Selon une étude menée par le comité français de l’UICN, « le réseau d’aires protégées en France reste à élargir et à consolider ».

Nul n’ignore ici que les plus beaux paysages sont aussi les plus convoités. Et face aux pressions démographiques et économiques de toute sorte, de nombreux espaces à forte valeur patrimoniale ne bénéficient pas encore de protection. Seulement 4% des zones identifiées par les inventaires du patrimoine naturel seraient, toujours selon l’UICN, inclus dans des aires protégées réglementaires.
Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui permettra-t-il à la France d’améliorer la protection de son patrimoine naturel ? Nous pouvons, à juste raison, poser cette question.

En préalable à l’examen de ce texte, je souhaite évoquer un instant la procédure législative utilisée : une fois de plus, l’urgence est déclarée. De fait, tout se passe aujourd’hui comme si celle-ci devenait la procédure normale. C’est d’autant plus incompréhensible que la plupart des lois votées en urgence en 2004-2005 ne sont pas appliquées à ce jour. Il s’agit, selon nous, d’un abus de procédure.

En préalable encore, je voudrais souligner l’excellent rapport de notre collègue Jean Boyer et la qualité du travail fourni par les services de la commission des affaires économiques. S’il vient après l’analyse approfondie du rapport Giran, il a le mérite de poser clairement les objectifs du texte, de nous montrer les améliorations apportées à l’Assemblée Nationale et de nous éclairer sur les modifications à effectuer encore afin d’aller au bout de cette réforme.

Je salue ici la participation décisive des gestionnaires des parcs, des associations, des syndicats qui nous ont éclairés, les uns et les autres, sur les enjeux d’une réforme souhaitée par tous pour une meilleure prise en compte des zones périphériques et une clarification des rôles et responsabilités respectives de chacun, mais aussi et surtout afin que nous n’abandonnions pas ce qui fait l’essence même des parcs nationaux, à savoir une certaine idée de l’intérêt général dont l’Etat doit demeurer le représentant.

En effet, s’il est évidemment nécessaire qu’un parc national soit accepté et promu par les habitants et les acteurs locaux, il n’en demeure pas moins que la protection de la biodiversité est un impératif qui s’impose à tous au-delà des particularismes locaux. D’où l’importance d’un investissement de l’Etat comme garant de l’intérêt général d’une part, et de décisions motivées par les connaissances apportées par le conseil scientifique d’autre part. Les amendements que nous vous proposons vont dans ce sens.

Enfin, nous souhaitons que ce texte reste essentiellement destiné à promouvoir les parcs nationaux. Si la Guyane et la Réunion demandent certainement des aménagements appropriés, nous devons veiller à ne pas édulcorer ou diluer le concept même de parc national. Notre crédibilité au niveau international est en jeu.

Le chapitre I de ce projet de loi concerne les parcs nationaux.
L’article 1 définit un parc national comme l’addition d’un ou plusieurs cœurs et d’une zone d’adhésion. Il permet par ailleurs l’introduction d’espaces maritimes.

L’article 2 renouvelle la procédure de création d’un parc national. D’après le rapport de Jean Boyer, je cite : « la procédure se déroulera, dès la phase préliminaire d’études, dans le cadre d’un groupement d’intérêt public (GIP) afin de mobiliser l’ensemble des acteurs locaux ».

Il est clair que l’essentiel de la réécriture vise à associer plus étroitement les collectivités territoriales à la procédure de création d’un parc. Si l’on peut apprécier positivement la prise en compte des préoccupations locales, on ne peut que s’interroger sur les implications financières d’une telle décision pour ces collectivités.
L’article 3, lui, prévoit que la charte du parc national est composée d’un volet « cœur de parc » avec des objectifs de protection et d’un volet contractuel d’orientations de protection pour la zone d’adhésion, et il précise en outre que la dite charte définit un projet de territoire traduisant la solidarité écologique entre le cœur du parc et ses espaces environnants. Là encore, si l’on peut se réjouir de cette recherche de cohérence, il est juste de poser la question suivante : Comment budgétairement se traduira cette solidarité ?

D’autant plus que les missions de l’établissement public du parc sont considérablement élargies. Les moyens suivront-ils ? Là est la question.

