Projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, municipaux et des délégués communautaires : Michel Billout explique sa position

Publié le 11 février 2013 à 16:37 Mise à jour le 8 avril 2015

Mesdames et Messieurs les maires,
chers collègues,

Je souhaite vous informer des raisons qui m’ont amené, le 15 janvier dernier, avec l’ensemble des sénateurs de mon groupe, à ne pas voter le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires.

Vous le savez, il y a maintenant un an, le Sénat a adopté une proposition de loi portée par les élus socialistes, communistes, écologistes et radicaux visant à abroger le conseiller territorial. L’annulation de ce conseiller territorial ayant été faite, y compris à l’Assemblée nationale, un texte tendant à reporter les élections départementales et régionales en 2015 et à instituer le fléchage aurait pu être adopté rapidement.

Le Sénat aurait eu alors plusieurs mois devant lui pour mettre en place le mode de scrutin des nouveaux conseillers départementaux, avec le temps nécessaire à une réflexion commune approfondie, pour déterminer celui qui correspondrait le mieux à la prise en compte des principes auxquels chacun d’entre nous, élus locaux, départementaux ou nationaux, sommes attachés.

Dans ce projet de loi, mon groupe a apporté au gouvernement son soutien à un certain nombre de mesures.
Je suis favorable, par exemple, au report des élections départementales et régionales à 2015. En effet, outre que l’organisation de trois scrutins le même jour soulèverait des difficultés techniques insurmontables dans bon nombre de communes, rallonger d’un an le mandat des élus départementaux et régionaux, qui avait été raccourci par la loi respectivement à 3 et 4 ans, ne me pose aucun problème, et je suis satisfait de la proposition d’organiser le scrutin municipal de façon autonome, tant je tiens à sa spécificité.
Dans cette perspective, j’estime même qu’il s’agit d’une avancée puisque, en de nombreux endroits, un scrutin cantonal était auparavant organisé simultanément.
Donc, sur ce chapitre, le Gouvernement a reçu le soutien de l’ensemble de mon groupe, tout comme s’agissant de sa proposition de renouvellement complet des conseils départementaux tous les six ans, ainsi que sur le changement de nom des conseils et conseillers généraux.

Nous avons également soutenu la démarche du gouvernement permettant d’élargir le scrutin de liste à la proportionnelle à un grand nombre de communes, en abaissant le seuil aujourd’hui fixé à 3 500 habitants. Mon groupe parlementaire a proposé dans le débat d’élargir encore le champ de la réforme pour permettre aux citoyens de 7 000 communes supplémentaires de profiter de cette avancée démocratique. Cela serait possible en abaissant le seuil non pas à 1 000 habitants, comme le gouvernement l’avait prévu, mais à 500 habitants. Outre qu’il permet un meilleur respect du pluralisme, ce qui est essentiel à nos yeux, le scrutin de liste à la proportionnelle constitue également une avancée du point de vue de la parité, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Dans l’ensemble de ces communes, il y aura ainsi dorénavant quasiment autant d’élus des deux sexes. C’est une raison de plus de renforcer ce dispositif. Cette proposition n’a pas été adoptée.

Pour le reste, la proposition de loi portait des mesures que nous ne pouvions accepter en l’état.

Nous nous sommes ainsi opposés à la proposition du gouvernement de scrutin binominal pour l’élection des conseillers départementaux. Si nous comprenons et partageons le souci d’élargir la représentation paritaire dans les assemblées départementales, dont le taux de féminisation atteint à peine 13 %, nous ne pouvions, pour autant, accepter que cette mesure se traduise par un recul en terme de pluralisme. Le fait d’élire en même temps deux candidats sur un même canton entraînera de façon quasi automatique un renforcement du bipartisme au détriment de la représentation de la diversité des idées. Là où deux élus de sensibilités différentes pouvaient être élus, cette proposition de loi favorisera deux élus du même courant politique. Nous ne pouvons accepter un tel recul démocratique.

