Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Je suis pour le moins étonnée de la précipitation avec laquelle, notre assemblée est amenée a examiner ce texte de notre collègue Jean-François LEGRAND alors que la Loi de Responsabilités locales, discutée ici même il y a moins d’un mois, et actuellement en navette, excluait expressément, du champs de la décentralisation, ces aéroports « qui avaient vocation à rester de la compétence nationale ».
Pourquoi donc aujourd’hui, un texte particulier et précipité sans prendre le temps de la concertation, avec l’ensemble des parties concernées ?
Certes, face au constat que chacun fait, du besoin, à juste titre d’une véritable coordination des acteurs de la sphère aéroportuaire ; qu’il s’agisse, des collectivités territoriales, des riverains, des entreprises ; ou d’une politique durable et d’envergure de maîtrise des nuisances environnementales, de l’activité économique, de l’emploi, de l’inter modalités des infrastructures de transports, il est important de répondre à ces préoccupations exprimées, pour certaines, depuis de nombreuses années.
Pour autant, est-ce la mise en place d’une nouvelle catégorie d’établissement public à caractère administratif qui suffira à résoudre les atteintes aéroportuaires à l’environnement et à la qualité de vie urbaine et rurale, les difficultés d’accès des riverains aux emplois et aux équipements collectifs, ainsi que l’information des populations !
Nous ne le pensons pas !!!
Comment être confiants, sur les termes de cette proposition de loi, qui
s’articule principalement, sur de nouvelles modalités de financement, des indemnisations des nuisances sonores des aéroports en intégrant les entreprises à parité avec les collectivités territoriales.
Faut-il rappeler que cette aide aux riverains, instituée par la loi du 31 décembre 1992, avait été, dans un premier temps confiée à aéroport de Paris ; mais que devant son peu d’empressement à gérer les dossiers en souffrance, c’est l’A D E M E qui a hérité de cette mission !
Sont concernés 180 000 logements habités par 450 000 personnes vivant dans 3 zones de gêne sonore très forte.
Si aujourd’hui les délais d’attente d’indemnisation sont d’au moins trois ans et que toutes les indemnisations des riverains sont arrêtées ce n’est pas que l’A D E M E a failli à ses missions mais faute de budget !!!
Les crédits d’indemnisation sont en baisse constante depuis bientôt deux ans, moins 12,5% pour le budget 2003 par rapport au budget 2002.
Pour 2003, l’augmentation de 20 millions d’euros, annoncée et indispensable pour traiter les dossiers en attente s’est réduite à 8 millions soit 40%, seulement de ce qu’il aurait fallu ! Alors même que le dernier rapport de l’A C N U S A, chiffre à 1,1 milliard les besoins !
Vous le voyez mes chers collègues, l’état actuel d’indemnisation des riverains est désastreux et extrêmement grave. On comprend pourquoi les plus récentes commissions d’attribution des aides concernées ont purement et simplement été annulées, faute de financement à mettre en face des demandes des riverains !
Pour 2004 : la dotation budgétaire versée à l’A D E M E sur le chapitre « isolation phonique » a été réduite, dans le cadre de la loi de finance, à la consommation des autorisations de programme ouvertes et à l’achèvement des opérations en cours !
En clair, ce n’est plus l’A D E M E qui procédera demain à l’instruction des dossiers. Confier demain de manière directe, la perception et l’utilisation du produit de la future taxe sur les nuisances sonores aérienne T N S A, aux établissements gestionnaires des infrastructures n’est pas nécessairement une garantie d’une utilisation à bonne fin, des sommes prévues pour l’indemnisation des riverains des grands aéroports.
Pas plus d’ailleurs que de confier l’éventuelle gestion de ces fonds aux futures communautés aéroportuaires. Ma collègue et amie Marie-France BEAUFILS y viendra, dans son intervention de « renvoi en commissions ».
***********
La création de communautés aéroportuaires repose donc, sur l’idée de création d’établissements publics administratifs réunissant à parité les entreprises des activités aéroportuaires et les collectivités territoriales.
Mais pourquoi n’avoir pas associé dans ces communautés aéroportuaires, à même hauteur que les entreprises et collectivités territoriales, les riverains, les salariés et les usagers, dont l’avis peut être éclairé et utile, sur l’ensemble des questions environnementales ?
Alors qu’il y a besoin d’un lieu de concertation et de débat, les couloirs aériens de Roissy ont été changés sans concertation avec les riverains.
Les nuisances sonores des appareils, sont des questions souvent évoquées par les syndicats de salariés, qui dénoncent la stratégie des constructeurs aéronautiques qui pour des raisons de coût, ne développent pas des moteurs « propres », moins sonores et moins polluants.
