Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici, après quelques péripéties, au bout de la discussion de ce projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.
Cette discussion appelle, de notre point de vue, quelques observations de caractère formel.
Première observation, l’urgence a été déclarée sur ce projet de loi, ce qui semblait être la manifestation de la volonté gouvernementale de répondre à l’aggravation de la crise du logement, dont les formes sont aujourd’hui les plus diverses.
Je reviendrai sur les caractères de la crise du logement, mais permettez-moi simplement de rappeler que nous avons débattu de ce texte du 14 au 21 octobre 2008 et que nous sommes, faut-il le rappeler, le 19 février !
Nous avons donc engagé la discussion de ce projet de loi avant la date de clôture de la période des expulsions locatives - la période hivernale - et nous allons la terminer, avec une certaine probabilité de ne voir le texte promulgué que dans plusieurs jours, qu’à la réouverture de la même période !
Cette urgence qui dure cinq mois donne une valeur relative à l’urgence, vous en conviendrez !
Pour notre part, nous ne nous plaindrons pas de ce retard apparent, puisque nous avons, dès la discussion en première lecture, manifesté notre opposition de fond au contenu de ce projet de loi.
Au demeurant, toujours sur la forme, notons que le projet de loi initial comportait 27 articles, que le texte issu des travaux du Sénat en comptait 70 et le texte modifié par l’Assemblée nationale, qui nous revient, 139 articles ! Même avec les ajustements opérés par la commission mixte paritaire, le texte du projet de loi aura donc, en cinq mois, quasiment quintuplé de volume !
Cette enflure du contenu du projet de loi trouve sa source dans l’évidente impréparation du texte, son caractère incertain que nous avions déjà dénoncé au mois d’octobre dernier. Pourtant, il s’agissait déjà, nous dit-on, de la cinquième ou sixième mouture du texte.
J’en veux pour preuve le fait que le Gouvernement ait déposé seize amendements en première lecture au Sénat, vingt-trois lors de la lecture à l’Assemblée nationale, dans la plupart des cas pour procéder à l’insertion d’un nouvel article. Aujourd’hui encore, nous examinons pour le moins cinq amendements du Gouvernement,...
M. Charles Revet. C’est pour la bonne cause !
Mme Odette Terrade. ...alors même que, grâce à la bienveillance de notre président de séance, nous disposons du texte de la commission mixte paritaire en séance publique.
Ainsi, dans le débat mené au Palais Bourbon, vous avez déposé dix-sept amendements et sous-amendements conduisant à introduire des dispositions ne figurant pas dans le texte initial du projet de loi.
Bien entendu, comme il est d’usage en pareil cas, vous avez également demandé aux commissions saisies au fond comme aux commissions saisies pour avis de proposer à l’adoption d’autres dispositions ne figurant pas en tant que telles dans le texte initial.
Ainsi, 80 % des 180 amendements du rapporteur de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale ont été retenus, et ils présentaient souvent la caractéristique d’abriter une proposition ministérielle.
Au moment où le débat se porte aussi sur l’exercice du droit d’amendement parlementaire, cette donnée doit être soulignée. Dans le même temps, seuls 8 des 127 amendements déposés par mes collègues de l’Assemblée nationale ont été retenus. Nos collègues du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, avec 36 amendements adoptés sur 235 déposés, ne sont guère mieux lotis.
Il faut dire qu’ici même, en octobre, seule une trentaine d’amendements déposés par les groupes de l’opposition sénatoriale avaient été pris en compte.
Voici les faits : le débat au Sénat a été marqué par le dépôt de 681 amendements, celui de l’Assemblée nationale par le dépôt de plus d’un millier, et la commission mixte paritaire, pour faire bonne mesure, devait encore en examiner 174 avant-hier.
Cela n’a nullement empêché, comme je l’ai dit, que soient intégrés en priorité les amendements du Gouvernement, au point d’ajouter de nombreuses dispositions nouvelles au texte initial, et ceux des commissions permanentes, souvent porteuses de dispositions que les rédacteurs du projet de loi avaient oubliées, plus ou moins consciemment, d’introduire.
