Budget 2003 : enseignement professionnel

Publié le 28 novembre 2002 à 00:00 Mise à jour le 8 avril 2015

par Ivan Renar

Notre débat intervient quelques semaines après que vous avez, monsieur le Ministre, rendu public votre projet de revalorisation de l’enseignement professionnel. Et j’ai bien entendu votre réponse tout à l’heure ! Votre ambition d’en faire une « voie d’excellence » ne peut que nous satisfaire, alors que l’examen des mesures préconisées et leur corollaire, l’abandon du collège unique, appellent un certain nombre de remarques.

Les filières professionnelles souffrent d’une mauvaise image et sont souvent considérées comme un échec par les élèves, les familles, et les enseignants des filières générales. Si un élève sur trois est aujourd’hui en enseignement professionnel, cette orientation se fait souvent par défaut. Le lien entre origine sociale et formation professionnelle est avéré : 40 % des élèves inscrits en lycées professionnels sont des enfants d’ouvriers, 12,5 % des enfants de chômeurs.

En fait la situation est contrastée. Ce constat gomme les progrès qui ont été réalisés dans cette filière avec la profonde rénovation des lycées professionnels, tant en terme d’équipements que de diplômes. Avec un taux de réussite de 77 %, le baccalauréat professionnel permet d’accéder aux B.T.S., I.U.P. et licence professionnelle. Mais avant le baccalauréat, combien d’échecs ? Quelles sorties scolaires ? Quels diplômes pour quels métiers ? Si nous voulons que les filières professionnelles ne soient plus des voies de relégation scolaire et sociale, si nous voulons ne pas enfermer les jeunes dans un corporatisme précoce, il faut des réponses budgétaires en conséquence.

L’interaction des pratiques et des savoirs demande des champs de connaissances plus larges ; les enseignants doivent donc recevoir une formation de pointe comme dans l’enseignement général. On retrouve ici les questions posées par les mesures du gouvernement pour l’éducation nationale dans son ensemble, les emplois précaires, les réductions de personnel d’encadrement, les MI-SE, les bourses, les internats, le nombre des établissements scolaires, les équipements en général… sans oublier le coup de froid qui nous vient de la commission des Finances !

L’enseignement professionnel et l’apprentissage, posent la question de la relation aux entreprises et à la politique locale de l’emploi, donc celle de la décentralisation…

La carte scolaire varie selon les régions, l’orientation des jeunes est plus souvent subie que choisie. Ainsi les formations du tertiaire, comme le sanitaire et social, sont-elles les plus courantes, parce qu’elles n’exigent pas un gros investissement - mais elles deviennent vite des voies de garage. Le B.E.P. renvoie souvent les enfants, sans débouché, à un centre d’apprentissage. Pour développer l’apprentissage des nouveaux métiers, il est indispensable d’investir en équipements, en machines et outils, sans les équipes d’enseignement, d’encadrement et de maintenance.

Ne faut-il pas aussi revaloriser les salaires, les évolutions de carrières, mettre fin à la précarité des postes, atténuer la pénibilité du travail ?

Le collège unique est contesté à l’intérieur du corps enseignant même, devant les difficultés d’y enseigner et d’y assurer la réussite des bons ; faut-il, pour autant, y mettre fin ? Notre système éducatif doit-il ajuster l’offre de main- d’œuvre aux bassins d’emplois, ou bien former des citoyens pour le monde d’aujourd’hui ? Je suis de ceux qui regardent comme étant de notre responsabilité d’offrir à tous les élèves un socle commun de connaissances ; en supprimant le collège unique, ne ferait-on pas porter la responsabilité de l’échec aux élèves, plutôt qu’à l’école ?

Les jeunes ne peuvent pas tous accéder aux mêmes savoirs, ni se comporter à l’identique avec leurs études, face aux contraintes de la vie scolaire. Mais ils peuvent tous accéder à une culture commune, moderne, ouverte, ambitieuse. On doit pour cela considérer l’élève non plus comme une notion abstraite, mais prendre en compte toutes les différences réelles : les élèves, non l’élève.

Les classes en alternance réintroduisent un palier d’orientation dès la cinquième : n’est- ce pas risquer que l’orientation vers une filière professionnelle soit encore davantage une contrainte qu’un choix réel ?

Si les élèves n’ont pas acquis le niveau de troisième, n’auront-ils pas plus de difficultés dans la société de demain ?

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