Leur présence, dans ces communautés aéroportuaires pourraient être précieuses. La limitation à un représentant des riverains et un représentant des associations de protection de l’environnement avec seulement voix consultative nous semble par trop frileuse, même si le rapporteur prétend avoir voulu laisser la primauté au politique. Nous notons, que les entreprises, sont, elles, proposées à parité avec les collectivités territoriales !!!
D’autre part, aucune référence n’est faite dans le texte quant au devenir des Commissions Consultatives de l’Environnement (C C E), ni aux Commissions consultatives d’Aide aux riverains (CCAR), toutes deux créées par l’Autorité de Contrôle des Nuisances Sonores Aéroportuaires (ACNUSA), qui sont pourtant aujourd’hui des outils appréciés.
De même, quelles seront les relations de cette nouvelle structure avec Aéroports de Paris gestionnaire des aéroports parisiens ?
Concernant les ressources de la communauté aéroportuaire nous émettons les plus grandes réserves sur la création « d’un fonds spécial de solidarité » alimenté notamment par une contribution volontaire, donc pas obligatoire des entreprises bénéficiant de l’activité aéroportuaire, qu’elles soient ou non situées sur l’emprise de aéroport, à l’exception des compagnies aériennes.
En réalité, on le sait déjà à la lumière de déclarations des entreprises concernées qui réfutent l’idée de mettre la main à la caisse puisque ce n’est pas elles qui « polluent » comme l’a déclaré Monsieur Jean-Claude Lambert, président de l’Association des concessionnaires d’Aéroports de Paris, qui représente 220 boutiques, 170 points de services et 9 hôtels.
Au delà de l’indemnisation des riverains, les autres missions qu’annonce la proposition de loi : de promotions des activités économiques, des activités aéroportuaires par l’encouragement à l’emploi, la mission de communication en direction des riverains... me paraissent une sorte d’habillage.
Ainsi concernant l’emploi, alors que les aéroports parisiens représentent un bassin de 15 000 emplois et 11% du PIB de la Région, la réalité est toute différente, les riverains des quartiers défavorisés, n’ont que peu accès aux emplois des plate formes aéroportuaires, et cela n’est pas simplement affaire de communication.
Des expériences ont été menées en Seine-Saint-Denis qui devaient réserver 20% des emplois proposés à des personnes issues des communes riveraines ; mais l’état des niveaux de qualification se traduit par un chiffre beaucoup plus faible. C’est donc un travail d’aide éducative qui est prioritaire.
D’autre part, on laisse, six mois seulement au Conseil Régional, pour décider de prendre en charge la création de la communauté aéroportuaire, mais cela est-il suffisant, pour se donner les moyens d’une réelle concertation avec les collectivités territoriales, les riverains, les entreprises ?
De plus, quel réel pouvoir cet « organe de gouvernance territoriale » comme le définit le rapporteur, aura-t-il pour choisir les projets éligibles dans les domaines de l’environnement, de l’urbanisme, des transports,
de l’emploi, de l’information. S’il s’agit simplement de se parler y avait-il besoin d’un nouvel espace public administratif ?
Que deviendront les structures de concertations existantes ?
Une telle proposition de loi dans sa forme et l’utilisation de certains contenus, qui peut apparaître à d’aucun, non concernés par le problème, comme une proposition de loi allant dans le sens de la qualité et du progrès environnemental, est en fait, une véritable aberration, car elle prévoit de donner le pouvoir aux entreprises et au Conseil Régional ainsi qu’aux départements concernés, la charge de gérer les conséquences de l’exploitation des aéroports, conséquences qu’ils ne maîtriseront pas, parce que, décidées par l’Etat.
De plus, il nous semble que les arguments de cette proposition de loi colle étrangement aux attentes des compagnies au rabais, dites low-costs, qui pourraient, au travers de cette structure, revendiquer des aides déguisées. Ce qu’elles font déjà, en exigeant des Chambres de Commerce, des contre-parties à la promotion des régions dans lesquelles elles atterrissent.
Devons nous interpréter la mise à parité, des collectivités avec les entreprises, comme un alignement supplémentaire, vers la politique européenne, qui sur le modèle économique ultra-libéral, a pour objectif, le ciel unique européen, c’est à dire, la déréglementation intégrale de toutes activités des services publics aériens, en mettant entre les mains des entreprises la gestion intégrale du secteur d’activité de l’aéroportuaire, avec une distribution des rôles.
Pour le groupe Communiste Républicain et Citoyen, cette proposition de loi, ne répond pas aux objectifs qu’elle semble s’assigner, elle est un pas supplémentaire qui préfigure un désengagement total de l’Etat quant à son rôle de garant de l’aménagement en matière de territoire, des transports et du développement durable. C’est pourquoi, nous refuserons de la voter.