Je me réjouis d’arriver au terme des travaux de suivi de l’application de la loi du 4 janvier 2002 que vous m’avez confiés.
Cette loi, adoptée sur une initiative de votre rapporteur instaure un cadre juridique nouveau dans le domaine culturel. L’établissement public de coopération culturelle (E.P.C.C.) complète utilement la « boîte à outils » des instruments juridiques dont disposent les acteurs de la culture. Cette loi était très attendue par les professionnels, confrontés aux difficultés ou risques inhérents aux structures existantes : l’association, la régie directe, mais aussi le syndicat mixte ou le groupement d’intérêt économique.
L’E.P.C.C. organise, dans le cadre de la décentralisation et de la logique du cofinancement, le partenariat entre l’État et les collectivités territoriales, ou seulement entre ces dernières pour la gestion d’équipements culturels structurants. Cette formule a du succès : il en existe au moins une trentaine, et il ne se passe pas un mois, voire une semaine, sans que mes interlocuteurs n’évoquent tel ou tel nouveau projet. Le dispositif répond aux trois préoccupations principales qui avaient inspiré la loi de 2002 : offrir un cadre d’organisation adapté aux spécificités des services culturels et garantissant une certaine stabilité et pérennité, fournir un dispositif associant souplesse de fonctionnement et rigueur de gestion, et permettre un partenariat équilibré, sur la base du volontariat, entre les collectivités publiques membres de l’E.P.C.C.
J’ai proposé à la commission des Affaires culturelles de mener un travail de suivi de l’application de cette loi, et je remercie vivement son président et ses membres de me l’avoir confié. Il est utile de développer ce type de travail parlementaire, qui allie l’initiative législative au contrôle.
Ces travaux nous ont conduits à organiser une soixantaine d’auditions ainsi qu’une table ronde assortie d’un bilan d’étape. Notre commission a ensuite adopté le rapport d’information que je lui ai présenté fin décembre dernier. Celui-ci fait le bilan des atouts et des difficultés d’application concrète des textes régissant l’E.P.C.C. Il avance surtout les réflexions qui ont inspiré cette proposition de loi.
Depuis lors, nous avons poursuivi une concertation approfondie au sein de la commission et avec les ministères concernés. Nous avons fait preuve de persévérance et d’esprit constructif. Ceci m’a permis de proposer à mes collègues de commission de cosigner ce texte. Je me réjouis qu’ils aient été si nombreux à s’associer à cette démarche et je les en remercie : il est rare, voire exceptionnel, qu’un texte soit signé par des membres de l’ensemble des groupes politiques de notre Assemblée.
Nous l’avons encore amélioré la semaine dernière. Nous avons tenté de conjuguer deux objectifs : apporter davantage de souplesse de fonctionnement aux partenaires souhaitant coopérer au sein d’un E.P.C.C. et préciser le statut du directeur d’établissement, afin de favoriser la confiance entre professionnels et élus, et d’encourager les uns et les autres à adopter le statut d’E.P.C.C.
L’article premier prévoit qu’un établissement public national pourra désormais participer à la création d’un E.P.C.C. Il serait très utile que le musée du Louvre ou le Centre Beaubourg, par exemple, puissent jouer un tel rôle, respectivement à Lens et à Metz. Par ailleurs, un E.P.C.C pourra non seulement gérer, mais aussi créer un service public culturel et assurer la maîtrise d’ouvrage de l’investissement concerné. Il existe une ambiguïté à ce sujet : pour certains de mes interlocuteurs, la référence à la « gestion d’un service public culturel » exclurait la création d’un tel service et la maîtrise d’ouvrage de l’investissement afférent dans le cadre du statut de l’E.P.C.C. Les établissements publics de coopération culturelle actuels ayant été créés par transfert de l’activité d’une structure culturelle existante, il n’existe pas encore de création ex nihilo. Nous proposons de lever cette ambiguïté.
À l’article 2, votre commission propose que l’autorité administrative compétente pour décider de la création d’un E.P.C.C puisse être le préfet de région ou celui de département. La première hypothèse paraît plus adéquate lorsque l’établissement dépasse le niveau départemental ou relève d’un intérêt national.
L’article 3 propose de modifier la composition du conseil d’administration de l’E.P.C.C. Il s’agit tout d’abord de conforter la place de l’État dans le respect de l’esprit de partenariat qui doit prévaloir au sein du conseil, en supprimant la règle actuelle qui impose à l’État une participation minoritaire, quand bien même il serait le contributeur majoritaire. Il n’est pas question d’instaurer une proportionnalité entre participation au conseil et financement, mais de permettre aux partenaires de fixer eux-mêmes la répartition des sièges, de manière pertinente et pragmatique. L’E.P.C.C. doit rester un outil de partenariat et non un enjeu de pouvoir. Il convient de conjuguer le principe de libre administration des collectivités territoriales avec la présence de l’État, indépendamment même de son éventuelle participation financière, car il est le garant de la stabilité et de la continuité de l’action publique, dans le respect de l’intérêt général.
Par ailleurs, l’article 3 laisse au maire de la commune, siège de l’établissement, la possibilité de devenir membre du conseil d’administration, dans le cas où la ville n’est pas partenaire et n’intervient pas dans le financement. En outre, il est apparu utile de permettre à des établissements publics nationaux ou à des fondations de participer au conseil d’administration d’un E.P.C.C. Les entreprises pourront donc participer au financement de la politique culturelle par le biais d’une structure relevant du mécénat : l’article 3 précise enfin les modalités de l’élection des représentants du personnel au sein du conseil d’administration, avec l’organisation d’une élection spécifique. Il convient d’éviter la confusion des missions respectives des représentants du personnel au sein d’un conseil d’administration et des délégués du personnel.
