Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,
La saturation des infrastructures routières de la vallée du Rhône a atteint un tel niveau critique qu’elle handicapera nécessairement l’avenir économique de cette région si des solutions alternatives ne sont pas dès aujourd’hui engagées. Le projet Lyon-Turin est en ce sens vital.
Avant d’y revenir, je voudrais obtenir des précisions sur le projet d’infrastructure autoroutière de l’A 51 que le gouvernement semble remettre en débat et qui suscite auprès des populations alentours, de vives oppositions. J’aurais donc besoin d’éclaircissement dans la mesure où tout ceci se décide manifestement en catimini, en revêtant un caractère très confidentiel.
Les études et travaux engagés par le comité de concertation, réunissant autour des services de l’Etat des élus locaux, des associations de défense de l’environnement et des riverains, des représentants du monde économique, comité d’ailleurs suspendu de sa mission par vos bons soins, montrent, chiffres à l’appui, le caractère irréaliste du projet autoroutier à l’est de Gap, du point de vue du surcoût qu’il représente par rapport au trafic journalier de cet axe et aux solutions alternatives, non seulement moins onéreuses, mais aussi plus soucieuses de l’environnement. Ainsi, le tracé Sisteron / Grenoble via Lus La Croix Haute par des aménagements de l’actuel RN75 de type « parcours mixte » est techniquement et économiquement plus viable.
Enfin, la ligne ferroviaire entre Grenoble et Veynes, pourquoi pas incluant le fret, pourrait en toute complémentarité doubler une partie de ce tracé. J’attends donc de votre part des précisions sur ce sujet, car en l’occurrence le gouvernement ne chercherait manifestement pas ici à faire des économies !
Quant au projet Lyon-Turin, le rapport d’audit sur les grandes infrastructures, commandité par le Gouvernement, a eu au moins un immense mérite : faire l’union sacrée des Rhône-alpins autour du Lyon-Turin.
Il révèle également la méthode de gouvernement du Premier Ministre : utiliser le rapport d’un petit groupe d’experts, pour remettre en cause un projet qui a fait l’objet de nombreuses études, de multiples délibérations et concertations notamment auprès des élus !
C’est votre prédécesseur, monsieur le ministre, Jean-Claude Gayssot, qui a initié le rééquilibrage en faveur du fret ferroviaire, ce que remet en cause l’audit, et c’est encore Jean-Claude Gayssot qui a dynamisé le projet Lyon-Turin, que vient une fois de plus freiner le même audit.
Par ailleurs, personne ne nie l’impérieuse nécessité du Lyon-Turin, à laquelle est rattachée, je vous le rappelle, l’électrification du sillon alpin entre Montmélian et Valence. Mais alors où est le problème ? Le problème serait dans le financement du projet.
Son coût global de 8 Milliards d’euros, pour la partie française, est jugé excessif par l’audit. Par comparaison, le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle aura dépassé les 6 Milliards d’euros. Que peut signifier excessif pour un projet de cette ampleur, qui constitue l’un des 14 projets à dimension européenne décidés au Conseil Européen d’Essen en 1994 ?
Comme l’ont déjà dit madame Comparini et monsieur Queyranne, il est indispensable de rééquilibrer l’axe Rhin-Danube pour développer les échanges européens entre l’Europe latine et l’Europe de l’Est. La liaison Lyon-Turin-Ljubljana en est le pivot.
Le financement doit donc intégrer une participation de l’Union européenne à hauteur d’au moins 20%. Et, lors de la réunion de travail du 10 octobre dernier, au Parlement européen à Strasbourg, j’ai pu constater avec mon collègue Guy Fisher, la forte mobilisation des parlementaires pour ce projet.
En complément, un emprunt pourrait être fait auprès de la Banque Européenne d’Investissement, à taux d’intérêt très faible, voire nul, avec un retour d’investissement à très long terme dans la mesure où la Transalpine va engager plusieurs décennies, voire un siècle.
Enfin, il faut une participation importante de l’Etat, à la hauteur des retombées socio-économiques du projet, conforme aux engagements pris lors de l’accord bilatéral de Turin le 29 janvier 2001, et au sommet de Périgueux, le 27 novembre 2001, qui avait fixé un objectif de mise en service du Lyon-Turin en 2012.
A partir de ces engagements, je rappelle qu’un protocole d’accord avait été signé à Lyon, le 19 mars 2002, entre l’Etat et les collectivités territoriales concernées pour le financement de la L.G.V. Lyon-Sillon Alpin et le tunnel sous Chartreuse.
En effet, la complémentarité du transport de voyageurs à grande vitesse et du fret fait la force du Lyon-Turin, et c’est ce que remettrait en cause le gouvernement en reniant ces engagements.
On le voit, le choix qui sera fait pour le projet du Lyon-Turin sera emblématique non seulement de la politique des infrastructures des transports, mais aussi, compte tenu de son importance, d’un choix de société.
L’attentisme, la fragmentation du projet, pour satisfaire aux exigences de rentabilité immédiate et les intérêts privés, c’est le maintien du tout routier, c’est l’asphyxie de toute une région, la saturation à court terme de tous les moyens de transport, la fragilisation de l’environnement, les nuisances aggravées pour les agglomérations.
Le volontarisme en faveur du rail, le développement d’un véritable service public de transports, c’est l’assurance d’un rapide rééquilibrage rail-route, le respect de l’environnement, le support d’un développement économique à long terme, un aménagement du territoire répondant aux aspirations des collectivités territoriales et de leurs populations.
C’est bien entendu dans cette dernière perspective que je me situe, avec mon collègue Guy Fischer et les sénatrices et sénateurs de mon groupe.