Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question du droit de prêt dans les bibliothèques publiques a, voilà un peu plus de deux ans, suscité de très vifs débats et polémiques entre les différents professionnels de la chaîne du livre, une véritable nouvelle bataille d’Hernani de la lecture, d’autant plus vive que chacun avait à la fois tort et raison.
J’ai craint, à maintes occasions, que ne soient remis en cause plus de deux décennies d’efforts en faveur de la lecture publique et le rôle de l’écrit, qui demeure indispensable dans une politique démocratique de la culture.
En effet, le livre, donc l’écrit, est loin d’être dépassé. L’écrit a une fonction irremplaçable : il autorise la réflexion, améliore la conceptualisation de la pensée et permet de prendre le recul nécessaire à l’approche de telle ou telle situation. Il est le moyen essentiel de transmission de la connaissance et de la culture. C’est tellement vrai qu’il est la première victime de tous les totalitarismes, de toutes les intolérances, de tous les intégrismes, par la censure, voire l’autodafé. Et je vous sais gré, monsieur le ministre, d’avoir été très clair sur ce point, ces jours derniers encore.
Avant tout, j’exprimerai une pétition de principe. Selon moi, la rémunération des droits d’auteurs ne prête ni à discussion ni à contradiction. Permettre aux auteurs et aux créateurs de percevoir les droits qui leur reviennent légitimement n’est absolument pas contestable. Nous avions la responsabilité de le faire, directive européenne ou non, compte tenu de la situation précaire de nombre d’entre eux.
Mais reconnaissons que les bibliothèques, donc la politique de lecture publique au coeur de laquelle figure le prêt gratuit des livres, ont été, à cette occasion, une cible toute trouvée, puisqu’elles étaient censées être responsables des difficultés que traverse l’édition dans notre pays.
Au-delà de la question légitime des droits d’auteur, on a bien vu apparaître deux conceptions fort différentes du livre et de la lecture. L’une considère le livre sous le seul angle de sa valeur marchande et la lecture publique gratuite comme un précepte certes généreux mais dépassé. L’autre, que je partage, considère, au contraire, le livre non pas comme un objet identique à un autre, mais comme un bien culturel essentiel pour l’accès à la connaissance, à l’ensemble du patrimoine de la pensée, de la recherche et de la création.
L’existence du prêt gratuit, c’est-à-dire du droit pour chacun, quelle que soit son origine, d’accéder au livre apparaît donc comme un acte démocratique fondamental de notre République.
Quelque 6 600 000 lecteurs sont inscrits en bibliothèque et 190 millions de prêts ont été effectués en 2001. Je conçois parfaitement qu’il s’agisse d’un manque à gagner important pour les ayants droit, mais je suis convaincu que c’est encore et toujours insuffisant sur le plan du développement de la lecture publique et de ce qu’elle implique.
Savez-vous que 50 % des Français ne lisent jamais un livre ? Je ne peux me satisfaire de ce chiffre, ni de la situation actuelle du livre et de la lecture, caractérisée, outre par cette insuffisance du lectorat, par une vie créative difficile pour les auteurs, ni par l’état d’un marché de l’édition, rythmé par une logique marchande qui autorise peu la découverte d’auteurs nouveaux.
Ce constat renforce la nécessité de faire vivre et développer la lecture publique et les bibliothèques car, si le livre et la lecture se portent plutôt mal, ils se portent souvent mieux là où est développée une audacieuse politique en faveur de la lecture. L’on sait toute l’importance du rôle que peuvent avoir les collectivités locales dans ce domaine.
La lecture est un plaisir personnel - on est toujours seul avec son livre -, mais il y a une éducation, un apprentissage à la lecture, et les professionnels des bibliothèques sont des guides précieux.
Une bibliothèque, c’est un espace de choix, de découverte offert à la population, qui peut se familiariser avec le livre ; c’est un lieu de dépassement des barrières sociales qui entravent l’accès à la culture, car le livre est encore trop souvent le premier objet dont on se passe quand il faut économiser.
Je considère pour ma part que le droit à la lecture ne doit pas être conditionné à la faculté de payer. L’enjeu n’est donc pas d’ajouter de nouveaux obstacles sociaux ; il est bien d’améliorer l’accès au service public.
