Le Gouvernement s’est privé des principaux moyens dont il disposait pour contrôler le coût de la construction et le niveau des loyers

Lutte contre le logement vacant

Publié le 17 novembre 2009 à 11:30 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lors des débats sur la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, la ministre de la ville et du logement de l’époque évoquait des objectifs ambitieux : construire plus, faciliter l’accès au logement, lutter contre le mal-logement. Elle justifiait la procédure d’urgence par « la culture du résultat ».

Sept mois après le vote de cette loi, force est de constater que la situation du logement en France est plus que jamais alarmante et que la loi votée, loin d’apporter des réponses adaptées, soulève, au contraire, bon nombre d’inquiétudes.

Considéré comme première préoccupation par nos concitoyens, le logement représente 30 % des dépenses des ménages français, pour un montant global de 282 milliards d’euros en 2006, soit 23 % du produit intérieur brut.

Mais le logement n’est pas seulement une question de pouvoir d’achat. Il est devenu de plus en plus une question d’urgence sociale.

Selon le dernier bilan de la Fondation Abbé-Pierre, plus de 6,7 millions de nos concitoyens, soit 13 % de la population, seraient en situation de fragilité par rapport au logement.

La crise économique et sociale n’a fait qu’accentuer une situation déjà préoccupante. En effet, si la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion a institué le droit au logement opposable – le désormais célèbre « DALO » –, elle ne permet pas de répondre à la diversité des situations de mal-logement et d’exclusion sociale qui n’ont cessé de s’accroître ces dernières années.

Face à cette crise sans précédent, notre pays a besoin d’une politique du logement qui soit ambitieuse et se dote des moyens nécessaires pour que tout individu puisse accéder à ce droit fondamental.

Au lieu de cela, les signes envoyés par le Gouvernement sont loin d’être encourageants. Pour ne citer qu’un exemple, la suppression du ministère du logement et son remplacement par un secrétariat d’État a été un message sans appel quant aux priorités données à l’action publique.

Il faut rappeler également que le budget de la ville et du logement pour 2009 a été des plus restrictifs puisqu’il a enregistré une baisse de 720 millions d’euros, soit plus de 7 % par rapport à 2008.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Non !

Mme Odette Terrade. S’il paraît augmenter, c’est parce que le hold-up opéré sur les fonds du 1 % salarial vous a permis d’atténuer les déficits.

Le budget pour 2010 n’est pas meilleur…

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Il est en augmentation !

Mme Odette Terrade. … puisqu’il prévoit une baisse de 70 millions d’euros de l’aide à la pierre, amputant par là même tout effort en matière de construction de logement social. Cela ne laisse augurer aucune amélioration, alors même que le nombre de logements mis en chantier en 2007 était de 450 000 et que ce chiffre, déjà insuffisant pour répondre à l’urgence, est passé à moins de 300 000 cette année.

D’ailleurs, le Conseil d’État, dans son rapport intitulé Droit au logement, droit du logement, publié le 10 juin 2009, note à cet égard une mutation de la définition du logement, devenu depuis la réforme Barre de 1977 un « bien économique qui s’échange sur un marché ».

On ne peut mieux résumer l’action du Gouvernement en matière de logement, action qui s’est en effet progressivement effacée au profit du marché. Le Gouvernement s’est privé des principaux moyens dont il disposait pour contrôler le coût de la construction et le niveau des loyers.

Outre le désengagement financier de l’État, l’empilement législatif de ces dernières années – sept textes de loi sur le logement en sept ans ! – n’a pas permis de freiner l’aggravation de la situation du logement en France, mais, comme le souligne M. le rapporteur, a placé la politique du logement dans « une instabilité juridique chronique », instabilité peu propice à la mobilisation de l’ensemble des partenaires.

Aujourd’hui, les loyers du privé sont 45 % plus élevés que ceux du parc social, et l’augmentation des loyers n’est plus en corrélation avec une amélioration des conditions de vie.

Il n’est pas étonnant que, dans ce contexte, la mise en place de la loi DALO rencontre un nombre important de difficultés d’application et montre ses limites dans la réalité de la vie quotidienne des victimes de la crise du logement. Les demandes sans réponse ne cessent de s’accumuler, provoquant des situations que l’on peut qualifier d’« urgence installée » !

Pour le seul département du Val-de-Marne, sur 12 000 dossiers déposés, seuls 1 300 ont été déclarés pour l’instant « éligibles », soit environ 10 %. Si le chiffre des dossiers éligibles est si bas, c’est parce que, sur les 12 000 dossiers, seuls 6 000 ont pu être traités ; il en reste donc environ 6 000 en attente depuis plus de six mois, alors même qu’il en arrive à la commission du Val-de-Marne de 600 à 700 par mois et qu’elle n’en traite que de 150 à 160 par semaine.

Actuellement, les accusés de réception, à partir desquels court le délai de six mois pour statuer, sont délivrés quatre mois après la réception des dossiers, soit un temps de réponse de dix mois pour les demandeurs !

Vous le voyez, ce dispositif est très loin de pouvoir répondre efficacement aux énormes besoins qui existent.

La proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste que nous examinons aujourd’hui repose sur « l’idée que pour donner corps à la solidarité nationale pour le logement de tous, nous devons consentir à imposer des mécanismes de régulation innovants et audacieux ».

De l’audace, il en faut effectivement pour s’attaquer à ces phénomènes de spéculation sur l’immobilier !

Par ailleurs, nos collègues du groupe socialiste ont raison de proposer un moratoire sur cette pratique d’un autre âge que sont les expulsions locatives, traumatisantes pour les familles et les enfants. Ils ont également raison de proposer d’augmenter le taux comme l’assiette de la taxe sur les logements vacants en donnant parallèlement plus de pouvoirs aux maires pour l’expropriation de logements vacants depuis de trop nombreuses années.

Monsieur le rapporteur, pour ne pas soutenir ce texte, vous arguez qu’il s’oppose au droit de propriété et qu’il aboutirait à priver les propriétaires de loyers dont ils ont pourtant absolument besoin. Nous pensons, sans amoindrir ce « droit de propriété », que celui-ci doit non s’opposer mais se conjuguer avec celui du droit au logement au moins aussi fondamental.

Il faut être cohérent : cette proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste vise fondamentalement à rendre effectif le droit au logement opposable dont vous vous êtes faits vous-mêmes, mes chers collègues, les fervents défenseurs.

Cette proposition de loi est une boîte à idées permettant d’aller au-delà des belles déclarations d’intention, qui, sans moyens, restent aujourd’hui lettre morte.

Les sénateurs du groupe CRC-SPG avaient déposé une proposition de loi tendant à favoriser la prévention des expulsions locatives, qui contenait déjà plusieurs propositions allant dans le même sens.

Face aux situations dramatiques vécues par tous ceux qui sont en attente d’un logement, parfois depuis de nombreuses années, il paraît nécessaire de développer rapidement un véritable contre-projet à la politique menée par le Gouvernement.

Pour notre part, nous sommes favorables à la création d’un grand service public du logement décentralisé soutenu par un engagement financier de l’État, qui représenterait 2 % du PIB. Nous prônons également le lancement d’un grand plan national de construction de logements sociaux soutenu par une politique volontaire en matière d’aide à la pierre.

Mes chers collègues, nous ne pouvons que constater qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour que le droit au logement soit une réalité pour tous, partout. En attendant, notre groupe votera la proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste.

Odette Terrade

Ancienne sénatrice du Val-de-Marne

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