Mademoiselle, Madame, Monsieur,
Cher-e-s ami-e-s,
Pendant les vacances d’été que je vous souhaite très profitables, je tiens à vous rendre compte des éléments importants du débat parlementaire concernant la réforme des collectivités territoriales.
Comme vous l’avez sans doute lu dans la presse, le Sénat a adopté en 2e lecture par une toute petite majorité (166 voix pour, 160 contre) le projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Cependant, le texte adopté par le Sénat est très différent de celui voté par l’Assemblée Nationale. Ainsi le Sénat a rejeté les deux mesures phares du projet de loi : la répartition des compétences entre les communes, départements et régions, qui devrait faire l’objet d’un projet de loi distinct, et le mode d’élection du conseiller territorial.
Le premier désaccord a été marqué par l’adoption de l’amendement n°166 porté par mon groupe parlementaire, le groupe CRC-SPG, qui réaffirme la nécessité d’attribuer la clause de compétence générale à toutes les collectivités locales.
Le Sénat a ensuite décidé, à une large majorité, de supprimer l’article 35 du projet de loi qui abrogeait la clause de compétence générale pour les départements et les régions. Cet article visait de fait à limiter les capacités des régions et des départements à jouer pleinement leur rôle, celui d’une solidarité renforcée et de proximité !
Ce projet de suppression de la clause de compétence générale, s’il avait été adopté, aurait pu avoir également de graves conséquences pour la vie quotidienne de nos concitoyens.
L’exemple des services à la petite enfance illustre le risque que fait courir cette suppression de la compétence générale aux familles les plus modestes. En effet, les départements ne pourraient alors plus financer les modes de garde collectifs publics bénéficiant de tarifs sociaux, laissant le champ libre aux modes de garde privés payants.
Ces deux votes vident le projet d’une grande partie de sa substance. Il est utile de rappeler que les deux dispositions rejetées par le Sénat ne lui ont pas été soumises en première lecture. Elles ont en effet été ajoutées au texte par voie d’amendement par le gouvernement à l’Assemblée Nationale en première lecture. Cette pratique particulièrement scandaleuse a donc été sanctionnée.
Avec la suppression de l’article 35, la clause de compétence générale est donc maintenue, ainsi que l’ensemble des compétences obligatoires et volontaires des régions, des départements et des communes. Un débat de près de quatre heures aura été nécessaire pour faire reculer le gouvernement.
Un temps nécessaire pour que les langues se délient, notamment celle des ténors de la majorité présidentielle. M. Gérard Longuet, président du groupe UMP, a ainsi expliqué que, pour sa part, il était favorable à l’article 35 et souhaitait que le Sénat puisse « réexaminer cette disposition hâtivement votée qui a supprimé le principe d’une hiérarchie entre collectivités ». Les choses sont enfin dites.
Les collectivités pourront certes garder leurs compétences, mais dans un contexte d’asphyxie budgétaire mise en œuvre par le gouvernement, avec notamment la suppression de la taxe professionnelle.
Les maires et les présidents de Conseils généraux le savent bien, eux qui, chaque année, doivent opérer des coupes sombres dans de nombreuses dépenses pour maintenir l’équilibre budgétaire : demain, à quoi ressemblera la compétence générale si les caisses des collectivités sont vides ?
Après cette défaite sur la modification des compétences, en soirée, le gouvernement tentait par voie d’amendement d’instaurer le scrutin uninominal à deux tours pour l’élection du conseiller territorial. Il a été également repoussé.
Cependant, sans mode de scrutin pour le futur conseiller territorial, le Sénat a voté un tableau de répartition du nombre des conseillers territoriaux.
Dans un premier temps, le Sénat avait repoussé intelligemment ce principe. Mais les pressions exercées par le gouvernement et l’UMP sur les centristes ont eu raison de la détermination de certains d’entre eux. Ils ont donc modifié leur expression lors d’un second vote exigé par le gouvernement.
Or, le tableau de répartition pose un problème de taille. Il paraît en effet peu conciliable avec le principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage : la représentation des citoyens y est très inégale sur l’ensemble du territoire et, qui plus est, à l’intérieur d’une même région.
Cela pose un problème sérieux quant à la représentativité de ce qui sera encore le conseil régional, par exemple : en Poitou-Charentes : un conseiller pour 15 000 habitants environ ; en Ile-de-France : un pour 38 000 !
Voici le détail par départements des 308 conseillers territoriaux qui devraient siéger en Ile-de-France :
Paris - 55
Seine-et-Marne - 35
Yvelines - 37
Essonne - 33
Hauts-de-Seine - 41
Seine-Saint-Denis - 39
Val-de-Marne - 35
Val-d’Oise - 33
Vous remarquerez que les Hauts-de-Seine et la Seine-Saint-Denis ont le même nombre d’habitants (1,5 million d’habitants) mais n’auront pas la même représentation.
Il me paraît de plus tout à fait incohérent d’avoir fait voter un tableau de répartition des conseillers territoriaux sans que soit voté leur mode de scrutin et définies leurs compétences.
Le Sénat a également adopté des dispositions qui permettront notamment de faire disparaître des départements ou des régions. Si au moins 10 % de ses membres en font la demande, un conseil général pourra inscrire à son ordre du jour la question du regroupement avec un autre département. Les conseillers régionaux auront la même possibilité concernant le regroupement avec une autre région !
Il restera donc de ce passage au Sénat un sentiment de fiasco législatif. Cela tient à ce texte, qui a été critiqué par toutes les associations d’élus locaux. Beaucoup dénoncent une véritable régression de la décentralisation démocratique, l’évaporation annoncée des communes et des départements, la supra-communalité forcée avec des pouvoirs accrus pour les préfets, une volonté de concentration des pouvoirs, la multiplication des structures et en aucun cas leur simplification.
Le Gouvernement a fait preuve de précipitation, d’improvisation, d’obstination. Sur tous les bancs du Sénat se sont élevées des voix pour défendre les collectivités. Il est à noter qu’a été adopté l’amendement de mon groupe sur l’article 8 prévoyant la consultation des citoyens pour toute modification concernant les communes, dont l’Assemblée Nationale ne voulait pas.
La question est désormais de savoir ce que deviendra le texte lors de son examen en deuxième lecture par l’Assemblée nationale à l’automne.
Si l’on en croit le Président de la République, c’est l’Assemblée Nationale qui tranchera !
Si cela devait être le cas, ce serait une véritable remise en cause du rôle du Sénat dont la mission première est « d’assurer la représentation des collectivités territoriales de la République ». Et cela décrédibiliserait totalement ce projet de loi adopté par une très courte majorité de 20 voix à l’Assemblée Nationale et de 6 au Sénat.
Espérant avoir participé à votre information sur ce dossier, je vous prie de croire, Mesdames et Messieurs les élus, en l’expression de mes sentiments les plus dévoués et je vous donne bien entendu rendez-vous dès la rentrée pour la suite du débat.