Diverses mesures d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement

Publié le 18 octobre 2005 à 11:54 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le Président,
Madame la ministre,
Mes chers collègues,

Dans un rapport publié il y a un peu plus d’un an , la Commission européenne relevait de graves insuffisances dans la mise en œuvre du droit communautaire en matière d’environnement.

Cette étude montrait à l’évidence que les États membres avaient pris du retard dans la transposition des directives : à la fin de 2003, transpositions inexistantes, tardives, incomplètes. Les transpositions ne respectant pas, par exemple, les délais pour la présentation de certains plans, la soumission de données ou la désignation de zones protégées étaient nombreuses.
Ce bilan démontre, s’il en était besoin, le peu d’importance accordée aux questions environnementales, dans notre pays comme dans d’autres.

Concernant la France, il suffit de lire certaines interventions à l’assemblée nationale pour mesurer l’état d’esprit qui prévaut et le fossé qui sépare la réflexion de certains parlementaires des enjeux fondamentaux auxquels nous sommes confrontés.

C’est pourquoi madame la Ministre, nous ne pouvons qu’approuver l’initiative du gouvernement visant à permettre à la France de se conformer à ses obligations communautaires en transposant des directives déjà anciennes.
Notons simplement que nous semblons plus pressés de transposer les directives du 2ème paquet ferroviaire que celles concernant l’environnement, nous le verrons tout à l’heure.

Dernièrement le Conseil européen de Bruxelles adoptait une déclaration dans laquelle il rappelait les objectifs clés du développement durable, à savoir, je cite : « la protection de l’environnement, l’équité sociale et la cohésion, la prospérité économique et la nécessité pour l’UE d’assumer ses responsabilités internationales ».
Cette déclaration mérite toute notre attention au moment où les questions concernant l’énergie, le climat, les modes de transports, la biodiversité, j’en passe, deviennent si prégnantes.

Après ce préambule, quelques remarques concernant le texte du projet de loi, en espérant Madame la Ministre, qu’elles soient prises en compte, bien que nous soyons sans illusion : l’absence d’amendement de la commission nous laisse présager un vote conforme.

L’article 1er concerne l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.
Nous tenons à rappeler ici l’importance des procédures d’étude d’impact et d’enquête publique qui permettent d’avoir accès à un certain nombre d’informations avant la réalisation de projets susceptibles d’affecter l’environnement. Elles permettent notamment aux particuliers et aux associations qui mènent leur action dans ce domaine, de mieux jouer pleinement leur rôle et d’étayer leurs arguments par une meilleure connaissance des dossiers. C’est pourquoi il était important de corriger le dispositif actuel source d’insécurité juridique et non pas simplement au motif que ces carences pourraient constituer des motif d’annulation des projets de collectivité locales, même si cet aspect n’est pas anodin.

Nous sommes d’accord pour dire qu’il est important de trouver un équilibre entre la consultation effective du public et des autorités compétentes en matière d’environnement et l’efficacité des procédures. Ainsi, le premier paragraphe de l’article premier ne nous pose pas de problème.

En revanche, le deuxième paragraphe qui renvoie à un décret le soin de déterminer les conditions dans lesquelles l’avis de l’autorité administrative compétente en matière d’environnement sur l’étude d’impact est mis à disposition du public, soulève quelques interrogations. Il serait en effet intéressant que le contenu de cette étude puisse être connu avant décision.
Nous espérons, Madame la Ministre, que des précisions pourront nous être fournies sur les modalités de publicité au cours de la discussion des articles.

L’article 2 crée un chapitre, dans le code de l’environnement, intitulé droit d’accès à l’information relative à l’environnement. En effet, la cour de justice des communautés européennes a jugé avec raison que les dispositions de la loi du 17 juillet 1978, portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public, ne transposaient qu’imparfaitement les règles communautaires édictées en matière d’accès du public à l’information environnementale. Nous constatons avec satisfaction que les faiblesses de notre législation ont été corrigées.

Nous nous réjouissons notamment de trouver, dans la liste des établissements soumis à l’obligation de communiquer les informations, les entreprises privées bénéficiant d’une délégation de service public.

Nous notons également que le projet de loi va parfois plus loin que les exigences communautaires. Il en est ainsi de la disposition prévoyant que la personne qui demande un document en cours d’élaboration doit être informée de l’état d’avancement de la procédure d’élaboration du document demandé. Cette mesure renforce la transparence du déroulement des procédures.

L’article 6 relatif au contrôle des produits chimiques a pour objet de substituer la référence au règlement (CE) du 28 janvier 2003 à la référence du règlement du 23 juillet 1992. Ces règlements concernent les exportations et importations de produits chimiques dangereux. L’article 6 en lui-même ne soulève pas de difficulté.

En revanche, nous tenons ici à rappeler l’importance d’une réglementation effective pour les produits chimiques fabriqués, importés, exportés et consommés en Europe. C’est dans ce sens que, dès 2001, les grandes lignes du programme REACH ont été tracées dans le livre blanc de la Commission.
Ce dispositif, qui devrait être voté devant le Parlement européen en session plénière le 15 novembre prochain, constitue une avancée certaine dans ce domaine dans la mesure où il propose une législation européenne pour l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des produits chimiques, sous le contrôle de l’agence européenne des produits chimiques.

