Une avancée pour les employeurs mais pas pour les salariés

Publié le 1er juin 2010 à 10:30 Mise à jour le 8 avril 2015

Une proposition de loi du Nouveau centre remet en cause certaines obligations des employeurs vis-à-vis des salariés licenciés pour motif économique. Sous prétexte de lutter contre les propositions de reclassement « indécentes »...

137euros par mois pour un poste en Tunisie ; 450 pour un job en Hongrie. Les salariés de Continental ou ceux de Philips savent ce qu’est une proposition de reclassement au rabais. Comme des centaines d’autres salariés licenciés pour motif
économique et confrontés à
de semblables propositions
« indécentes ». Un scandale presque quotidien qui a fini par émouvoir les Français et... la majorité ! Le Sénat a adopté le 5 mai, dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale qui s’était déjà prononcée en juin 2009, une proposition de loi déposée par le Nouveau centre visant à empêcher les entreprises à recourir à de telles pratiques. A la clé : obligation pour l’employeur de proposer « une rémunération équivalente ». Un questionnaire devra également être adressé aux salariés concernés, lesquels disposeront de six jours ouvrables pour accepter de recevoir des offres à l’étranger, en devant préciser dans quel pays et à quels salaires. Est-ce pour autant la fin de ces propositions
« indécentes » ? Pas le moins du monde. Paradoxalement, ces dispositions risquent de se retourner contre les salariés et de soulager bon nombre de patrons indélicats, qui vont pouvoir ainsi éviter que les syndicats saisissent les tribunaux. « L’employeur, analyse Annie David, en raison, d’une part, d’une procédure trop courte, et, d’autre part, de la faculté pour lui de rédiger comme il l’entend le questionnaire, sera en réalité dédouané et exonéré de son obligation de reclassement tout en pouvant produire en justice la preuve qu’il a respecté la loi. De fait,
il échappera ainsi à tout futur contentieux.Toute la construction jurisprudentielle autour de l’obligation de reclassement en ressort fragilisée, pour la plus grande satisfaction de ceux qui la jugent trop renforcée, l’employeur étant contraint aujourd’hui de proposer une solution autre que le licenciement pour valider le licenciement économique. Pour l’entreprise, c’est une double avancée. C’est même une triple avancée, car, avec une obligation de reclassement ainsi allégée, l’employeur pourra encore plus facilement faire peser sur la collectivité nationale le poids de ses licenciements économiques, comme cela se passe par le biais de conventions de revitalisation. Certaines entreprises continueront d’investir en bourse, de toucher des aides publiques, de délocaliser et de licencier pour motif économique ou de proposer des postes « bol de riz » à l’étranger et de faire financer par l’État les emplois maintenus en France ». Ce texte, résume finalement la sénatrice de l’Isère, « a seulement pour objet d’aménager la manière dont ces offres seront faites aux salariés, et de faire en sorte que la politique salariale des entreprises s’étale un peu moins dans nos journaux à l’occasion des licenciements économiques ».

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