Au terme de deux semaines et neuf nuits de débat, mes remerciements vont d’abord à ceux qui nous ont accompagnés.
Ce texte est effroyable à bien des égards, car la plupart de ses dispositions représentent de véritables régressions pour les salariés, les petits commerçants, les artisans, les consommateurs et tous ceux qui se trouvent dans un rapport de forces défavorable. Libéralisation des conditions générales de vente, opacité des relations commerciales, généralisation des reventes à perte, soldes flottantes, démantèlement des contrôles, absence d’amendes proportionnées à la puissance des groupes, fin de l’équilibre des formes de commerce et atteintes aux brevets comme au droit de la propriété intellectuelle..., cet inventaire dévoile votre logique : vous prétendez que la concurrence libre et non faussée régulera le marché et favorisera le consommateur alors que votre marché s’exerce au profit des multinationales et des banques d’affaires. Vous avez dénoncé les monopoles publics qui servaient l’intérêt général pour installer des monopoles privés qui poursuivent des intérêts financiers. Votre credo repose sur des mythes, mythe du marché libre où les entreprises privées ont les pleins pouvoirs et ne connaissent plus de lois, mythe de l’égalité entre consommateur et grande distribution, entre salarié et grand patron.
Votre politique bannit la gratuité et la solidarité qui font la richesse de la société. Pour l’économiste Bernard Maris, l’économie marchande a accaparé ce qu’elle n’avait pas le droit de s’approprier, l’esprit de gratuité de la recherche et de la solidarité, dont elle tire des profits monétaires et symboliques auxquels elle ne peut prétendre.
La LME s’inscrit dans une logique de mutualisation des pertes et de privatisation des profits. La recherche de la rentabilité financière à tout prix n’épargne aucun domaine. Certes, vous avez été obligé de reculer sur l’archéologie préventive et vous avez abandonné, provisoirement, l’idée de la double coupure publicitaire des films télévisés. Mais c’est l’argent qui guide la main de ceux qui font ces propositions assassines.
Que dire de l’habilitation donnée au Gouvernement pour modifier le code de la propriété intellectuelle alors même que les textes internationaux n’étaient pas tous ratifiés au moment de la présentation du projet de loi ? Avec cette disposition, vous portez atteinte au droit d’auteur. C’est pourquoi nous avons dénoncé cette manière de légiférer en catimini et au dernier moment sans même que les commissions compétentes ne soient informées ! Il y a dans cette façon de faire un véritable mépris pour les auteurs et le législateur.
Vos politiques s’attaquent aux droits les plus fondamentaux des individus. Le droit d’auteur est un droit de civilisation auquel la France est historiquement attachée. Toute remise en cause partielle, limitée à une catégorie de professionnels, comme c’est le cas pour les journalistes dans ce projet de loi, annonce de futures attaques. Vous mettez à mal ceux qui font oeuvre, comme vous niez les droits des travailleurs. En fait, c’est la société dans toutes ses oeuvres qui sort mutilée de ce texte. C’est pourquoi nous ne le voterons pas.