Cette manière de faire n’est pas respectueuse des droits du Parlement. Elle conduit à dissimuler jusqu’au dernier moment des mesures dont la portée est parfois significative. Elle permet aussi de s’abstraire - faut-il le souligner ? - de l’appréciation critique du Conseil d’État sur bien des points.
Elle instrumentalise les commissions permanentes qui deviennent les troupes auxiliaires du Gouvernement pour porter les propositions sujettes à caution et elle réduit l’initiative parlementaire à sa plus simple expression.
La preuve en est que seule une vingtaine d’amendements déposés par les parlementaires et les groupes de la majorité sénatoriale ont été adoptés.
M. Dominique Braye, rapporteur. Le rapporteur est autonome ! Il n’est pas un soldat du Gouvernement, madame Terrade !
Mme Odette Terrade. J’ose l’espérer, monsieur le rapporteur, mais nous sommes inquiets pour l’avenir.
M. Dominique Braye, rapporteur. Vous venez de dire le contraire !
Mme Odette Terrade. Voilà qui préjuge étrangement les nouvelles modalités de discussion des projets de loi et qui montre, en tout état de cause, que les présupposés idéologiques, les détournements de procédure et le refus de prendre en compte la diversité des approches l’emportent dans tous les cas sur la volonté de contribuer à faire de la loi l’expression pleine et entière de l’intérêt général. La question se pose pleinement pour ce projet de loi à l’intitulé en apparence séduisant.
Il est vrai que, depuis le mois d’octobre, la mobilisation pour le logement a gagné une certaine ampleur et une certaine urgence.
Plusieurs sans domicile fixe sont morts dès le début de l’hiver, directement frappés par la vague de froid qui a touché notre pays fin décembre.
Votre texte, madame la ministre - alors même que vous peiniez à nous expliquer comment faire plus avec moins de crédits budgétaires -, prenait lui aussi un sacré coup de froid ! Vous n’étiez plus là lors de la discussion du collectif budgétaire de la fin de l’année 2008, pour consacrer la réduction de 120 millions d’euros de crédits de la rénovation urbaine !
Selon l’exposé des motifs de ce collectif budgétaire, il s’agissait de « l’ajustement de la subvention versée à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine à hauteur de 105,3 millions d’euros, pour tenir compte de la trésorerie disponible de l’établissement et d’une révision à la baisse des besoins de paiement sur les grands projets de ville, 14,7 millions d’euros. »
Pour le coup, rappelons que 120 millions d’euros annulés venaient en déduction des 227,3 millions d’euros de crédits de paiement prévus par la loi de finances initiale.
Les habitants des quartiers sensibles peuvent toujours attendre la réfection de leurs ascenseurs, la rénovation des parties communes, la résidentialisation de leur cité ou la construction de nouveaux logements sociaux remplaçant les logements précédemment démolis. L’intérêt général devait commander que l’État mette de côté 120 millions d’euros !
Quelle est cette fameuse situation de trésorerie de l’ANRU qui lui permet de supporter sans broncher un tel manquement de l’État à ses propres engagements ? Celle qui vient de la non-utilisation des ressources disponibles pour réhabiliter, rénover, reconstruire, redonner du sens au droit à la ville ? Où est passé le « plan Marshall » des banlieues ?
Le mois de décembre fut difficile, puisque vous aviez accepté de payer un lourd tribut à la régulation budgétaire, un tribut porté et imposé, in fine, aux plus modestes !
Le mois de janvier fut-il plus heureux ? Il fallait faire quelque chose, parce que la loi instituant le droit au logement opposable commençait à montrer ses limites et à motiver un développement des recours intentés, à juste titre, par les demandeurs à l’État.
Quand, à Paris ou dans les départements de la petite couronne, 1 % des demandes au titre du droit au logement opposable sont prises en compte, il faut effectivement changer de braquet !
Alors, au fil du plan de relance de l’économie, se décidaient quelques mesures pour le logement. Et le fait est que 1 157 millions d’euros de nouvelles autorisations d’engagement sont inscrits.
