Monsieur le Président
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Nous célébrons actuellement à travers le soixantième anniversaire de la Libération de notre pays l’action exemplaire de ceux qui, dans un pays meurtri, par la guerre, détruit économiquement, eurent non seulement l’audace politique, mais aussi l’intelligence et les qualités humaines incomparables pour mettre en œuvre le redressement de la France avec le programme du Conseil National de la Résistance.
Qu’ils en soient aujourd’hui honorés, pour avoir placé l’intérêt général au-dessus de l’intérêt particulier, en restituant à la Nation les grands moyens de production monopolisés « fruits du travail commun, », comme ils l’affirmaient si justement.
C’est cet hommage que je voudrais rendre, à ces femmes et ces hommes, qui dans leur diversité surent unir leurs efforts pour faire preuve d’innovation et de modernité, pour répondre aux aspirations de notre peuple, pour reconstruire notre économie, pour réaménager notre territoire et pour redonner à notre pays cette dignité si chèrement reconquise par l’action de la Résistance.
Ce fut en particulier l’action de Marcel Paul, ministre communiste, à qui revint l’insigne honneur de parapher les documents actant de la création de deux établissements publics, EDF et GDF, chargés d’assurer la production et le transport de l’énergie partout sur notre territoire et pour tous !
A toutes celles et à tous ceux qui payèrent souvent de leur vie nous leur devons non seulement les honneurs à travers les cérémonies commémoratives mais aussi la reconnaissance pour cette immense tâche accomplie et le respect pour tout, ce qu’ils ont construit et que les générations suivantes ont su préserver, non sans luttes.
C’est cet esprit de résistance qui anime les salariés d’EDF-GDF que nous soutenons avec toute notre force pour que vous retiriez ce projet de privatisation !
Vous voulez réprimer les travailleurs qui sont en lutte, Monsieur le Ministre, vous voulez inquiéter l’ensemble des salariés en vous attaquant à quelques uns, à ceux qui résistent, non pour des intérêts corporatifs, mais pour défendre le service public dans l’intérêt de la Nation.
Vous voulez vous attaquer à ceux, qui s’opposent au changement de statut de l’entreprise alors que votre silence a été impressionnant Monsieur le Ministre, lorsque la direction d’EDF a commis une faute lourde en finançant une campagne publicitaire qui a utilisé les ressources de l’entreprise pour favoriser le changement de statut… avant même que la Représentation nationale ne se soit prononcée !
Ce que vous nous demandez aujourd’hui Monsieur le Ministre, c’est de casser cet outil, de le céder au privé… non pas immédiatement, la pression est trop forte, mais en catimini, comme vous l’avez fait pour France Télécom ou Air France, et que votre prédécesseur s’était engagé à ne jamais privatiser.
Ce que vous nous demandez aujourd’hui Monsieur le Ministre, c’est de nous soumettre aux exigences de l’ultralibéralisme, aux intérêts du MEDEF qui vous sont si proches.
Enfin ce que vous nous demandez c’est de renoncer à l’intérêt national en privilégiant l’intérêt privé.
Non ! Monsieur le Ministre, les Sénatrices et les Sénateurs du groupe CRC fidèles à l’esprit républicain qui les anime ne cesseront dans cette enceinte de défendre les intérêts des salariés, l’intérêt des usagers, l’intérêt de la Nation.
Quel fossé entre votre conception utilitariste de la politique et l’esprit visionnaire de ceux qui ont défendu les valeurs républicaines et humanistes mises en œuvre par le Conseil National de la Résistance.
Permettez-moi de vous dire Monsieur le Ministre, que nous souscrivons, non seulement à cet idéal du Conseil national de la Résistance, mais aussi à cette capacité de concilier l’économique et le social en privilégiant l’intérêt des hommes et non celui de la finance, et que nous affirmons, que ce qui était, possible hier l’est encore plus aujourd’hui !
Comment admettre que des hommes politiques dans une situation aussi difficile que l’après-guerre aient été capables de construire un aussi bel outil qu’EDF et GDF et que vous puissiez prétendre aujourd’hui dans une situation économique qui n’a rien à voir avec celle-là, qu’il n’est pas possible de faire vivre un véritable service public de l’énergie.
C’est bien de cette ambition dont vous manquez, ambition pour l’intérêt de notre pays, ambition pour l’intérêt collectif, ambition que vous mettez au seul service des intérêts privés.
