Le changement de statut va avoir pour conséquence directe de soumettre les activités de la Poste et ses personnels à une gestion privée

Modification du statut de La Poste : article 1er

Publié le 4 novembre 2009 à 18:14 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

L’article 1er du projet de loi entend privatiser la Poste. Et le changement de statut de l’établissement public en société anonyme va avoir pour conséquence directe de soumettre les activités de la Poste et ses personnels à une gestion privée.

Pourtant rien dans les textes communautaires ne justifie ce changement de statut : les traités européens n’obligent pas les entreprises à changer de statut en cas d’ouverture des marchés.

Quand à l’argument selon lequel le statut public serait un frein au développement de La Poste, les opérations réalisées démontrent le contraire : Avec ses 102 filiales, l’entreprise a réaliser plusieurs grosses acquisitions (achat Exapaq pour 430 millions d’euros, Orsid pour 19 millions d’euros, partenariat avec la SNCF pour le transport du courrier sur les lignes TGV, elle est également présente en Espagne avec Sueur, en Grèce avec Interatika, en Turquie, au Royaume-Uni,en Afrique du Sud, en Europe de l’ est, en Inde tec), elle a multiplié les partenariats financiers : société générale, Matmut, Crédit municipal de Paris.

Par sa politique de rachat, ses différents partenariats et ses échanges capitalistiques, elle est déjà présente en Europe, en Océanie, en Amérique du Sud, aux Etats-Unis, en Afrique.

Autre argument avancé, pour justifier cette privatisation rampante, La Poste ne disposerait pas de capacités suffisantes d’autofinancement et son endettement ne pourrait augmenter.

Ainsi, on peut lire dans le rapport de M. Ailleret (qui selon dès la page 2 précise que le rapport n’engage que lui) que La Poste doit mobiliser « des fonds propres nécessaires à son ambition ».

Le niveau des capitaux propres de La Poste est trop faible et l’endettement est trop élevé. Mais à qui la faute ?
Rappelons simplement que La Poste a du donner deux milliards d’euros et s’endetter de 1,8 milliards à titre de « compensation » pour le financement des retraites des fonctionnaires. Rappelons encore que l’entreprise publique a versé un dividende de 141 millions au titre de l’année 2007. Rappelons enfin que le coût des quatre missions de service public : accessibilité bancaire, service universel, transport/distribution de la presse et aménagement du territoire, pèse près d’un milliard d’euros sur les comptes de La Poste.

M. Bailly avait demandé dans un premier temps que les trois milliards d’euros qui manquent à l’entreprise soient recherchés sur les marchés financiers. Evidemment cette solution a pris du plomb dans l’aile avec la crise financière.

Aujourd’hui, vous nous proposez de faire entrer des personnes morales publiques dans le capital de La Poste (sans jamais nommer la caisse de dépôts et de consignation soit dit en passant). Mais personne n’est dupe ce type d’entreprise se solde immanquablement par la privatisation des opérateurs visés.

L’Etat ne peut pas se désengager financièrement de la prise en charge des missions de service public et arguer ensuite des difficultés financières de La Poste pour lui donner le coup de grâce.

M. Ailleret nous parle d’ambition : La Poste aurait besoin selon lui « de mener une politique active de développement : élargissement de l’offre, acquisition d’une dimension européenne sur les créneaux pertinents, recherche constante de compétitivité ». Quand on connaît les déboires de TNT, ceux de la poste allemande aux Etats-Unis avec le retrait de DHL on aurait plutôt tendance à oublier ce rêve expansionniste des dirigeants de l’entreprise publique.
L’ambition ne devrait-elle pas conduire à trouver des solutions pour moderniser l’entreprise afin d’assurer la qualité du service public, et notamment son accessibilité !

Dans son rapport M. Ailleret nous exhorte à ne pas perdre de temps car il considère que dans le domaine postal en Europe et dans le monde les grandes manœuvres ont débuté.

Donnant lui raison, la privatisation des opérateurs européens est catastrophique : la poste allemande est devenue une poste sans bureau de poste, les 850 bureaux les plus grands sont devenus des agences bancaires et les opérations postales se font dans les supérettes. La cotation de la Deutche Post est médiocre et elle commence à connaître des difficultés à l’international.
Le modèle suédois est qualifié du « moins un tiers » : un tiers d’emploi en moins, un tiers des bureaux fermé. C’est dans ce modèle là que les clients doivent payer pour se voir distribuer leur courrier à domicile.

Si l’article 1er est adopté, ne soyons pas dupes mes chers collègues, il va se passer à La Poste ce qui s’est passé dans le domaines de l’énergie, des transports, des télécommunications et même de la santé, les groupes privés vont profiter des investissements à long terme qui ont été réalisés pour construire et entretenir des réseau, pour promouvoir des savoir-faire. Ces activités qui relèvent du secteur public sont devenues des champs de profits possibles avidement convoités par les groupes privés. Les appétits seraient-ils trop forts pour que les élus défendent l’attachement de nos populations au service public, pour qu’ils protègent avant tout l’intérêt général ?

Odette Terrade

Ancienne sénatrice du Val-de-Marne

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