Lorsque l’on passe au stade des crédits de paiement, il ne s’agit plus que de 760 millions d’euros pour l’année 2009, un montant qui avoisine 5 milliards de nos vieux francs. Et voici, notamment, que l’on retrouve sur le budget de la rénovation urbaine 200 millions d’euros.
Je ne résiste pas, là encore, au plaisir de vous lire l’exposé des motifs du collectif de janvier : « Le programme national de rénovation urbaine, PNRU, dont la mise en œuvre est assurée, depuis 2003, par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU, vise à rénover, dans un objectif de mixité sociale et de développement durable, certains quartiers prioritaires de la politique de la ville. Une enveloppe de 12 milliards d’euros y est consacrée, permettant la réalisation de plus de 40 milliards d’euros de travaux.
« Un financement complémentaire de 350 millions d’euros en autorisations d’engagement et 200 millions d’euros en crédits de paiement sera mobilisé dans le cadre du plan de relance. Il permettra l’abondement des subventions accordées aux projets gelés pour des raisons financières, notamment en raison de l’augmentation du coût réel des travaux. Le montant total de travaux correspondant à cette enveloppe exceptionnelle est estimé à 1,15 milliards d’euros. [...]
« Les projets financés par cette enveloppe exceptionnelle devront être exemplaires en termes de qualité urbaine et environnementale et faciliter la mixité sociale, à la fois d’un point de vue géographique et au sein des immeubles reconstruits en favorisant l’accession sociale à la propriété. Leur éligibilité au financement complémentaire sera subordonnée à la capacité de lancer effectivement les travaux en 2009. »
Mes chers collègues, encore un effort, et on va mettre en œuvre une éco-conditionnalité des aides à la rénovation urbaine, même s’il peut se comprendre que l’on cherche à rénover pour que les locataires occupants dépensent moins en chauffage, et l’on trouvera de bonnes raisons de ne pas accorder de financements de l’ANRU à certaines opérations en cours !
Seulement, comme je l’ai dit, - je ne sais pas d’où vient ce paradoxe -, cet exposé des motifs contient un élément important. On nous dit en janvier : « Un financement complémentaire de 350 millions d’euros en autorisations d’engagement et 200 millions d’euros en crédits de paiement sera mobilisé dans le cadre du plan de relance. Il permettra l’abondement des subventions accordées aux projets gelés pour des raisons financières, notamment en raison de l’augmentation du coût réel des travaux. Le montant total de travaux correspondant à cette enveloppe exceptionnelle est estimé à 1,15 milliard d’euros. »
Autrement dit, en décembre, l’ANRU pouvait supporter de voir l’État se libérer de ses engagements parce que la trésorerie disponible était telle que rien n’était indispensable, de ce point de vue, pour faire face aux opérations en cours et, en janvier, des projets étaient gelés faute qu’ait été pris en compte l’accroissement du coût des mêmes opérations ! Il fallait y penser en décembre, si la situation était si grave que cela !
Pour le dire très clairement, comme ce n’est pas la première fois que des crédits de la rénovation urbaine sont soumis à ce genre de tour de passe-passe budgétaire, cela fait sans doute plusieurs années que l’action de l’ANRU est ainsi mise en question !
Le retard que le rapport annuel de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, l’ONZUS, souligne dans la mise en œuvre de la politique de rénovation urbaine ne fait que croître et embellir, et l’exercice de rattrapage que vous avez tenté en janvier dernier ne doit pas faire illusion.
La seule logique qui anime le Gouvernement en matière de logement, c’est de ne pas répondre aux attentes de la population, tout en développant toujours plus une politique de l’offre qui a pourtant fait la démonstration de son inadéquation à la demande !
Au demeurant, le collectif de décembre qui taillait dans le vif les crédits de la rénovation urbaine comportait également un nouveau dispositif d’incitation à l’investissement immobilier privé, un de plus après les désastreux « Robien recentré » et « Borloo », qui ont consommé disponibilités foncières et liquidités pour construire des logements souvent vacants et dont la location conduit à l’élévation du niveau des loyers de voisinage et des prix de l’immobilier.