Nous avons dès les premiers instants combattu cette privatisation annoncée d’EDF, j’alertais de cette éventualité le 21 février 2002, puisque je disais dans une question orale, avec quelque prémonition : « A en juger par le projet électoral de la droite, il ne fait aucun doute que l’ouverture du capital serait acquise, si les forces libérales revenaient au pouvoir » Quelques mois plus tard, le 15 octobre 2002 lors de la transposition de la directive européenne du 22 juin 1998 qui ne concernait que le marché du gaz, vous en profitiez pour aller plus loin en incluant l’ensemble du marché énergétique. Nous disions à Madame Fontaine : « Le texte que vous nous présentez, madame la ministre, n’est pas neutre. Il représente bien une première tentative pour amener la question de la privatisation. », et c’est vous Monsieur le ministre qui êtes chargé d’exécuter ce que vos prédécesseurs avaient si bien préparé.
Notre attachement pour les services publics n’est pas tourné vers le passé, même si nous reconnaissons le bien-fondé de ce qui a été réalisé précédemment. Il répond à des aspirations fondamentales, à des aspirations universelles qui sont le besoin d’égalité, de solidarité et de maîtrise citoyenne.
Vous, vous répondez ainsi aux injonctions de l’AGCS voulues par l’OMC !
Vous appliquez très scrupuleusement, allant même bien au-delà, les directives européennes concoctées par la commission de Bruxelles et adoptées par les différentes majorités du parlement européen.
Cette libéralisation est le fondement même d’un dogme économique qui considère que la concurrence doit bénéficier aux clients, qu’elle entraîne inexorablement une baisse des prix et une meilleure qualité de service en lui laissant la liberté du choix.
Or que constatons-nous et arrêtons nous seulement au sujet qui nous intéresse qui est celui de l’énergie.
Qu’en est-il pour notre pays depuis l’ouverture du marché pour les industriels : Ils verront leur facture augmentée de 37,5% en 2004, la facture d’électricité a augmenté de 35,4% cette année pour la SNCF et de plus de 50% en deux ans.
Ainsi cette charge supplémentaire sera pour elle de 122 millions d’euros en 2004.
Les charges plus importantes seront répercutées ainsi sur les prix à la consommation des produits issus de l’industrie automobile, chimique, des cimentiers et des papeteries et participeront à l’augmentation du coût de la vie.
Le client particulier ne ressent pas encore ces effets, étant encore protégé par le monopole public d’EDF jusqu’en juillet 2007, juste après les élections présidentielles et législatives prochaines…. On peut facilement imaginer que la hausse sera au moins identique sinon supérieure !
Le service en serait nous dit-on amélioré ?
Or, l’expérience prouve le contraire, dans le domaine de l’énergie la privatisation s’est soldée par une série de panne et de dysfonctionnement, liés aux manques d’investissement et à un entretien plus qu’alétoire, mettant ainsi en danger les populations. Le 14 août 2003 ce sont plus de 50 millions de personnes qui dans les Etats de New-York, Ohaio, Michigan, et Ontario qui se sont trouvés privés de courant Monsieur le ministre votre proposition de loi porte en elle tous les stigmates des effets que je viens de vous énumérer ; cette déréglementation mise en œuvre depuis plusieurs années et que nous avons dénoncé en toutes circonstances, montre que les critères de la rentabilité capitaliste ne sont pas adaptés pour mettre en œuvre une politique énergétique en rapport avec les besoins, non seulement de notre pays, mais de la planète entière.
Tous ces dérèglements font que la question de la sécurité ne peut être confiée au secteur privé, qui comme je viens de le démontrer n’en fait pas sa première préoccupation.
Un meilleur service c’est aussi celui où les salariés et les usagers sont plus et mieux impliqué dans l’entreprise. Le recul de la démocratie, de la transparence par la privatisation pourrait entraîner de graves conséquences sur la définition des politiques énergétiques et leur contrôle nécessaire exigé par les citoyens. Cette production d’énergie et de transport qui en fonction de sa nature même comporte des risques suppose une meilleure information et un contrôle citoyen pour préserver la confiance entre les entreprises et les citoyens. Leur privatisation éventuelle ne peut qu’aggraver ce risque puisque les salariés aujourd’hui présents dans les instances de conseil d’administration en sont rejetés lorsque le privé s’en empare.
Oui, Monsieur le ministre l’énergie n’est pas une marchandise comme les autres, c’est un bien commun, qu’il ne faut pas céder au secteur privé. Cette idée monsieur le Ministre n’est pas l’apanage des communistes, puisque lorsque les entreprises privées électriques furent nationalisées c’est l’ensemble des forces politiques qui partageaient ce point de vue. La constitution d’un monopole dans le secteur de l’énergie a été créé pour des raisons de cohérence et d’efficacité économique. La privatisation permettrait selon les dogmatiques du libéralisme de créer plusieurs sociétés et de créer ainsi une forme de liberté économique. Qu’advient-il dans la réalité ? Prenons l’exemple de l’Allemagne qui a ouvert son marché bien avant nous ; seul 1% du marché du gaz est ouvert réellement à la concurrence alors qu’en France le marché est ouvert à 5%. Faudrait-il croire que vous auriez plus de sympathie pour un monopole privé ce qui justifierait donc votre parti pris pour l’ouverture du capital.