L’article 4 a plusieurs objectifs : clarifier le mode de recrutement du directeur et sécuriser son parcours au moment du transfert d’une structure existante vers un E.P.C.C. ; mettre en adéquation la durée du mandat et celle du contrat du directeur ; encourager la création d’E.P.C.C. dans l’ensemble des secteurs de la culture ; et renforcer le cadre législatif consacré aux enseignements artistiques.
Lorsqu’un conseil d’administration souhaitera changer de directeur, au cours de l’existence normale de l’E.P.C.C., il devra établir un cahier des charges, sur le fondement duquel les candidats formuleront leurs projets d’orientations artistiques, culturelles, pédagogiques ou scientifiques. C’est au vu de ces projets que le conseil proposera au président le candidat de son choix.
Le directeur d’un E.P.C.C., qu’il soit industriel et commercial ou administratif, se verra confier un mandat. Cette notion de « mandat » sera généralisée à l’ensemble des établissements. La durée en sera de trois à cinq ans : une durée de cinq ans étant pertinente dans le domaine du spectacle vivant. Le directeur bénéficiera d’un contrat à durée déterminée pour une période égale à celle de son mandat. Au terme de ce dernier, il présentera un nouveau projet au conseil d’administration. En cas d’approbation, le mandat du directeur sera renouvelé et son contrat fera l’objet d’une reconduction expresse.
Le décret devant définir les conditions de statut ou de diplôme dont doivent relever les directeurs d’un E.P.C.C. dans les domaines de l’enseignement artistique, de l’art contemporain, des musées, du patrimoine, des bibliothèques ou de l’inventaire, n’ayant toujours pas été publié, quasiment aucun E.P.C.C. n’a pu être créé dans ces secteurs essentiels de la culture. Afin de sortir de cette impasse, le texte propose un dispositif moins contraignant. Un simple arrêté ministériel fixera une liste plus réduite des établissements concernés. En outre, un dispositif de reconnaissance de l’expérience professionnelle est prévu. Par ailleurs, le directeur d’un E.P.C.C. dispensant un enseignement supérieur relevant du ministère chargé de la culture sera chargé de délivrer des diplômes nationaux.
Nous avons enfin souhaité consolider et institutionnaliser les réseaux d’écoles supérieures d’arts plastiques, la concertation interministérielle sur ces points ayant abouti très récemment. Il s’agit de consacrer le caractère « supérieur » des formations dispensées et de reconnaître les diplômes nationaux et les diplômes d’école sanctionnant ces études. Cette reconnaissance devrait faire aboutir l’important dossier de la prise en compte du grade de licence et de master des diplômes concernés. Cette disposition s’inscrit naturellement dans la logique de la délivrance des diplômes nationaux par l’E.P.C.C. : les écoles d’arts concernées relèvent, pour la plupart, du statut de la régie municipale et il est probable que nombre d’entre elles adopteront, dans les années à venir, le statut de l’E.P.C.C.
Je passe sur l’article 5 de coordination, pour évoquer l’article 6 qui concerne les dispositions transitoires qui règlent le moment spécifique du transfert de l’activité d’une structure culturelle existante vers un E.P.C.C. Il est proposé d’assurer une « transition en douceur », en prévoyant le maintien du directeur au sein du nouvel établissement pendant une période limitée à trois ans au maximum. Cette disposition - qui ne s’applique naturellement qu’en cas de transfert de l’activité d’une structure unique -, permettra la mise en place sereine de la nouvelle structure et comblera une lacune de la loi de 2002 relative au statut du directeur.
Dans le cas où plusieurs activités seraient reprises, les lois en vigueur s’appliqueraient alors : Code du travail, loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique, et statut de la fonction publique, par exemple. Le second paragraphe de l’article 6 de ce texte vise, quant à lui, le cas des agents contractuels de droit public.
Au-delà, il ne nous semble pas nécessaire de revenir sur le droit en vigueur. En cas de regroupement de plusieurs structures, l’emploi de directeur d’établissement ne pouvant être occupé que par une personne, l’établissement devra alors soit proposer aux anciens directeurs un contrat sur un autre emploi, soit procéder à leur licenciement s’il s’agit de contractuels, de droit privé ou de droit public, ou à la suppression de leur emploi, s’ils sont fonctionnaires.
En tout état de cause, c’est le projet culturel ou artistique qui doit guider les choix stratégiques.
Je suis convaincu de l’utilité de cette nouvelle catégorie d’établissement public pour le dynamisme du secteur culturel à condition que chacun l’appréhende dans un esprit constructif.
Certains se sont inquiétés d’un possible interventionnisme de certaines collectivités territoriales, pour des enjeux de pouvoir. Si ce risque d’ingérence existe, il convient de le relativiser. Ne jetons l’anathème ni sur l’outil juridique, ni sur les élus. Ce risque existe également dans le cadre d’autres statuts juridiques... Faisons confiance aux élus, à leur bon sens et à leur souci de l’intérêt général. Et que chacun fasse preuve de pédagogie, afin que prévalent des relations de confiance.
Mon approche de l’E.P.C.C. a toujours été guidée par l’affirmation de la liberté de création des artistes et du droit des citoyens à rencontrer les œuvres. L’E.P.C.C. est un outil pour mieux servir l’art et la culture, non pour s’en servir.
Cette proposition de loi facilite la mise en œuvre de nombreux projets d’E.P.C.C. Je suis impressionné par l’impatience des élus comme des professionnels du secteur et par l’intérêt qu’ils accordent à nos travaux. C’est pourquoi je souhaite que l’Assemblée nationale se saisisse rapidement de cet important sujet et que le processus législatif parvienne à son terme d’ici l’été prochain. La meilleure façon de dire, c’est désormais de faire !