Vous allez me rétorquer, madame la ministre, que mes propos ne concernent pas le texte et m’inviter à le relire, afin de ne plus douter des intentions du Gouvernement en matière de lutte contre le mal logement.
Hélas, mille fois hélas, nous sommes au contraire au cœur du sujet !
À quoi sert l’article 1er, qui annonce la passation de conventions d’utilité sociale par les bailleurs sociaux, sinon à les contraindre à mener une politique patrimoniale différenciée, liant qualité des prestations et niveaux de loyers, organisant une certaine forme de ségrégation et s’accompagnant d’une logique de cession de logements devenue quasi obligatoire pour se financer ?
À quoi sert l’article 2, sinon à contraindre les organismes d’HLM à contribuer sur leurs ressources, celles des locataires sollicitées au travers des loyers, au désengagement financier de l’État dont les mêmes locataires, en qualité de contribuables cette fois-ci, vont payer les conséquences ?
À quoi sert l’article 3, qui rackette les organismes collecteurs de l’ex- 1 % logement, devenu la caisse dans laquelle l’État vient puiser les moyens d’un désengagement complémentaire ?
À quoi sert l’article 4, sinon à faire supporter au secteur HLM le poids de l’échec des politiques d’incitation au développement de l’offre locative privée, puisque les bailleurs sociaux pourront acquérir, quasiment sur plans, les logements que les promoteurs n’arrivent pas à vendre ?
À quoi sert l’article 20, dans sa philosophie générale ? Même si nous relevons que les conditions d’application de l’article ont été modifiées au fil de la discussion parlementaire, cet article est toujours aussi discriminatoire et honteux. C’est un article d’aveu, l’aveu d’un gouvernement qui n’a peut-être pas les capacités financières, mais certainement pas la volonté politique, de mener une ambitieuse politique de construction de logements sociaux.
Ainsi, on soumet à la vindicte populaire de commodes boucs émissaires : les logements sociaux de type HLM seraient occupés par des ménages qui ont des ressources leur permettant d’aller vivre ailleurs et il conviendrait donc de les faire « décamper » au plus tôt pour laisser la place à tous ceux qui ont droit au logement social !
Les chiffres les plus fantaisistes ont circulé sur le nombre de locataires susceptibles soit de remettre à disposition un logement défini comme sous-occupé, soit de vider les lieux de par une situation de ressources exceptionnellement favorable !
Mes chers collègues, allez donc expliquer à un couple de jeunes salariés de province ou de jeunes fonctionnaires sans enfant vivant à Paris ou en Île-de-France qu’ils sont trop « riches » au regard des critères d’attribution de logements ! Et laissez-les aux prises avec les emprunts immobiliers que les banques leur refusent et les loyers du secteur privé qui consomment le quart, parfois le tiers, quand ce n’est pas plus, de leurs ressources.
En première lecture, notre collègue Jean-Pierre Fourcade, qui connaît d’expérience l’état du marché immobilier, notamment dans les Hauts-de-Seine, avait pointé le risque qu’un nombre croissant de ménages moyens ne se voient privés du droit au logement social, tout en n’étant pas en mesure d’occuper un logement dans le secteur locatif dit « libre » sans risques financiers sérieux.
M. Dominique Braye, rapporteur. Vous défendez les riches ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Odette Terrade. Vous parlez des « riches » vivant en HLM avec 9 000 euros par mois ? Je crois que vous avez une vision quelque peu faussée des populations habitant en logement social ... En revanche, quand il s’agit de défendre les vrais riches, là, on peut compter sur vous !
Mme Isabelle Debré. Il n’y a pas que des riches dans les Hauts-de-Seine !
Mme Odette Terrade. Justement ! C’est bien ce qui avait été pointé par M. Jean-Pierre Fourcade. (Mme Isabelle Debré acquiesce.) Et la situation sera encore pire si l’article 20 est adopté en l’état.
D’ailleurs, l’article 21, qui concerne l’abaissement des plafonds de loyers, consacre une telle logique.