Je n’ai entendu personne s’offusquer parmi les partisans du libéralisme et de la privatisation d’EDF et de GDF de la situation de monopole de la société Totalfinaelf en France qui, pour l’essentiel de son activité est la résultante de deux fusions successives .Pourquoi ce qui serait bon pour une multinationale privée devrait être inapplicable pour un monopole public. Pourquoi vouloir démanteler EDF et GDF, rompre les liens qui les unissent alors que rien ne le justifie économiquement. Il est donc indispensable de préserver la structure intégrée des entreprises de l’électricité et du gaz pour optimiser la construction et l’exploitation des installations, pour s’adapter aux nouveaux besoins.
La liberté de choix si souvent invoquée Monsieur le Ministre est un argument difficilement défendable lorsque l’on voit la constitution de véritables monopoles privés qui laisse très peu de place à la concurrence à laquelle vous semblez aussi attaché. On aimerait que vous manifestiez le même enthousiasme et la même … énergie pour promouvoir la fusion EDF-GDF que vous ne l’avez fait pour Sanofi-Aventis.
La fusion d’EDF et de GDF est non seulement tout à fait possible, mais nécessaire. Et vous voudriez Monsieur le Ministre nous entraîner vers une solution tout à fait inverse, en cassant ce qui a été construit depuis des dizaines d’années et qui a montré son efficacité. Le savoir-faire des personnels (gaziers et électriciens) mis en commun présenterait plus d’intérêt que dans une mise en concurrence stérile La synergie entre EDF et GDF ne peut que servir l’efficacité économique ; la longue expérience acquise entre les salariés des deux entités doit être préservée. Cette nécessaire fusion doit être, par la mise en commun de savoir-faire, facteur d’économie d’échelle et sur un plan financier éviter les gâchis d’une séparation..
Comme à la Libération il y a besoin de créer un grand pôle public de l’énergie.
Vous avez fait le choix, Monsieur le Ministre, de la voie inverse en voulant brader à terme notre patrimoine industriel énergétique ; Les salariés, les progressistes de notre pays n’ont pas l’intention de vous laisser faire. Comme pour tout le reste de votre politique vous avancez comme un véritable rouleau compresseur, écrasant tout sur votre passage ; les retraites, les droits sociaux, la sécurité sociale tous les acquis de ces dernières décennies. Vous voulez remodeler sur le fond notre société en la mettant au service du capitalisme mondialisé, vous voulez la remodeler de telle sorte qu’il n’y ait pas de possibilité de remise en cause, en cas d’alternance, vous voulez inscrire de façon pérenne les meilleures garanties pour vos amis les gros actionnaires, tel sont au fond les raisons de votre acharnement.
Notre indépendance énergétique sera nécessairement en cause lorsque vous confierez à des intérêts privés ce qui relève de la compétence de l’Etat.
La transposition des directives européennes porte en elle tous les fondements du libéralisme, mais aucune d’entre elle n’incite à transformer le statut d’entreprise public de l’entreprise EDF.
Je dénonçais dès le 15 octobre 2002 le premier palier mis en place par l’ouverture du marché, et les risques d’augmentation de tarifs de l’électricité mais aussi l’augmentation des profits qui en découlait.
On peut facilement imaginer, Monsieur le Ministre, que votre préoccupation soit identique, puisque vous en créez les conditions et les actionnaires vous en seront reconnaissants. Ce projet de loi Monsieur le Ministre est néfaste pour notre économie, néfaste pour les usagers qu’ils soient industriels ou particuliers, néfaste pour les salariés, néfaste pour la Nation !
Parce que nous sommes attachés à cette notion de service public qui permet d’appliquer le principe d’égalité sur tous les points de notre territoire.
Parce que nous ne voulons pas voir s’appliquer des critères de gestion capitaliste dans le domaine de l’énergie qui est un bien commun et non une marchandise comme les autres.
Parce que nous ne voulons pas que des actionnaires privés engrangent des profits en favorisant la réduction des coûts en pesant sur les salariés et sur les investissements à long terme.
Parce que nous refusons que l’indépendance énergétique de notre pays soit remise en cause en confiant l’entreprise à des intérêts privés.
Parce que nous connaissons toutes les conséquences de la libéralisation, à travers les expériences développées en particulier aux Etats-Unis, sur les prix et la sécurité.
Parce que nous sommes attachés au statut particulier d’EPIC décidé à Libération qui garantit le principe d’égalité.
Parce qu’enfin nous sommes convaincus, que l’entreprise publique est au cœur du modèle social français. Pour toutes ces raisons, les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen opposent la question préalable à votre projet de privatisation.