Reforme des collectivités locales : les departements et les regions ne pourront plus intervenir en dehors du cadre que le Gouvernement et la majorité présidentielle entendent leur imposer.

Publié le 6 juillet 2010 à 16:11 Mise à jour le 8 avril 2015

Séance du 5 juillet 2010 (compte rendu intégral des débats)

Intervention de Michel Billout sur le TITRE IV - CLARIFICATION DES COMPÉTENCESDES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - Article 35

M. Michel Billout. On voudrait limiter les capacités des régions et de départements à jouer pleinement leur rôle, celui d’une solidarité renforcée et de proximité, que l’on ne s’y prendrait pas autrement !

En effet, cet article 35, qui constitue une véritable remise en cause du principe de compétence générale, prévoit expressément que ces deux collectivités territoriales sont, en pratique, exclusivement compétentes pour les missions que la loi leur confie.

Autrement dit, elles ne pourront plus intervenir, contrairement à ce qu’il en est aujourd’hui, en dehors du cadre que le Gouvernement et la majorité présidentielle entendent leur imposer.

Or cette compétence générale est précisément le moteur des collectivités territoriales et, lorsqu’on interroge les élus locaux et nos concitoyens, tous s’accordent à dire que les régions et les départements sont de véritables acteurs de solidarité, dont l’action est perçue bien plus clairement que celle de l’État,… et pour cause !

Avec cet article 35, le Gouvernement, qui est toujours prompt à donner des leçons de réductions budgétaires et d’amoindrissement des solidarités, entend mettre en œuvre les mesures désastreuses qu’il applique sur le plan national à l’ensemble des collectivités territoriales.

Tout est bon pour imposer, partout et tout le temps, la politique comptable appliquée à l’échelle nationale, comme l’attestent les récentes déclarations du Président de la République et de Mme Lagarde sur la nécessité de réduire les dépenses des collectivités territoriales, en étendant, par exemple, les mesures de non-remplacement des fonctionnaires d’État à la fonction publique territoriale.

Surtout, et c’est sur ce point que je veux insister, les conséquences de l’article 35 se feront particulièrement sentir pour nos concitoyens les plus en difficulté. En effet, les régions et les départements sont souvent pour les plus démunis de véritables espaces de solidarité.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Michel Billout. Ces collectivités territoriales suppléent chaque jour un peu plus aux désengagements successifs de l’État et permettent à une partie toujours plus grande de nos concitoyens de survivre dans la dignité ou d’accéder à certains services auxquels ils n’auraient plus accès sans elles.

Pour illustrer mes propos, je ne prendrai qu’un exemple, celui des services à la petite enfance.

Qu’adviendra-t-il demain de la garde des jeunes enfants si une loi, dictée par un souci d’économie, venait à préciser que cette mission ne relevait plus de la compétence des départements ? Les familles modestes, qui privilégient les modes de garde collectifs, par volonté de sociabilisation des enfants et afin de bénéficier des tarifs sociaux, seraient naturellement les grandes perdantes de cette mesure.

Il ne s’agit là, me direz-vous, que de politique-fiction… Mais il arrive que les pires de nos cauchemars deviennent des réalités : ainsi, pour s’en tenir à cet exemple, la récente loi organisant le regroupement des assistantes maternelles dans des structures fonctionnant sans règles, sans exigences et sans tarifs sociaux, prend une dimension toute particulière. On pourrait craindre que, dans une perspective d’exclusion de la garde de la petite enfance du champ de la compétence des départements, ces regroupements ne deviennent la seule solution offerte aux familles.

Les départements voulant réduire leurs dépenses sociales y trouveraient d’ailleurs bien des avantages puisque les locaux, principal poste de dépense, peuvent être pris en charge par les communes, tandis que les salaires des assistants maternels seraient assumés par les familles elles-mêmes.

Sans doute ne s’agit-il que d’un exemple tiré du fruit de notre imagination, mais l’article 35, dans sa rédaction, nous fait craindre le pire. C’est, pour le groupe CRC-SPG, une raison supplémentaire de demander le rejet de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Michel Billout

Ancien sénateur de Seine-et-Marne
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