Monsieur le Président,
Monsieur la Ministre,
Mes chers Collègues,
Nous engageons aujourd’hui la seconde lecture du projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques, avec l’espoir que ce texte soit adopté définitivement avant la fin de l’année, compte tenu de l’importance qu’il revêt, notamment pour les agences de l’eau et pour les collectivités qui doivent préparer l’avenir.
Le texte doit d’abord aller rapidement au bout de la navette parlementaire pour la raison, que chacun connaît, à savoir le retard pris par notre pays dans la transmission des directives européennes, comme l’a bien expliqué notre collègue Fabienne Keller dans son rapport intitulé « les enjeux budgétaires liés au droit de l’environnement » qui précise les sanctions et les pénalités que nous devrions subir, a fortiori si nous tardons à nous mettre en règle.
Dans l’état actuel du projet, de nombreuses questions méritent encore débat eu égard aux enjeux, aux conflits et à la situation d’aujourd’hui concernant les problèmes de l’eau.
En effet, de nombreuses voix s’élèvent pour souligner une nouvelle fois les limites de ce projet de loi, limites largement commentées par de nombreux acteurs de la protection de l’environnement parmi lesquels, à titre d’exemple je citerai les associations regroupées dans le réseau France Nature Environnement et les pêcheurs.
Les élus locaux, nous le verrons, ne sont pas plus satisfaits des orientations qui se dessinent au vu des deux lectures d’ores et déjà effectuées.
Par ailleurs, les problèmes de l’eau dans notre pays s’accentuent ; les enquêtes, les rapports parlementaires, que personne ne conteste, montrent combien la situation est préoccupante.
En outre, nous connaissons l’objectif de la directive cadre de parvenir à un bon état des eaux en 2015.
Ce projet de loi prétend proposer une démarche pour nous amener à ce bon état, à travers des mesures multiples, traitant des nombreux sujets autour de la qualité de l’eau, de la gestion de la ressource et de la gouvernance dans laquelle j’inclus les financements.
La question que nous devons nous poser est la suivante : « le projet de loi permet-il de répondre à ces objectifs ? Permet-il de résoudre les difficultés ?
Ne nous y trompons pas : c’est un sujet très vaste et très complexe mais ce n’est pas un sujet technique, ni même une question de gestion : en réalité, c’este un texte éminemment politique.
Si nous regardons les choses d’un peu plus près, que constatons nous ?
Tout d’abord, nous retrouvons dans ce projet, comme dans tous les textes examinés depuis 2002, les mêmes orientations. A savoir et, plus précisément, tout en veillant à la transposition des directives afin d’éviter les pénalités :
- ce texte assure le désengagement de l’Etat en transférant la mise en œuvre de la loi vers les collectivités locales et les agences de l’eau,
- Il reporte la dépense sur le consommateur-payeur, ce qui permet de réduire la dette publique et donc de satisfaire aux critères du pacte de stabilité,
- Il applique aussi la règle de la concurrence en ouvrant encore plus les portes des services de l’eau et de l’assainissement au privé.
Cette marchandisation va de pair avec une grande sollicitude pour les acteurs économiques impliqués dans le domaine de l’eau, qu’il s’agisse des producteurs d’énergie hydroélectrique ou des prestations de service.
Enfin, ce texte n’applique le principe pollueur-payeur que de manière totalement inéquitable, en faisant payer la pollution de façon disproportionnée aux particuliers, refusant de pose le problème de la pollution de l’eau à la source et donc d’impliquer davantage le milieu agricole.
D’ailleurs, nous ne pouvons que regretter que ce projet de loi soit marqué par la pression de certains intérêts, notamment au travers des amendement qui ont pu être adoptés, comme de ceux qui sont encore présentés à l’occasion de cette nouvelle lecture.
Après nous être demandé quels étaient les objectifs sous-jacents dans le texte, interrogeons-nous sur la méthode.
Force st de constater qu’elle est marquée par une démarche curative et non préventive :
- à la pénurie d’eau, il est répondu par le développement des retenues,
- à la question des pointes de consommation en énergie par un développement de la production hydroélectrique ?
- à la pollution des eaux, il est répondu par des normes toujours plus contraignantes et des techniques de dépollution toujours plus sophistiquées et coûteuses, renforçant ainsi l’emprise des entreprises et le coût des traitements pour obtenir une eau dépolluée. L’on choisit de produire de l’eau purifiée plutôt que de fournir une eau presque pure à la source.
Je souhaiterais maintenant parler de l’eau en terme de responsabilité.
Le gouvernement est garant devant l’Union européenne de la mise en application de la directive cadre. Il est par ailleurs responsable de la sécurité des citoyens et de leur santé. Mais il est aussi responsable de la politique de la France en Europe et dans le monde. Il a donc le devoir de défendre le droit à l’eau pour tous.
Les agriculteurs eux, sont au cœur de la question de l’eau.
Nous ne pouvons pas atteindre le bon état écologique des eaux sans une implication forte du milieu agricole.
Les agriculteurs sont les premiers utilisateurs à la fois de la ressource et des produits polluants. Les mesures environnementales de la PAC si elles sont positives et constituent un premier pas, ne suffisent pas à résoudre la question.
Mais faut-il incriminer les seuls agriculteurs, alors que la politique agricole commune favorise l’intensification des productions et la monoculture ?
Comment s’y retrouver dans ces conditions ?
Les agriculteurs ne peuvent pas décréter seuls de remettre en cause notre système de production et de consommation.
Dans une économie de marché mondialisée, la course au rendement, la productivité sont malheureusement la règle.
En tout état de cause et pour conclure, rien ne peut se faire sans eux, encore moins contre eux.
Notre responsabilité collective est de rechercher une démarche et des solutions qui auront un réel impact sur l’amélioration de la qualité de l’eau et le partage de la ressource.
Notre groupe, en seconde lecture, n’a pas souhaité reprendre l’ensemble des propositions faites en première lecture, sachant qu’après un rejet au Sénat puis à l’Assemblée nationale, nos amendements n’avaient aucune chance d’être retenus.
Les propositions que nous défendons sont donc celles qui nous tiennent le plus à cœur.
Tout d’abord, sur la première partie du texte, nous nous sommes préoccupés de la préservation des milieux aquatiques, considérant que c’était une priorité.
Ensuite, nous avons été particulièrement sensibles aux arguments des élus locaux qui nous ont sollicité pour travailler sur les questions d’assainissement et de compétence.
Les nombreuses propositions d’amendements venues de tous les coins de France nous indiquent que cette question est très importante pour les élus.
Nous défendrons l’idée d’un service public au service de la population et de l’environnement contre une privatisation poussée à l’excès.
Nous reviendrons bien entendu sur la tarification de l’eau, le droit à l’eau et la solidarité nécessaire avec nos concitoyens les plus fragiles.
Nous poserons enfin à nouveau la question de redevances, de leur calcul et de leur utilisation.
Pour conclure, je souhaite rappeler cette phrase de l’article 6 de la déclaration des droits de l’Homme : « La loi est l’expression de la volonté générale ». Je formerai le vœu que ce texte soit l’expression de la volonté générale plutôt que l’addition d’intérêts particuliers et, je terminerai par l’article 6 de la charte de l’environnement : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elle concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social. »
Puissions nous et ce sera mon dernier vœu, concilier les trois piliers du développement durable sans privilégier systématiquement l’un par rapport aux deux autres.