Une bibliothèque, c’est aussi un espace de liberté et d’expression pour les auteurs dont les oeuvres peuvent, hors de toute contrainte commerciale, rencontrer le public dans la durée ; c’est encore un espace de confrontation d’idées, de pluralisme, de rencontres. C’est un lieu vivant.
Cela est plus vrai encore quand elle devient médiathèque et qu’elle intègre les progrès offerts par les nouvelles technologies. En effet, si le livre est l’outil de communication essentiel entre les hommes - il a même pendant longtemps été le seul - il est confronté aujourd’hui à une concurrence importante, celle des nouvelles technologies.
Je suis de ceux qui refusent l’idée réductrice selon laquelle les modes de communication moderne tueraient le livre. Je dois dire que les bibliothèques ont su relever le défi.
C’est en définitive par l’attrait, l’envie de la lecture, de la découverte d’ouvrages qu’elle suscite que la bibliothèque constitue un formidable soutien à la création et à l’édition.
Ce plaidoyer pour la lecture publique revient à dire que toute solution juste ne peut être trouvée que dans des cohérences, des coopérations et une solidarité entre toutes les composantes de la chaîne du livre, de l’auteur au lecteur, en passant par l’éditeur et le libraire ; M. le rapporteur l’a bien souligné.
La bonne santé de la lecture publique conditionne la bonne santé du livre en général. Plus il y aura de livres lus, plus il y aura de livres vendus.
Aucune étude sérieuse et précise ne peut en effet affirmer que l’augmentation importante du nombre de prêts a engendré une baisse des ventes.
Je me félicite donc qu’un terrain d’entente ait pu être trouvé, symbolisé par le projet de loi dont nous avons à débattre aujourd’hui.
C’est un texte imparfait, certes - sa complexité a été relevée, - mais c’est un texte d’équilibre qui va dans le bon sens, en prenant en compte le fait que, si les auteurs ont des droits, les lecteurs aussi ont des droits.
Le projet de loi consacre la rémunération des droits pour les auteurs et éditeurs sur les prêts en bibliothèques publiques tout en instaurant pour les auteurs et traducteurs un financement de retraite complémentaire, jusqu’alors inexistant, et en améliorant leur statut.
Mais, plus important, ce progrès social est rendu possible, tout en pérennisant la gratuité du prêt des livres pour l’usager, en substituant au prêt payant initialement prévu un prêt payé faisant intervenir financièrement les différents acteurs et partenaires de la lecture publique : Etat, collectivités locales, comités d’entreprises, établissements d’enseignement.
Je prends acte des avancées importantes que cela constitue par rapport aux dispositions tour à tour envisagées. A cet égard, il n’est pas inutile de rappeler que, déjà, le rapport Borzeix, en 1998, préconisait l’instauration d’un prêt payé par l’usager d’un montant de cinq francs par livre emprunté ! Cette disposition fut reprise un temps dans les premières ébauches de ce projet de loi, puisqu’a été envisagé également un prêt payé forfaitaire de dix francs par lecteur et par an, payé par les seules collectivités territoriales. Ont également été écartées les idées de rémunération sur les reproductions et la consultation sur place des ouvrages.
On mesure là le chemin parcouru, et je crois, monsieur le ministre, que vous avez bien fait de reprendre le projet de loi de Mme Tasca.
Les conditions particulières réservées aux bibliothèques scolaires et universitaires me semblent également aller dans le bon sens compte tenu des difficultés que connaissent ces établissements et des missions propres qu’ils assument même si, faute de moyens, les bibliothèques universitaires françaises achètent dix fois moins de livres que les autres bibliothèques universitaires européennes.
Le droit de prêter, enfin, est juridiquement et légalement reconnu, confortant le rôle et les missions de service public des bibliothèques. La directive européenne de 1992, tout comme la réglementation française, permet en effet aux auteurs d’interdire le prêt de leur oeuvre. Le droit de prêt devient un droit formel. C’est une avancée importante, car elle induit, dans ce domaine, la primauté du service public.
Ce projet de loi, en revanche, suscite un certain nombre de craintes en ce qui concerne les budgets et les capacités d’acquisition des bibliothèques.