À nos yeux, le binôme républicain, c’est à la fois la parité et le pluralisme. Or, pour atteindre ces deux objectifs constitutionnels, il n’y a qu’un mode de scrutin possible : l’élection à la proportionnelle sur une liste composée alternativement d’un candidat de chaque sexe.

Nous avons vu les effets positifs d’un tel scrutin aux élections municipales et régionales. Personne ne le remet en cause aujourd’hui, si ce n’est pour contester l’importance de la prime majoritaire attribuée à la liste arrivant en tête, qui aboutit à réduire trop fortement la place de l’opposition.

Si cette loi était finalement adoptée par l’assemblée nationale, le scrutin départemental serait la seule élection locale sans aucune représentation proportionnelle. Ce choix n’est ni compréhensible ni acceptable. L’élection départementale deviendrait un anachronisme démocratique d’autant plus remarquable que, à la suite du rapport Jospin, il semblerait que le gouvernement envisage d’introduire une part de proportionnelle dans les élections législatives.

Nos interrogations, nos inquiétudes et nos désaccords concernent également le mode d’élection des délégués communautaires.

Ils ne seront plus des représentants des conseils municipaux, mais des élus au suffrage universel, représentant directement leurs électeurs au sein des intercommunalités. Ils changent par conséquent de statut. Alors que les intercommunalités tirent leurs prérogatives du transfert de compétences des communes, qui en restent responsables de par la loi, nous entendons dorénavant parler de « bloc communal », ce qui met sur un pied d’égalité les communes et les intercommunalités, comme si ces dernières étaient devenues des collectivités territoriales de plein exercice. On parle même de « compétences partagées », une notion qui renforce toujours davantage la place des intercommunalités au détriment des communes.

Je le rappelle, nous avions combattu la réforme de 2010, qui réduisait la libre administration des communes et renforçait leur intégration au sein d’intercommunalités dotées de périmètres élargis. Nous n’avons pas changé d’avis. Aussi sommes-nous actuellement doublement inquiets.

D’une part, nous constatons que cette réforme continue de s’appliquer. Je pense en particulier aux pouvoirs actuellement dévolus aux préfets pour mettre en place, de façon autoritaire, pendant six mois, des intercommunalités et forcer au regroupement les communes récalcitrantes.

D’autre part, notre inquiétude est renforcée par l’avant-projet relatif à une nouvelle étape de décentralisation, qui accroît encore les compétences obligatoirement transférables des communes aux intercommunalités, organisant ainsi une véritable « évaporation » de nos communes.

Dans ce contexte, la transformation du mode de désignation des conseillers communautaires, qui seraient dorénavant élus au suffrage universel direct par fléchage, apparaît comme une nouvelle étape dans la perte de compétences des communes. Nous ne saurions accepter une telle évolution. Comme la majorité des 20 000 élus locaux qui se sont exprimés durant les états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat, nous demandons que les conseillers communautaires redeviennent des délégués élus par les conseils municipaux, auxquels ils doivent rendre compte. Il ne s’agit pas là d’une volonté de statu quo puisque nous proposons de réintroduire ce mode de désignation tout en assurant, cette fois, la promotion du pluralisme et de la parité : l’élection des délégués communautaires se ferait au scrutin proportionnel sur une liste comportant autant de noms qu’il y a de sièges à pourvoir et composée alternativement d’un candidat de chaque sexe.

Vous l’aurez compris, malgré les nombreuses mesures qui ont reçu notre accord et les objectifs du Gouvernement que nous partageons, notamment en termes de parité, les points de désaccord que je viens d’exposer ne nous ont pas permis de soutenir ce projet de loi.

Espérant que vous aurez pris intérêt à ces informations, je vous prie d’agréer,
Mesdames et Messieurs les maires, l’expression de mes salutations respectueuses.

Michel Billout

Ancien sénateur de Seine-et-Marne
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