Activités physiques et sportives : nouvelle lecture

Publié le 31 mai 2000 à 00:00 Mise à jour le 1er avril 2015

par Hélène Luc

L’examen par le Sénat du projet de loi relatif à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives en France, aussi bien pour le sport amateur que pour le sport de haut niveau, se déroule quelques semaines après un événement sportif important : la finale de la coupe de France de football opposant Calais à Nantes, à laquelle j’ai eu la chance d’assister, comme vous, madame la ministre, ainsi que M. le Président de la République et M. le Premier ministre. Cet événement symbolise à mes yeux la richesse, la qualité, la passion du sport amateur se hissant de manière imprévisible au même niveau que le sport professionnel.

Face à la " marchandisation " du sport et des sportifs, il reste encore une place pour l’effort, l’entraînement, la douleur, la lutte, la solidarité des corps qui cherchent sans cesse à dépasser leurs propres limites. N’est-ce pas un combat digne de notre époque que de chercher à préserver, protéger et développer cet espace sacré que représente le sport dans notre pays, mais également en Europe et dans le monde entier ?

Ce combat, le vôtre, madame la ministre de la jeunesse et des sports, ainsi que celui de toute votre équipe place tout d’abord cette loi au niveau de ses enjeux.

Le sport, dans sa diversité, représente aujourd’hui un des rares espaces de liberté, où le développement individuel et la réalisation collective sont intimement imbriqués.

Le développement individuel bien sûr, car l’apprentissage du geste et l’expérience de l’effort sont des maîtres sûrs. Le sportif, qu’il soit amateur ou professionnel, qu’il soit débutant ou confirmé, découvre chaque jour les immenses possibilités de son corps.

" Joie de repousser sans cesse les limites, joie des métamorphoses, joie de la transfiguration. " C’est ainsi que Michel Serres définit le sport ou, tout au moins, une certaine pratique du sport, dans son très beau livre, Variations sur le corps, paru en décembre 1999.

J’invite tous les sportifs et tous les amoureux du sport à se plonger dans cette réflexion imagée sur notre rapport au corps, à travers deux mille ans d’histoire et de culture chrétienne et, particulièrement, à travers le sport.

Je ne résiste pas au plaisir de vous lire quelques lignes de cet ouvrage dédiées par le philosophe à ses professeurs de gymnastique et à ses guides de montagne, qui, dit-il, lui ont appris à penser : " Regardez le chat, le jaguar, la vache. Ils ont un programme de gestes et de mouvements extrêmement limités. L’homme, lui, a un programme extrêmement ouvert, métamorphique. La bête a un corps réel, mais, nous, nous avons un corps potentiel. La virtualité, dont on se plaint parfois, celle qui nous fait peur, est déjà inscrite dans notre corps. "

A notre échelle, c’est-à-dire au niveau de la loi, vous nous proposez, madame la ministre, de nous en tenir à six objectifs, que je me permets de rappeler : soutenir et encourager l’action des associations et des bénévoles, conforter l’unité et l’indépendance du mouvement sportif, organiser un véritable service public du sport, reconnaître la diversité des pratiques sportives, améliorer le dispositif du sport de haut niveau, et contribuer à l’amélioration qualitative des pratiques du sport et de leur démocratisation.

Ces six objectifs et la loi elle-même ont été l’occasion d’ouvrir un large débat démocratique avec les différents partenaires de la communauté sportive, avec les associations et les fédérations, où toutes les opinions, dans leur diversité, ont pu s’exprimer.

La loi sur le sport revient aujourd’hui devant le Sénat, après l’échec de la commission mixte paritaire et après l’adoption du texte en deuxième lecture par les députés, avec les seules voix de la gauche plurielle. Aujourd’hui, nous avons donc à valider quarante-cinq articles, puisque quinze ont déjà été jugés conformes par les deux assemblées.

Parmi ces quarante-cinq articles, l’Assemblée nationale en a retenu quelques-uns sur proposition du Sénat. Par exemple, l’Assemblée nationale a décidé, dans le cadre de l’article 32, de rendre obligatoire la détention d’un diplôme d’Etat pour l’enseignement ou l’encadrement d’activités physiques ou sportives spécifiques, comme les sports de montagne, la voile, le parachutisme ou la spéléologie, dispositif réclamé notamment par les moniteurs de ski et par les guides de hautre montagne et adopté à l’unanimité par les députés présents.

L’Assemblée nationale a également entériné un article additionnel introduit par les sénateurs et visant à ouvrir aux associations oeuvrant contre le racisme, la xénophobie et l’antisémitisme la possibilité de se porter parties civiles pour les infractions commises à l’occasion de manifestations sportives.

De nombreux articles sur les sports de nature ont été introduits, ce qui visait effectivement à remédier à un manque dans la loi précédente. La décision a été prise de créer " un plan départemental des sites et itinéraires " permettant de pratiquer le canoë-kayak, l’escalade, la spéléologie, le VTT, ou encore la randonnée, à pied, à bicyclette ou à cheval.

Ces dispositions seront très importantes pour le département du Val-de-Marne dont M. Lagauche a parlé. Nous sommes en effet tous les deux des élus de ce département.

Ces dispositions seront également très importantes pour les 8 millions de pratiquants.