Le financement proposé pour la rémunération des droits repose sur deux sources. La première, forfaitaire, payée par l’Etat, est calculée sur la base du nombre d’inscrits dans les bibliothèques publiques. La seconde, le prêt payé à l’achat, consiste en un versement de 6 % du prix public des ouvrages aux sociétés de gestion collective. Ce système s’accompagne d’une limitation à 9 % maximum des remises accordées aux collectivités lors de l’achat d’ouvrages pour les bibliothèques publiques.
Ce système va inévitablement entraîner une charge supplémentaire importante pour les collectivités et les personnes morales dont dépendent les bibliothèques, charge qui risque fort de se répercuter sur les budgets et les politiques d’achat. Moins d’argent, c’est moins de livres, moins d’animations autour de la lecture, ce qui, en définitive, serait contradictoire avec l’esprit de démocratisation de l’accès aux oeuvres.
Les collectivités locales sont au coeur de tout le système de lecture publique de notre pays. Les efforts qu’elles consentent sont déjà très importants, puisqu’elles participent pour 96 % au budget des bibliothèques. Est-ce à elles d’en fournir davantage ? La question mérite d’être posée.
La loi du 10 août 1981 relative au prix unique du livre avait fort justement exclu de son champ d’application les achats de livres par les collectivités afin de rattraper les retards importants en matière de diffusion du livre et de lecture.
Les résultats sont là : le nombre de livres empruntés a triplé en vingt ans. La conjoncture actuelle nous permet-elle de revenir, même partiellement, sur ce qui a porté ses fruits ?
Le réseau des bibliothèques publiques reste très fragile ; c’est encore plus vrai pour les bibliothèques universitaires. Leurs moyens sont insuffisants et un nombre de plus en plus important de nos concitoyens connaissent, à des degrés divers, des difficultés avec l’écrit.
On peut regretter que d’autres moyens de financement n’aient été choisis. Je suis pour que les librairies prospèrent dans nos villes et dans nos quartiers ; ce sont aussi des éléments de civilisation. Mais il faut encore plus aider nos communes. On ne peut pas tout faire peser sur les collectivités ; il y va de la responsabilité nationale. C’est le même combat que celui qui est mené contre l’illettrisme.
Je comprends bien le souci de réintroduire, grâce à cette mesure, les librairies dans le réseau des ventes aux bibliothèques. Les rabais importants des grossistes les en excluent. Ce mécanisme y parviendra-t-il ? Les doutes sont permis en l’absence de mesures spécifiques propres à soutenir l’édition et les librairies. Evidemment, cet aspect dépasse le cadre strict de cette loi, mais il fait partie du même grand débat.
Je ne saurais, monsieur le ministre, aborder le sujet de l’édition sans évoquer l’avenir du pôle édition de Vivendi Universal.
La crise profonde que connaît le groupe Vivendi Universal et le démantèlement progressif qu’il subit - 10 milliards d’euros d’actifs vont être cédés dans les deux années à venir - touchent particulièrement le secteur culturel du groupe : l’audiovisuel, le cinéma, la musique et l’édition. Vivendi Universal, c’est deux tiers de l’édition française, des noms et des maisons prestigieuses !
D’après les informations qui sont aujourd’hui disponibles, aucune reprise ne serait possible par le monde de l’édition française. Ainsi, l’un des fleurons de l’édition française risque d’être happé par un consortium financier constitué de capitaux internationaux.
Nous ne pouvons laisser faire sans réagir. La responsabilité publique est engagée pour la préservation de notre patrimoine culturel. Il n’est pas possible que l’Etat reste sur une ligne de conduite interdisant l’intervention dans une entreprise privée. En effet, la concentration au sein de Vivendi Universal d’une part considérable de l’édition française implique de fait l’idée de mission de service public. D’ailleurs, dans toutes ses activités, Vivendi Universal s’est construite sur l’intérêt général.
Je serai attentif, monsieur le ministre, aux réponses que vous apporterez à ce sujet. Je profite de l’occasion pour réitérer publiquement notre demande de création d’une commission d’enquête sur l’utilisation des fonds publics par le groupe Vivendi Universal et sur le devenir de ses entreprises exerçant des missions de service public.
Le dernier aspect que je souhaite aborder m’amène à formuler un regret, celui que les formes nouvelles de supports de l’écrit ne soient pas traitées dans ce projet.