Sous prétexte de « lutter contre l’exclusion », ce texte, via ses articles 20 et 21, crée en réalité une nouvelle exclusion qui frappera des couches salariées moyennes, sans résoudre pour autant les problèmes de logement.
Mme Christine Boutin, ministre. Ce n’est pas possible d’entendre cela !
Mme Odette Terrade. Derrière toutes ces mesures, il y a une volonté de libérer des dizaines de milliers de logements sociaux en faisant partir leurs occupants pour éviter d’avoir besoin d’en construire de nouveaux.
Je vous rassure, madame la ministre, le plan de relance mis en œuvre par le Gouvernement commencera par réduire le nombre de logements sociaux disponibles.
En effet, la Caisse des dépôts et consignations, fidèle à sa tradition de « bras séculier » de l’État, participera au fonds stratégique d’investissement, le FSI. Comme elle avait besoin d’argent frais - à hauteur de 3 milliards d’euros, c’est-à-dire presque rien... - pour apporter son écot au FSI, elle a trouvé une solution pour le moins inattendue, qui jette comme un voile étrange sur ce projet de loi : après en avoir déconventionné certains, elle vendra 35 000 logements sociaux appartenant à sa filiale immobilière, ICADE, et aux sociétés civiles qui découlent de cette dernière !
Mme Christine Boutin, ministre. Il ne faut pas tout mélanger !
Mme Odette Terrade. J’ignore quelles seront les conséquences pour les ensembles locatifs concernés par cette opération de grande envergure, qui est destinée à utiliser l’argent du logement social au profit des aventures capitalistiques. En effet, c’est bien à cela que le FSI servira ! Avouez que les faits sont déjà là.
Avec cette loi, un patrimoine social important sera dissous et un nombre croissant de foyers seront exclus de l’accès au logement.
Madame la ministre, quand quelques spécialistes du droit budgétaire semblent s’indigner de voir 70 % des ménages en situation de demander un logement social, il faut les ramener à la raison !
Nous sommes dans un pays où, grâce aux politiques de déflation du coût du travail et de déperdition du pouvoir d’achat des retraites et des pensions, 50 % des foyers ne paient pas l’impôt sur le revenu. Au demeurant, ce chiffre augmentera peut-être encore après les annonces formulées par le Président de la République hier soir.
Dans ces conditions, le fait que 20 % des 50 % de foyers restants soient éligibles à l’accès au logement social n’a rien de scandaleux. Cela procède même de la logique et de la mixité sociale.
Cantonner le droit d’accès au logement social aux ménages non imposables, par exemple, revient de fait à stigmatiser le logement HLM et la population qui y réside.
Les gens souffrent non pas d’une ségrégation entre ménages très pauvres et ménages modestes ou moyens, mais d’une insuffisance de logements sociaux et de discriminations d’accès au logement privé, discriminations fondées sur les ressources, mais à l’envers !
Aucune réponse acceptable n’est apportée aux véritables questions. Pourquoi, en France, construit-on si peu de logements sociaux en 2009 ? Pourquoi continue-t-on de réaliser des programmes de logements défiscalisés à la rentabilité de plus en plus incertaine ?
Au demeurant, alors que notre pays continue d’être l’une des premières puissances économiques du monde et semblerait, sous certains aspects, mieux résister à la crise que d’autres, comment ne pas interpréter ce projet de loi comme un nouveau recul en matière d’exercice du droit au logement ?
J’en veux pour preuve les dispositions relatives à la grande exclusion du droit au logement, touchant les sans domicile fixe, les sans-abri et les victimes de l’habitat insalubre et indigne.
Passons sur le fait que l’État reporte une partie de la charge du traitement de la question sur l’Agence nationale pour l’habitat et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, qui ont tellement de moyens et de trésorerie pour y faire face, comme nous l’avons vu... Et revenons à l’essentiel. (M. Pierre Hérisson manifeste son impatience.)
Les dispositifs prévus aux articles 23 à 24 quinquies du projet de loi ne visent que quelques objectifs précis.