Les activités de plein air, qui comptent tant de pratiquants, devraient également faire l’objet d’une législation adaptée. Nous savons pouvoir compter sur vous, madame la ministre, et je regrette que notre commission ait purement et simplement supprimé vos amendements.

Je le regrette d’autant plus que la discussion qui a eu lieu, par exemple sur les moniteurs de ski et les guides de haute montagne, a démontré que, lorsqu’on prend le temps de se concerter, on peut parvenir à résoudre les problèmes. Il y avait là matière à discussion, et je regrette très sincèrement que l’on ait balayé - j’emploie le terme à bon escient - ces amendements.

Ces dispositions s’imposeront cependant. Nous trouverons d’autres moyens d’établir des règles. Peut-être des décrets peuvent-ils être pris pour permettre la pratique de ce sport.

Il reste toutefois des divergences de fond entre le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement concernant plusieurs articles.

L’article 7, portant sur le statut des intermédiaires sportifs, contient un certain nombre de dispositions confirmant l’encadrement législatif de la profession d’intermédiaire sportif. Il prévoit un dispositif pour lutter contre la multiplication des transferts en cours de saison. C’est une bonne chose. Toutefois, comme vous nous l’avez affirmé, madame la ministre, il nous paraît important de responsabiliser et d’associer les fédérations à cette démarche de moralisation d’une profession qui concerne directement les sportives et les sportifs, leurs groupes et leurs compétitions.

L’article 8 a été réintroduit dans son entier par l’Assemblée nationale, il concerne les fédérations sportives, leur rôle, les conditions de leur agrément.

Certains ont radicalisé les oppositions en parlant d’étatisation, de soviétisation même, comme on l’a entendu ici et là, alors que d’autres voyaient une privatisation. Il s’agit en fait de reconnaître la diversité des pratiques, sans opposer ou privilégier l’une par rapport à l’autre. Nous nous associons au souci de Mme la ministre de ne pas limiter la loi à un modèle unique du sport et de reconnaître le droit de toutes et de tous à pratiquer le sport selon ses aspirations et besoins.

Le Sénat a souhaité amoindrir certains pouvoirs des fédérations agréées. La ministre a défendu ces dernières, en vue de garantir un mouvement sportif autonome, indépendant et responsable. Nous sommes d’accord sur ce point.

Des divergences subsistent encore à l’article 11 relatif au remplacement du régime d’agrément des manifestations sportives par les fédérations par un régime d’autorisation et à l’article 11 bis portant sur le droit de retransmission des manifestations sportives faisant l’objet d’un contrat d’exclusivité, ainsi que sur l’accès des journalistes dans les enceintes sportives au cours de ces mêmes épreuves.

L’article 19 réintroduit également la mutualisation des droits de télévision.

L’article 19 bis qui a été supprimé concernait l’introduction d’un taux de TVA de 5,5 % sur les installations sportives. L’Assemblée nationale, et je le regrette, a refusé d’abaisser de 19,6 % à 5,5 % le taux de TVA sur l’utilisation des installations sportives, les piscines et les patinoires municipales, les salles de sport privées, les centres équestres, les terrains de golf. Le rapporteur, Patrick Leroy, a pourtant reconnu que cette mesure, d’un coût estimé à 500 millions de francs, aurait permis de diminuer " de manière sensible " le prix d’entrée des installations sportives.

L’article 32 relatif aux qualifications professionnelles, qui posait problème comme tout le monde en était convenu, a été retravaillé par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale concernant l’enseignement et les formations. La nouvelle mouture qui a reçu l’assentiment général de l’Assemblée nationale introduit une différenciation entre l’exercice professionnel et l’exercice bénévole, afin de garantir le maintien des diplômes, des brevets et des formations afférentes.

Cette reconnaissance du travail des bénévoles et des professionnels, chacun dans leur spécificité, l’une ne remettant pas l’autre en cause, nous semble effectivement essentielle.

A ce propos je souhaite, madame la ministre, me faire l’écho des inquiétudes persistantes des étudiants des STAPS. Ils s’émeuvent de ne pas voir inscrits dans la loi le développement et la qualité de leur formation, et ils craignent, de l’actuelle rédaction de l’article 32, une confusion entre qualification et diplôme.

Vous pourrez certainement nous apporter des assurances sur cette question, madame la ministre.

Nous attendons de la poursuite du débat qui est le nôtre qu’un accord intervienne au mieux des intérêts du sport et de ses pratiquants, tant amateurs que professionnels.

Concernant la candidature de Paris aux jeux Olympiques - que vous défendez, je le sais, avec acharnement et que vous faciliterez - vous pouvez compter sur le Sénat ; il fera tout ce qu’il lui est possible pour qu’elle soit retenue.

Madame la ministre, nous comptons sur votre ténacité pour faire avancer, pendant la présidence française du Conseil de l’Union européenne, les dossiers relatifs au dopage et au problème des relations entre le sport et l’argent, dossiers qui vous tiennent tant à coeur.

En conclusion, je dirai avec regret que, malgré toute l’importance que nous accordons à ce projet de loi, nous ne pourrons le voter en raison d’un certain nombre d’amendements qui - sans aller jusqu’à dire qu’ils défigurent ce projet - sont loin du compte par rapport à ce qui serait nécessaire pour les sportives et les sportifs de notre pays !

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