Cette proposition de loi sécurisera les collectivités territoriales et mettra fin à une situation jurisprudentielle qui leur est défavorable

Ouvrages d'art de rétablissement des voies

Publié le 17 janvier 2012 à 10:28 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons été sollicités à maintes reprises par des élus locaux apprenant qu’ils devaient assumer des charges d’entretien ou de renouvellement de ponts ou de tunnels situés sur leur territoire. Or, la plupart du temps, ces élus ignorent les obligations qui leur incombent et, qui plus est, ne disposent pas toujours des ressources suffisantes pour y faire face.

Force est de constater que ces situations deviennent de plus en plus nombreuses. Il est donc grand temps d’y remédier.

Rappelons que l’absence de règles juridiques précises en la matière a conduit le juge administratif à développer une jurisprudence ancienne et constante. Selon cette jurisprudence, les ouvrages d’art de rétablissement des voies appartiennent au domaine public routier des collectivités, car ils assurent la continuité de la voirie gérée par ces dernières.

Les conséquences de cette jurisprudence sont très lourdes pour les collectivités territoriales. En effet, ces dernières doivent assurer la surveillance, l’entretien, la rénovation et l’éventuel renouvellement des ouvrages d’art situés sur leur territoire.

Ces obligations s’imposent aux collectivités alors même que les ouvrages d’art ont été décidés et construits par une autre personne morale que la collectivité, le plus souvent par l’État. Ces ouvrages ne font l’objet d’aucune décision officielle de remise de l’ouvrage à la collectivité. Ces obligations représentent pourtant un enjeu très important pour les collectivités.

Tout d’abord, le poids financier qui résulte de l’application des principes jurisprudentiels n’est pas négligeable. Les charges liées au renouvellement s’élèvent souvent à plusieurs dizaines de milliers d’euros, voire à plusieurs centaines de milliers d’euros.

D’après un courrier qui m’a été adressé par l’Association des maires de France, une commune du Calvados, de 312 habitants, a été sollicitée par Réseau ferré de France pour effectuer des travaux de renouvellement d’un pont situé sur son territoire. Les coûts sont estimés à 61 000 euros TTC, ce qui représente 66 % des dépenses d’équipement annuelles de cette petite commune. Celle-ci s’est évidemment trouvée dans l’impossibilité de faire face à cette charge supplémentaire.

Cet exemple illustre, parmi bien d’autres, les difficultés financières que peuvent rencontrer les collectivités lorsqu’elles sont confrontées à de telles situations.

Par ailleurs, les élus n’ont pas une vision claire de leurs obligations d’entretien et de leurs responsabilités. Souvent, ils se croient dispensés de l’entretien ou de la gestion de ces ouvrages, ce qui est potentiellement lourd de conséquences, notamment en matière pénale, en cas d’accident imputé à cette inaction.

Vous le comprenez bien, mes chers collègues, la situation actuelle n’est pas satisfaisante. C’est pourquoi la proposition de loi déposée par notre collègue Evelyne Didier permet de sécuriser les collectivités territoriales en définissant un principe, clair et général. Selon ce principe, il reviendrait, d’une part, aux collectivités territoriales d’assurer la prise en charge et la gestion des trottoirs, du revêtement routier et des joints qui en garantissent la continuité et, d’autre part, aux gestionnaires de l’infrastructure de transport nouvelle d’assurer la prise en charge de la surveillance, de l’entretien et de la reconstruction de la structure de l’ouvrage, ainsi que de son étanchéité.

Ce principe s’appliquerait aux futurs ouvrages de rétablissement des voies. Son caractère général permettrait d’englober la diversité des situations existantes.

Afin de prendre en compte la particularité de chaque ouvrage d’art, une convention serait signée entre les parties pour définir les conditions pratiques d’application de ce principe général.

La question de la situation des ouvrages d’art existants se pose différemment. L’objectif de la présente proposition de loi n’est pas de remettre en cause les conventions qui ont parfois été signées par le passé. C’est pourquoi ces conventions existantes continueront de s’appliquer. Ce n’est qu’en cas de litige et de dénonciation de ces conventions que le nouveau régime prévu par la présente proposition de loi s’appliquerait.

Il en serait de même s’agissant des situations pour lesquelles aucune convention n’a été signée. En cas de litige, une convention devrait être signée sur la base de ce principe général.

La commission des lois, qui a adopté à l’unanimité la proposition de loi, a précisé certaines dispositions.

Tout d’abord, si aucun délai de signature de la convention n’a été fixé pour les futurs ouvrages d’art, elle a estimé qu’un délai de trois ans, à compter de la saisine du juge, était nécessaire pour signer une convention, dans le cadre des ouvrages d’art déjà existants.

Ensuite, l’application du principe général de répartition des charges et des responsabilités pourrait inciter les gestionnaires des nouvelles infrastructures de transport à réaliser des ouvrages d’art a minima ou au rabais.

Pour protéger nos collectivités contre ce risque, nous avons donc adopté le principe selon lequel les règles de construction des ouvrages d’art seraient définies dès les dossiers préalables aux déclarations d’utilité publique. Ces règles tiendraient compte de l’usage ultérieur de ces ouvrages ainsi que des règles de construction en vigueur.

Enfin, nous avons supprimé le principe d’une compensation financière. La rédaction de cette disposition pouvait conduire à un transfert de compétences de gestion de la voirie entre les collectivités et les gestionnaires des nouvelles infrastructures de transports.

Cette possibilité nous est apparue contraire aux principes mêmes de la décentralisation, selon lesquels les collectivités assument la gestion de leur voirie.

Ainsi, mes chers collègues, cette proposition de loi a pour objet de sécuriser les collectivités territoriales, afin de mettre fin à une situation jurisprudentielle défavorable et dangereuse pour elles. L’édiction d’un principe général et clair devrait permettre de mettre fin à des situations injustes pour les élus locaux.

Christian Favier

Ancien sénateur du Val de marne - Président du Conseil départemental
Contacter par E-mail

Ses autres interventions :

Sur le même sujet :

Institutions, élus et collectivités