De notre point de vue, les articles 1, 2 et 3 constituent l’essentiel de ce texte. En effet, si une réforme est souhaitée par tous ceux qui sont concernés par l’outil « parc national », il n’en reste pas moins que celle-ci s’inscrit complètement dans la ligne tracée par la « mère des réformes » à savoir la décentralisation que le gouvernement Raffarin a fait voter avec la détermination que l’on sait.
Dans ce domaine, comme dans d’autres, on a réduit d’année en année, dès 2002, les budgets affectés aux politiques publiques. Si le projet de loi prévoit des dispositions d’ordre financier et notamment, à titre compensatoire, la création d’un nouveau critère pour l’attribution de la DGF en faveur des communes concernées par le cœur du parc, elle ne règle pas la question financière.
Notre inquiétude est renforcée par le sort réservé au budget dévolu aux parcs nationaux depuis plusieurs années. Rappelons-nous la diminution des crédits alloués aux 7 parcs par le ministère de l’environnement, diminution qui connaît un pic en 2006 : moins 20% par rapport à 2005 ! Certains parcs sont plus durement touchés que d’autres et vont rencontrer des difficultés inédites pour continuer à fonctionner. Comment dans ces conditions créer de nouveaux parcs ? Sauf à admettre ce que je décrivais précédemment, à savoir une plus forte implication attendue de la part des collectivités territoriales (la TDENS des départements nourrit des convoitises), je ne vois pas comment, même avec une augmentation annoncée pour le budget 2007, la situation pourrait s’améliorer vraiment.

Ce retrait de l’Etat transparaît également dans d’autres dispositions du texte. Ainsi, la composition du conseil d’administration. La volonté du gouvernement de rendre plus « démocratique » les parcs nationaux ne doit pas remettre en question la représentation de l’Etat. En effet, le net basculement des forces en faveur des représentants locaux au sens large, serait des plus préoccupant pour la prise en compte des aspects strictement conservatoires des parcs Nationaux.

L’article 6 renvoie à un décret le nombre de membres du conseil d’administration et indique, je cite : « que les administrateurs représentants les collectivités territoriales (...) détiennent la moitié au moins des sièges du conseil d’administration ».

L’équilibre à trouver entre le local et le national s’exprime aussi au travers de la composition des personnels qui travaillent dans ces espaces. Cette question a suscité de vifs débats. Poser un quota local serait contraire à l’égalité d’accès des candidats à ces postes. Ainsi, le recrutement national, aux vues des différentes formations scientifiques proposées, doit permettre d’assurer un haut niveau scientifique du personnel. Mais bien entendu, une équipe doit aussi comporter des personnes connaissant parfaitement le site. La solution consiste donc à définir, dans le cahier des charges, une équipe composée de profils diversifiés alliant connaissances scientifiques et connaissance parfaite du terrain, sensibilité écologique et envie de vivre au pays.

Concernant le territoire du parc, l’article 1 prévoit qu’un parc national peut être composé de plusieurs cœurs. Nous souhaitons qu’une continuité soit assurée entre eux.
De plus dans l’article 3, nous demandons que le conseil scientifique soit entendu.
A l’article 4, nous souhaitons que les travaux prévus soient encadrés et qu’une zone tampon obligatoire soit définie.
A l’article 8, il nous semble utile de préciser que l’établissement public du parc national peut « avec son accord » être affectataire d’immeubles. C’est à l’établissement public à décider si l’immeuble en question l’intéresse, et non pas à l’Etat ou aux collectivités de le lui imposer.
Quant à l’article 11 ter proposant le nouveau concept de parcs naturels urbains, mon collègue Robert Bret s’exprimera plus précisément sur ce sujet.

En conclusion, parce que le projet de loi porte en lui les germes d’un désengagement de l’Etat, parce que l’intérêt général qui doit guider les politiques n’est pas suffisamment garanti, parce que les financements ne sont pas à la hauteur des objectifs affichés, nous réserverons notre appréciation sur ce texte à l’issue des débats qui seront menés au sein de notre assemblée.

Évelyne Didier

Ancienne sénatrice de Meurthe-et-Moselle
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