Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la catastrophe de Furiani, qui nous rassemble aujourd’hui autour d’une proposition de loi du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est d’abord un drame humain qui a frappé de très nombreux Corses.
Je souhaite rendre hommage aux 19 morts, aux plus de 2 300 blessés, dont beaucoup gardent encore des séquelles, ainsi qu’à toutes les familles affectées, sur l’île comme sur le continent.
Les tragédies sont sans doute parfois inévitables. Celle-ci résulte d’une succession de mauvaises décisions, de fautes, de manquements, d’une accumulation de défaillances de différents organisateurs du match Bastia-OM, deux équipes qui se retrouvaient en demi-finale de la Coupe de France pour ce qui aurait dû être certes une compétition disputée, mais surtout une fête, comme le sont, comme devraient toujours l’être, les matchs de foot et les compétitions sportives en général. Aux problèmes de conformité des installations qui ont suscité les réserves de la commission de sécurité s’est ajoutée la mise en place d’une double billetterie masquant le nombre réel de spectateurs présents dans la tribune érigée à la va-vite et qui s’est, de ce fait, effondrée.
Comment donc ne pas voir aussi dans ce drame une volonté délibérée de faire passer des intérêts mercantiles avant tout, au détriment de vies humaines ? Il ne s’agit donc pas seulement d’honorer la mémoire des disparus, même si cela est essentiel, et d’apporter de la compassion à leurs proches ; il s’agit à nos yeux de réaffirmer avec gravité, avec force : « Plus jamais cela ! »
Nous nous réjouissons bien évidemment que le contrôle des installations sportives et les procédures d’homologation des équipements recevant des manifestations sportives ou des installations provisoires aient été renforcés. Nous nous réjouissons que la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel aient aussi mis en place des dispositifs permettant de contrôler l’émission de billets par les clubs.
En plus de ces mesures indispensables, les familles des victimes, qui ont reçu de larges soutiens, ont souhaité que les matchs de foot soient gelés à la date du 5 mai. Finalement, ce sont les mêmes intérêts mercantiles qui ont empêché jusqu’à présent, près de trente ans après, de trouver un accord satisfaisant.
Tout cela nous conduit aujourd’hui à légiférer. Beaucoup s’interrogent légitimement sur la pertinence d’en passer par la loi pour commémorer cette date et faire en sorte que plus aucun match n’ait lieu ce jour-là, en tout cas plus de matchs professionnels de ligue 1 et de ligue 2, de matchs de Coupe de France et du Trophée des Champions, puisque c’est de ceux-là qu’il s’agit.
Depuis 2012, le Collectif et les instances du football ont entamé une concertation pour déterminer quelles formes devait revêtir cette commémoration.
Ce n’est que trois ans plus tard, le 22 juillet 2015, sous la pression de l’État qui a essayé de trouver un compromis, qu’un accord a été trouvé, reconnaissant la catastrophe comme « drame national » et comprenant cinq engagements, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur.
Un premier pas a été fait vers le gel des matchs le 5 mai, mais uniquement lorsque cette date se trouve être un samedi. Cet accord demeure partiel et a déjà montré ses limites. Les familles des victimes ont le sentiment que la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel n’ont pas pleinement pris conscience des attentes mémorielles et de la symbolique des enjeux de cette journée.
Cette proposition de loi vise à répondre à ces attentes et notre groupe la votera.
Que personne ne s’inquiète des conséquences économiques d’une telle disposition, si d’aventure certains restaient animés par des intérêts mercantiles : seule une petite demi-douzaine de dates de matchs professionnels sera concernée d’ici à 2040.
N’hésitons pas : adoptons cette proposition de loi en saisissant ce qui est sans doute l’une des dernières chances pour poser cet acte fort à l’occasion du trentième anniversaire de ce drame.