Le respect de l’environnement à un coût financier important ; ainsi les industriels ont mis en avant devant la Commission européenne les coûts économiques auxquels ils devront faire face pour respecter cette législation. Cependant, selon la Commission une politique préventive dans ce domaine aurait pour conséquence la réduction des dépenses liées au traitement des divers maux provoqués par l’utilisation de produits chimiques .
Mais par-dessus tout, l’absence de respect de l’environnement a un coût humain.

Les drames provoqués par l’utilisation non contrôlée de substance dangereuses, cancérigènes pour nombreuses d’entre elles, à l’instar de l’amiante, risquent de se reproduire dans l’avenir si une politique effective du contrôle et de l’évaluation de la dangerosité des produits chimiques n’est pas mise en place prochainement.

Je dénonçais ici même, en mars dernier, l’intervention du chef de l’Etat auprès de Bruxelles, en septembre 2003, aux côtés de Tony Blair et Gerhard Schröder, dans le but d’obtenir un assouplissement de la directive concernant le programme européen Reach, au nom de la compétitivité industrielle de l’Europe.
C’est un combat difficile qu’il faut mener face aux lobbyings des industriels, et le gouvernement doit s’investir au nom de la santé publique à l’intérieur de nos frontières mais également au niveau européen et international.

En ce qui concerne une autre forme de pollution cette fois liée au bruit. L’article 7 du projet de loi ratifie l’ordonnance du 12 novembre 2004 prise pour la transposition de la directive de 2002 relative à l’évaluation et à la gestion du bruit. Nous regrettons que le texte du projet de loi initial n’ait pas été maintenu.

En effet, les dispositions relatives aux grands aérodromes civils ont été retirées du projet de loi au motif que cela relèverait du domaine réglementaire. Nous regrettons qu’il en soit ainsi c’est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à faire valider ces dispositions par la loi, ceci dans le souci de la pérennité de la réglementation en la matière. Nous nous expliquerons plus longuement sur nos motivations au moment de la défense de cet amendement.
Cependant dès à présent, nous demandons que les pouvoirs publics s’engagent résolument dans le sens d’une réduction des émissions sonores et que la France rattrape son retard en la matière.

Les échéances de la réalisation de la cartographie stratégique du bruit sont d’ores et déjà inscrites à l’article 7 de ladite directive. Il en est de même, à l’article 8, pour les échéances relatives notamment aux plans d’actions visant à gérer les problèmes de bruit et les effets du bruit, y compris, si nécessaire, la réduction du bruit autour de certains axes routiers et dans les agglomérations les plus importantes.
Il ne s’agirait pas ici de cumuler transposition tardive et violation des obligations secondaires imposées par la directive.

L’article 8 relatif à la transposition complète la directive concernant la mise en décharge des déchets. Cet article soumet à une procédure simplifiée l’exploitation des installations de stockage de déchets inertes.
En effet, un régime d’autorisation est prévu mais dans des conditions moins contraignantes que ce qui existe en matière d’installations classées. Nous avons déjà eu l’occasion de le dire, nous ne sommes pas opposés par principe aux mesures allant dans le sens d’un allègement des procédures.
Cependant nous vous demandons, madame la ministre, d’apporter des garanties sur le contrôle effectif et le suivi de ces installations. Notamment puisque les conditions de renouvellement de l’autorisation sont inconnues. Il s’agit d’éviter que ces décharges ne deviennent le lieu d’abus et que certains produits toxiques y soient illégalement entreposés.

Enfin l’article 9 anticipe un potentiel retard dans la transposition de la directive établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la communauté, au titre du protocole de Kyoto. Tout d’abord, je voudrais exprimer ma désapprobation sur la méthode employée par le gouvernement qui a déposé en dernière minute un amendement devant l’assemblée nationale. Ainsi, je rejoins les critiques formulées par mon collègue et ami le député André Chassaigne. Il a finalement voté contre ce texte pour protester contre ce qui est au mieux une improvisation, au pire une volonté d’éluder les questions quant aux objectifs poursuivis. En effet, ces questions méritaient un véritable débat.

Sur le fond, Les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen se sont opposés dès la loi d’orientation sur l’énergie, à l’idée d’une bourse d’échange des quotas. L’idée de pouvoir acheter un droit à polluer renvoie à des dynamiques bien connues où les plus riches sortent gagnants. L’exemplarité et la vertu pour les plus pauvres et les bénéfices pour les plus riches.
Par ailleurs, il faut à nouveau redire la générosité du gouvernement qui a émis un nombre conséquent de quotas limitant ainsi les efforts des pollueurs.

Enfin, je ne veux pas terminer sans souligner les contradictions entre une politique des transports favorisant la route et la lutte contre l’émission de gaz à effet de serre. Nous demandons que la France pour éviter tous les coûts de réparation qui sont gigantesques, se décide à mettre en œuvre des politiques compatibles avec un développement durable et solidaire.

Évelyne Didier

Ancienne sénatrice de Meurthe-et-Moselle
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