Premier objectif, assimiler l’hébergement d’urgence au logement, ce qui constitue un recul évident de la législation.
Une procédure de droit au logement opposable, dite « procédure DALO », peut conduire à l’attribution d’une place dans une structure d’hébergement, ce qui éteindra la procédure mise en œuvre par tout demandeur.
Deuxième objectif, après une telle confusion organisée, permettre aux communes ne se conformant pas aux exigences de construction de structures d’accueil de se libérer à moindres frais de leurs obligations, en appréciant le nombre des places disponibles dans le bassin couvert par l’intercommunalité à laquelle elles adhèrent.
En clair, ne nous faisons pas de soucis : quelques communes résidentielles adhérant à une structure intercommunale comprenant d’autres villes plus populaires s’étant déjà conformées à leurs obligations pourront continuer de s’exonérer du moindre effort !
Pour prendre un exemple rapide, les centres d’accueil pour sans-abri, c’est bien pour Vénissieux ou Vaulx-en-Velin, mais, du coup, ces structures deviendront inutiles pour les communes du Mont d’Or !
Et j’en viens au cas spécifique de l’Île-de-France. Dans cette région, la crise du logement, cette lutte antagonique et permanente entre ceux qui cherchent un toit et ceux qui tiennent les clés - les premiers sont nettement plus nombreux -, on sait ce que cela veut dire !
Étrangement, notons tout de même que la région capitale est aussi celle où la proportion des ménages dont les ressources excèdent les plafonds HLM est la plus importante.
Moins les gens ont accès au logement social, plus la situation du logement est tendue. Dans ce cas, les loyers prennent, comme le foncier ou les prix de vente, une teneur spéculative !
Bref, l’Île-de-France est en tête, et de très loin, en matière de mise en œuvre de la procédure DALO.
Et comme le nombre de dossiers DALO est aussi élevé que les possibilités d’y répondre sont faibles, le projet de loi, de manière obligeante, vient autoriser qu’on réponde aux demandes de relogement, et même d’hébergement, en sollicitant, en tant que de besoin, l’ensemble des disponibilités qui existent dans les huit départements de la région.
Demain, avec cette loi, un ménage mal logé à Pantin et dont l’un des membres travaille à Neuilly-sur-Seine pourra, si besoin est, être relogé par exemple à Étampes ou à Provins, toute proposition susceptible de répondre au mieux à l’attente exprimée !
Quel sens donne-t-on au droit au logement opposable dans une telle démarche ?
N’y a-t-il pas, madame la ministre, travestissement, pour ne pas dire perversion, du dispositif qui avait été adopté en janvier 2007, à une époque propice à toutes les promesses électorales ?
Par souci de concision (Marques d’ironie sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP), je n’ai consacré que peu de temps à l’exposé des dispositions du texte qui nous est soumis, au terme de la réunion de la commission mixte paritaire.
Au nom de mon groupe, j’ai indiqué notre refus d’une politique du logement tournant le dos au respect du droit au logement et dans laquelle l’occupation des lieux et la gestion fiscale et financière des biens priment sur la situation des occupants.
D’ailleurs, ce n’est pas une politique du logement. Ce n’est rien d’autre qu’une soumission constante et assumée aux exigences de rentabilité du marché immobilier et aux règles de l’économie de marché même, dans ce qu’elle a de plus barbare et de plus inique.
Le logement n’est pas une marchandise et les luttes multiformes qui se mènent depuis des années sur cette question le montrent chaque fois avec plus d’éclat.
Le jour où la politique du logement menée par ce gouvernement sera à la fois républicaine, en respectant les principes d’égalité et de justice sociale, et sociale, en luttant contre les discriminations dont souffrent les plus vulnérables en la matière, nous voterons peut-être en faveur du texte soumis à notre approbation.
Pour l’heure, ce n’est pas le cas, quand bien même l’urgence appelle à ne plus perdre de temps pour répondre aux besoins sociaux.
Nous voterons contre le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, texte d’un projet de loi dont le titre est manifestement trompeur.