Les nuisances sonores font partie de celles que la population estime les plus pénibles et, parmi elles, les nuisances aériennes n’ont rien à envier aux routières.
Le développement du trafic aérien, à Orly et Roissy - avec un doublement prévu d’ici 2015 - mais aussi dans de nombreux aérodromes de province, est tel que les surfaces urbanisées soumises aux nuisances aéroportuaires deviennent de plus en plus vastes.
Dans son rapport d’activité 2002, l’autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires rappelle que 450 000 personnes et 180 000 logements sont touchés.
Elle souligne également qu’entre 1995 et 2001, 12 027 logements ont été insonorisés, pour plus de 75,8 millions d’euros. Pour y faire face, l’ADEME finance du reste au-delà du produit de la taxe versée par l’État…
Cette année, l’insuffisance des moyens s’est traduite par la suppression des réunions des commissions consultatives d’aide aux riverains. Les promesses faites n’ont pas été tenues, l’augmentation de la T.G.A.P. n’a pas été mise en œuvre comme prévu en 2003. Et l’on peut être inquiet pour 2004 : si les recettes ont bien été estimées à 58 millions, elles sont inscrites à l’article 24 de la loi de finances sans affectation. En une période où l’on recherche des fonds pour combler les déficits, comprenez nos appréhensions ! Aujourd’hui, bien des logements, même s’ils ont perdu beaucoup de leur valeur foncière, sont encore habités, ou habitables si les travaux indispensables pour une bonne isolation acoustique sont réalisés. C’est important pour garder une certaine qualité de vie, éviter les squats, les ghettos.
Des membres de commissions consultatives confirment qu’une somme de 15 000 euros au minimum par logement est indispensable pour réduire significativement la nuisance.
Parallèlement, si des familles vivent dans ces lieux, elles ont besoin de services et d’équipements publics de qualité. Comment, par exemple, enseigner dans des établissements non insonorisés ?
Cela suppose des moyens importants que les communes concernées ne possèdent pas toujours car elles ne perçoivent pas obligatoirement la taxe professionnelle liée aux activités aéroportuaires.
Même chose pour d’autres équipements comme les crèches, les haltes garderies, les équipements sportifs ou culturels, les hôpitaux, les maisons de retraites.
La dégradation de la qualité de la vie due aux nuisances sonores permanentes mérite que l’État s’intéresse aux conséquences du développement du trafic aérien, d’autant qu’il envisage de ne pas respecter les engagements précédemment pris avec ces mêmes riverains en Ile-de- France.
Face à ces nuisances, des communes ont dû modifier leurs opérations d’aménagement, ce qui les a entraînées dans d’insupportables déficits. L’Acnusa préconisait que durant dix ans, une part de la taxe d’aéroport soit affectée aux opérations d’insonorisation et elle suggérait la création d’un fonds qui garantirait au riverain l’achat de son logement au prix d’acquisition actualisé. Cela permettrait de tenir compte des périmètres retenus dans les dix plans de gêne sonore qui auraient dû être révisés au 31 décembre 2003.
Ce qui ressort de ces réflexions ainsi que de celles du rapport Gonnot-Favennel c’est qu’il faut se donner des moyens financiers à la hauteur des besoins. Or, aujourd’hui, vous proposez de créer des communautés aéroportuaires sans nouvelles capacités d’intervention.
Vous proposez qu’elles soient créées par délibération du conseil régional et l’article 22 du texte relatif aux responsabilités locales prévoit que la gestion des aérodromes puisse devenir une compétence des conseils régionaux s’ils le souhaitent, sauf les dix plus importants qui resteraient de la compétence de l’État.
Or, cette création de communautés aéroportuaires régionales redonne une « responsabilité » nouvelle aux conseils régionaux dans la gestion de l’impact des aéroports sur leur territoire. Est-ce une façon d’élargir la loi « responsabilités locales » en prévision de la deuxième lecture ? Pourquoi la commission des Lois n’a-t-elle pas été saisie pour avis alors qu’elle était saisie au fond du projet de loi sur les responsabilités locales ?
La lutte contre le bruit ou pour la qualité de l’air fait partie des compétences que les communes membres peuvent transférer à leur E.P.C.I. Pourquoi donc créer un nouvel outil ?
Pourquoi au moment du débat sur les responsabilités locales n’avez-vous pas soulevé ces questions à la réflexion puisque, en plus, vous touchez à une recette non négligeable, les fonds départementaux de péréquation de taxe professionnelle ? Lors des rencontres en région qui, selon vous, préparaient ce texte sur les responsabilités locales, cette question n’a pas été débattue. Sur un texte qui concerne une dizaine d’aéroports, aucun échange n’a eu lieu avec les collectivités territoriales !
Que deviennent, dans ce nouveau cadre, les commissions consultatives d’aide aux riverains ? Vous avez vous-même proposé un amendement ce matin, ce qui montre bien que c’est un texte élaboré dans la précipitation, un texte de circonstance.
Les finances, aussi sont concernées puisque l’article 16 de la loi de finances rectificative pour 2003 proposera de créer une taxe sur les nuisances sonores aériennes pour les aérodromes de Paris-Charles- de-Gaulle, Paris-Orly, Toulouse-Blagnac, Bordeaux- Mérignac, Lyon-St Exupéry, Marseille-Provence, Nantes- Atlantique, Nice-Côte d’Azur et Strasbourg- Entzheim. L’aéroport de Bâle-Mulhouse, cité par le président Gérard Larcher dans son amendement à l’article premier ne serait pas concerné…
Dans l’exposé des motifs de cet article 16, le gouvernement propose que la taxe soit perçue par les services de l’aviation civile et reversée aux exploitants d’aérodrome. L’objectif affirmé est de « confier aux gestionnaires d’aérodromes la gestion du dispositif d’aide aux riverains, afin d’améliorer l’efficacité par une plus grande proximité des différents partenaires.
Or, si cette année les dossiers de demandes d’aide n’ont pas abouti, ce n’est pas que les commissions consultatives n’ont pas fonctionné, ce n’est pas par manque de proximité, ce n’est pas parce que l’ADEME n’est pas capable de gérer, c’est parce que les financements sont restés à 17 millions d’euros, donc très inférieurs aux besoins et aux 55 millions promis.
Pourquoi créer une nouvelle structure de gestion ? Pourquoi l’ADEME ne pourrait-elle pas continuer à gérer cette ressource puisqu’il s’agit d’un problème environnemental ?
Vous introduisez dans ces nouvelles structures « les entreprises bénéficiant de l’activité aéroportuaire » et vous ajoutez « entreprises situées ou non sur l’emprise de l’aéroport ». Dans quel but ? Pour qu’elles bénéficient d’aide à la réduction des nuisances sonores ? Pour qu’elles émargent aux aides à la création d’emplois ?
Ce texte propose des financements qui n’ont pas été soumis à l’avis de la commission des Finances. Ces fonds vienne des sanctions prononcées par l’Acnusa, des ressources des collectivités territoriales, et le cas échéant, de financements inscrits dans la loi de finances. Pour les partenaires ayant pourtant voix délibérative au conseil d’administration des nouvelles structures, seule une contribution volontaire, donc aléatoire, est prévue, si j’en crois Les Échos du 2 décembre.
Au vu de tous ces textes, un renvoi en commission semble indispensable, comme l’a d’ailleurs confirmé la discussion de ce matin.