Cet article acte très clairement le désengagement de l’Etat de ses missions de service public

Modification du statut de La Poste : article 1er

Publié le 4 novembre 2009 à 18:28 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

L’article premier du projet de loi rendra possible la privatisation de l’exploitant public La Poste. Telle est notre conviction.

Le rapport de la commission explique dans ce sens que la privatisation consiste dans l’intervention de personnes morales de droit privé au sein du capital.
Or, il s’agit là d’une possibilité qui était offerte par ce projet de loi, tel que rédigé initialement par le gouvernement. Ainsi, l’article premier permettait à « des personnes morales appartenant au secteur public » de participer au capital de La Poste.

Ainsi, une société anonyme, personne morale de droit privé pourrait entrer dans le capital de La Poste.

Cela en dit long sur les arrières pensées du gouvernement !
Le projet de loi donne également la possibilité de faire entrer l’actionnariat salarié dans le capital à hauteur de 49,99%. Selon vous, cela ne constituerait pas une privatisation, nous n’avons pas la même lecture.

Cet article acte très clairement le désengagement de l’Etat de ses missions de service public : il renforce la politique déjà engagée de fermeture des bureaux de poste de plein exercice et multiplie le recours aux contractuels.
Le statut de la poste sur le texte est adopté relèvera du droit commun des sociétés. Aucun régime spécifique de cession des actions n’est prévu. Là encore on tombe dans le droit commun, la composition du conseil d’administration va largement déroger à la loi relative à la démocratisation du secteur public.

L’actionnariat salariés, en plus de ses effets pervers sur les revenus des salariés notamment en ces temps de crise, est bien une privatisation, même si elle est partielle du capital de La Poste.
C’est pourquoi, lorsque le ministre nous explique la main sur le cœur que la poste est imprivatisable, nous ne pouvons le croire.
Un service public national, cela se caractérise, mais ne se décrète pas. Or, vous dépecez l’entreprise de ses missions de service public, lui ôtant, avec ce projet de loi, les caractéristiques qui font d’elle un service public national. Nous sommes donc dans le double discours.

Par ailleurs, on peut noter dans le projet de loi queslques reliquats de droit public qi de manière étrange persistent, mais cette fois au détriment des salariés : le président du conseil d’administration est nommé par décret, et les salariés contractuels soumis à l’article 31 de la loi de 1990.
Nous saluons votre prudence, monsieur le rapporteur, puisque vous avez souhaité, malgré les promesses de l’ensemble du gouvernement apporter des garanties afin que le caractère 100 % public du capital de la poste, hors actionnariat salarié, soit mieux inscrit dans la loi.

Nous partageons votre analyse quand vous dites que « la rédaction de l’alinéa 2 a toutefois paru ambiguë et insuffisamment précise » :
D’une part, vous avez considéré que la conjonction « ou » utilisée dans cette phrase semble laisser la porte ouverte à un désengagement de l’Etat, le capital de la Poste pouvant dès lors appartenir exclusivement à des personnes morales du secteur public autres que l’Etat.
Hélàs, le remede proposé, c’est-à-dire la substitution du « ou » par un « et », nous semble inefficace.

Tout d’abord rien n’interdit que l’Etat détienne 0,1% du capital, ce qui revient, vous en conviendrez, à peu près à la même situation que celle que vous souhaitez éviter. Ensuite, le processus de désengagement de l’Etat est largement engagé notamment au travers de la non compensation des charges de service public.

D’autre part, le rapporteur a eu raison de préciser que « seule une personne morale de droit public peut entrer au capital de la poste », rédaction beaucoup plus restrictive que celle de « personne morale appartenant au secteur », cependant cela ne règle pas la question de la libre cession des actions.
Enfin, vous nous expliquez au cours des auditions que les opposants au changement de statut n’était pas en mesure de proposer une autre forme juridique que la société anonyme afin de permettre à la Poste de lever des capitaux sans un nouveau recours à l’endettement ».

Nous vous renvoyons aux propositions annexées au rapport Ailleret :
Maintien de l’établissement public pour financer les missions de service public et création d’un pôle public financier. Je vous indique, Monsieur le Ministre, que ce pôle fait désormais parti de nos propositions d’amendement.

Face aux 30 milliards d’euros d’exonération de cotisations sociales, aux 360 milliard d’euros pour faire face à la crise, aux 26 milliard du plan de relance, comment imaginer que l’Etat ne soit pas en capacité de trouver les moyens juridiques et financiers d’assurer le service public postal.

Mireille Schurch

Ancienne sénatrice de l'Allier

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