Loin d’annoncer la mort du livre, les nouveaux supports technologiques renforcent toujours plus la place de la lecture, comme de l’écriture, dans notre vie de tous les jours. Les nouvelles technologies bouleversent les différentes sphères de l’économie du livre, transforment la chaîne du livre, qui va de l’auteur au lecteur. De nouvelles problématiques surgissent : statut et droits des auteurs, avenir de l’édition, accès démocratique pour tous aux nouveaux moyens d’information et de communication et rôle des bibliothèques dans ce domaine. Il est nécessaire de répondre à ces nouveaux défis tout comme reste nécessairement posée cette exigence forte de nouvelles mesures législatives en faveur de la lecture publique, des bibliothèques - je pense à leurs statuts, à la définition de leurs missions - mais aussi en faveur de l’édition.
Ce texte constitue un premier pas positif, même si des interrogations subsistent. Il a le mérite, ce n’est pas rien, de concilier divers intérêts, diverses positions que nous avons pu craindre, un temps, définitivement opposés. Le consensus, même s’il est difficile à réaliser, existe entre professionnels du livre ; c’est essentiel pour le développement de toute la chaîne du livre.
Monsieur le ministre, ce matin dans le train, je lisais ce que Prévert écrivait de Picasso dans un livre pour enfants, qui n’est plus disponible en librairie, mais que j’ai emprunté à la bibliothèque municipale pour préparer un exposé à l’occasion d’une remise de médailles. Je cite : « Le chapeau melon enfoncé sur la tête, Picasso, maître de la peinture comme Fantômas de l’épouvante, un pied sur la rive droite, un pied sur la rive gauche et le troisième au derrière des imbéciles, regarde couler la Seine, qui prend sa source au Mont Gerbier-de-Jonc, quand l’envie lui vient de visiter les châteaux de la Loire. » Cela m’a rappelé l’armoire de bibliothèque de la coopérative scolaire que mon instituteur ouvrait chaque samedi. Pour moi, et je pense qu’il en fut ainsi en d’autres lieux pour nombre de mes collègues, les livres « magiques » de cette armoire ont été mes premiers « châteaux de la Loire » !
C’est pourquoi, avec le groupe communiste républicain et citoyen, j’approuve le projet de loi qui nous est proposé, même si le chantier n’est pas encore achevé.
Explication de vote
M. Jack Ralite. Mon collègue Ivan Renar a précisé, au terme de son intervention, que nous allions voter ce projet de loi. Je le confirme, mais je voudrais formuler quelques remarques.
En effet, tout le monde aura noté qu’il a fallu beaucoup de temps pour aboutir au texte qui nous est soumis aujourd’hui. S’il en a été ainsi, c’est parce que les acteurs étaient multiples, mais c’est aussi parce qu’il s’agit du livre, de l’écrit, de la langue, de la création littéraire. C’est même le fond du sujet !
Le projet de loi que nous allons voter met donc en rapport l’écrit, la langue et la diversité de la société. Or le lien entre la société et l’écrit est assuré par l’édition, qui doit être pluraliste. A cet égard, comme l’a déjà souligné Ivan Renar, nous sommes actuellement confrontés à ce que j’appellerai un séisme culturel, économique, financier et social, dû aux conséquences de l’affaire Vivendi.
J’interviens souvent sur ce sujet, je le reconnais, mais je continuerai de le faire, car on ne peut pas tenir les propos si chaleureux que nous avons tous tenus sur l’édition, le livre et la langue tout en refusant, dans le même temps, que cette question soit abordée au Sénat ou à l’Assemblée nationale.
L’Edition sans éditeurs, d’André Schiffrin, petit livre que nombre d’entre vous connaissent, mes chers collègues, raconte ce qui est arrivé, aux Etats-Unis, à un éditeur de taille moyenne mais très riche d’imagination, à savoir Pantheon, après son absorption par un groupe international, Bertelsmann. Dans un premier temps, ce groupe acheteur a publié une déclaration enthousiaste, faisant l’éloge de la société achetée, promettant de maintenir ses glorieuses traditions et assurant qu’aucun changement majeur n’interviendrait et que, dans la mesure du possible, il ne serait procédé à aucun licenciement. Dans la suite du livre, cet éditeur américain décrit ce qu’il a vécu en réalité, et je me dis alors, en lisant l’histoire de cet homme qui n’est pourtant pas de mon bord, que nous pensons la même chose ! Il n’est pas inintéressant de le souligner...
