Préalablement à tout débat, je souhaiterais remercier nos collègues Biwer et Bricq qui, dans leurs propositions de loi, se sont attachés à faire évoluer un dossier qui touche nombre de nos concitoyens. La première proposition de loi concerne la définition des critères de reconnaissance de l’état de catastrophes naturelles, et la seconde vise à encadrer la procédure de la reconnaissance de l’état de catastrophes naturelles pour permettre une meilleure transparence et une plus grande équité dans le traitement des demandes. Ces propositions nous offraient la possibilité de faire de réels progrès dans ce domaine. Malheureusement, le résultat est décevant. En effet, le texte soumis à discussion aujourd’hui ne permet ni une meilleure définition des critères retenus pour caractériser cet état, ni une amélioration significative de la transparence de la procédure.
Les sénateurs du groupe C.R.C. le regrettent et souhaitent concentrer le débat sur les questions essentielles posées, notamment, par la sécheresse de l’année 2003.
Dès 1992, la conférence de Rio en appelait à la responsabilité internationale pour sauvegarder la planète menacée par la rupture des grands équilibres naturels. (Mme Bricq le confirme.) La communauté scientifique s’accorde aujourd’hui sur une certitude : en cent ans, les températures augmenteront plus vite qu’au cours des dix mille dernières années. Autant dire qu’il faut effectivement nous préparer à vivre d’autres sécheresses comme celle de l’été 2003.
M. COURTEAU. - Vous avez raison !
Mme DIDIER. - L’origine du réchauffement de la planète est bien une conséquence de l’activité humaine, et nous pouvons agir. Si l’on se rappelle, par exemple, que le transport par camion est responsable de 84 % des émissions de gaz à effet de serre en France, l’on comprend mal la politique des transports menée aujourd’hui par le gouvernement français.
M. COURTEAU. - Très bien !
Mme DIDIER. - Développer le fret ferroviaire et le transport combiné, véritables alternatives au « tout routier » apparaît pourtant comme la seule voie raisonnable. Ce n’est pas celle que le gouvernement a choisie.
Devrons-nous attendre que les catastrophes naturelles se multiplient avant d’en rechercher les causes profondes et de prendre les mesures qui s’imposent ? Les sénateurs C.R.C. avaient, en 2000, proposé une loi tendant à conférer à la lutte contre l’effet de serre et à la prévention des risques liés au réchauffement climatique la qualité de priorité nationale. Ils n’ont pas été entendus.
Revenons plus précisément sur la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et sur le régime d’assurance de ces risques, notamment concernant les mouvements de terrains consécutifs à la sécheresse, et à la réhydratation des sols. Pour la première fois, la loi du 13 juillet 1982 a défini un régime de catastrophes naturelles, et retenu deux critères pour la reconnaissance de cet état : l’existence de dommages matériels dus à l’intensité anormale d’un agent naturel, et l’impossibilité de prévenir les dommages par les mesures habituelles. Concernant particulièrement le phénomène de retrait-gonflement des argiles, la vague de sécheresse des années 1989-1991, a rendu nécessaire son intégration dans le champ d’application de la loi de 1982.
Jugeant sans doute ces dispositifs trop coûteux pour l’avenir, l’État par une circulaire du 28 avril 2000, a précisé de manière extrêmement limitative les critères de la loi de 1982 en introduisant la notion de déficit hydrique des sols. En 2003, les critères en vigueur n’ont donc pas permis la reconnaissance de l’état de catastrophes naturelles des 6 800 communes sinistrées malgré une sécheresse exceptionnelle.
L’incompréhension est alors très forte dans de nombreux départements, notamment en Lorraine et en Ile-de-France, où se développe un sentiment d’injustice lorsque les premières listes sont publiées. Le gouvernement doit donc revenir sur les critères utilisés.
Il a d’abord retenu les critères de Météo France, puis celui de la composition géologique des sous-sols. Son objectif était bien évidemment de limiter son intervention financière de garant du fonds de réassurance.
En conséquence, beaucoup de communes, pourtant durement touchées par la sécheresse de 2003 n’ont pas été reconnues comme sinistrées, introduisant ainsi une rupture du principe constitutionnel de solidarité et d’égalité des citoyens devant les charges résultant des calamités nationales.
L’État doit demeurer le garant de l’intérêt général et non des intérêts sectoriels des entreprises privées. Nous ne pouvons donc accepter la dernière phrase de l’article trois qui fait peser la charge de la preuve sur les sinistrés, en stipulant que la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ne crée pas de présomption de droit à indemnisation. On se demande d’ailleurs pourquoi. Parler d’effet d’aubaine revient à présenter les victimes comme des coupables. Cela me rappelle la façon dont on procède pour les chômeurs, et c’est inacceptable. Cela compliquera les démarches individuelles d’indemnisation envers les assurances, alors que l’état de catastrophe naturelle est reconnu.
À l’issue de l’été 2003, une réflexion approfondie aurait dû être engagée comme le proposait l’association des maires d’Ile-de- France. Ils avaient encouragé le gouvernement à nommer un expert afin de définir de nouveaux critères plus adaptés pour la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Il aurait aussi été souhaitable d’accéder à la proposition des sénateurs du groupe C.R.C. demandant la création d’une commission d’enquête sur les conséquences de la sécheresse et la gestion de ses effets.
Il nous faudra bien répondre aux problèmes des procédures permettant la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et des critères retenus par la commission interministérielle. Le fonds national de prévention des risques naturels, créé par la loi du 2 février 1995, ne permettra pas de les régler, car sa mission est uniquement préventive, ce qui n’est pas suffisant.
Si ce texte n’était pas amendé, il ne permettrait pas de répondre aux attentes des collectivités et des sinistrés. Dans tous les cas, ce texte ne réglera pas la situation de détresse des sinistrés, victimes de la sécheresse de 2003.
J’ai pris bonne note de ce que la ministre déléguée nous a annoncé. Reste que le gouvernement se doit de reconnaître l’état de catastrophe naturelle de l’ensemble des collectivités qui ont déposé une demande. Elles ne l’ont pas fait par plaisir, il faut que toutes les situations soient réglées.