Nous sommes nous aussi confrontés à de telles situations. Ainsi, M. Fourtou, après avoir, pendant des années, voté, sans exprimer de nuances ni soulevé d’objections, les décisions de M. Messier a décidé récemment, afin de trouver l’argent dont il a besoin pour rétablir l’équilibre financier de Vivendi Universal, de vendre le secteur « édition » du groupe. Une telle attitude mérite réflexion, à mon avis, et exige la prise de décisions qui ne peuvent relever du seul secteur privé. Ce dernier a d’ailleurs déjà été évoqué au cours de nos débats, notamment quand il s’est agi de favoriser les petits libraires face aux grands groupes comme la FNAC ! Ce n’est pas désolant, nous avons des responsabilités publiques à assumer !
Je me référerai, à cet instant, à M. le ministre de la culture et de la communication, non pas pour le contrarier, mais pour montrer qu’il est sensible à ces questions ; je sais sa crainte devant la présence de « dépeceurs » ou de « désosseurs » d’entreprises.
Que va-t-il se passer ? Plusieurs solutions existent actuellement s’agissant de la reprise des activités de Vivendi Universal dans l’édition.
En premier lieu, une proposition émane de trois fonds d’investissement. On sait très bien que ce serait alors la porte ouverte à la recherche de plus-values et à la revente ultérieure « par appartements ». On sait ce que l’on quitte, on ne sait pas où l’on va !
En deuxième lieu, Hachette est sur les rangs. J’ai noté, à cet égard, que Le Figaro, Libération, Le Point et Le Monde se sont fait largement l’écho de cette option. C’est d’ailleurs le droit des auteurs des articles auxquels je fais ici allusion, mais j’ai tout de même relevé des inexactitudes.
Ainsi, M. Durand, par ailleurs remarquable éditeur, affirme que, finalement, le groupe Hachette contrôlera à hauteur de 25 % ou de 26 % le secteur de l’édition. C’est faux ! Le pourcentage sera au moins de 40 %, et on ne nous précise pas qu’Hachette assurera 80 % de la distribution ! Cela est si vrai que tous les libraires ont reçu une lettre d’Hachette sur le thème : « on est beaux, on est gentils, soyez contents » ! Mais ces libraires ont une expérience de la diffusion par Hachette ; un risque existe.
En troisième lieu, un article d’un monsieur que je ne connais pas mais que je vais rencontrer, Pierre Cohen-Tanugi, a paru dans Le Monde. Il évoque l’avenir du livre et propose : « faisons un rêve ». Puisque l’Etat intervient dans certaines ventes aux enchères au nom de l’intérêt général, ne pourrait-on invoquer un droit de préemption dans cette affaire ? Je ne relirai pas son argumentation, car ce serait trop long, mais il ajoute qu’il ne s’agirait pas du tout, pour l’Etat, de créer un domaine public particulier, mais d’assumer ses responsabilités. En matière d’achat des livres scolaires, l’argent provient bien, pour une grande part, des collectivités publiques ! De même, presque toutes les villes de France achètent des dictionnaires pour les remettre aux enfants en guise de prix.
Certes, je sais qu’il est difficile de trancher. Des débats se tiennent au sein des syndicats, chez les éditeurs, dans la presse, mais il serait judicieux, à mon sens, que M. le ministre de la culture organise une table ronde au ministère sur l’état actuel de l’édition française.
Mme Danièle Pourtaud. Très bien !
M. Jack Ralite. Un tel échange de vues, mené dans l’esprit qui anime notre débat d’aujourd’hui, permettrait de faire un pas en avant. Nombre d’inquiétudes seraient alors légitimement apaisées ! Un débat « à la messier » serait le bienvenu : non pas « à la Messier J6M.com », mais « à la messier » selon la définition du Robert, pour lequel le messier est le « gardien des moissons, des récoltes », c’est-à-dire, en l’occurrence, du pluralisme de l’édition française.