Du carcan budgétaire à l’ANI

Accord National Interprofessionnel

Publié le 29 mars 2013 à 10:15 Mise à jour le 4 juin 2019

Editorial paru dans le journal du groupe CRC, Initiatives n° 83, avril 2013.

La logique est implacable. Les marchés ont exigé l’austérité et le cadre budgétaire adéquat. Ils les ont obtenus avec le traité budgétaire et la règle d’or en découlant. L’assainissement des finances publiques ne se fera donc pas aux frais de ceux qui ont spéculé contre les Etats et leurs peuples, mais bien sur le dos des populations avec la réduction du pouvoir d’achat et la casse du service public.

L’exemple chypriote pousse jusqu’à la caricature cette démonstration. Les puissances d’argent et leurs représentants européens ne prennent pas de gants ; ils sont prêts à faire la poche des contribuables. Les marchés exigent également, sous peine de retirer leur investissement d’améliorer la compétitivité des entreprises, d’abaisser le coût de la main-d’œuvre, en un mot pour être plus clair de casser ce qu’il reste du Code du travail. La demande est claire : déréguler, flexibiliser le travail pour garantir le profit maximum des actionnaires.

Le gouvernement a précipité l’adoption en décembre d’un plan de compétitivité en accordant sans contrepartie 20 milliards d’euros de crédit d’impôt aux entreprises, et en présentant au parlement le projet de transcription de l’accord ANI (Accord National Interprofessionnel) conclu le 11 janvier entre le MEDEF et des organisations syndicales ne représentant pas la majorité des salariés. Standard and Poor’s, l’agence de notation américaine a félicité le gouvernement pour les mesures « visant à augmenter la compétitivité des entreprises ».

L’agence applaudit « la proposition de réforme du marché du travail qui doit encore devenir une loi qui devrait aider les employeurs à mieux adapter les coûts salariaux à la conjoncture internationale ». Le débat sur l’ANI doit s’ouvrir le 17 avril au Sénat après avoir été débattu dès le 2 avril à l’Assemblée nationale. La lecture peut s’avérer trompeuse.

Les aspects soi-disant attractifs, couverture complémentaire, droit rechargeable à l’assurance chômage, compte personnel de formation, restriction annoncée du temps partiel ou majoration de la cotisation assurance chômage des CDD nivellent en fait par le bas des droits existants et recouvrent des dispositions floues ou difficiles à mettre en œuvre. Une mesure comme le droit à une période de mobilité volontaire sécurisée ne relève pas d’un nouveau droit, mais bien d’une nouvelle arme pour suspendre le contrat de travail aux mains des employeurs.

À ces mesures floues ou ambiguës s’ajoutent des articles qui eux, sans ambiguïté, s’attaquent au cœur de la protection du salarié face au licenciement. L’article 20, par exemple, conteste la procédure d’information et de consultation du CE dans le cadre du licenciement économique. L’article 22 permet l’expérimentation du contrat de travail intermittent dont le simple intitulé explique beaucoup de choses…

Le projet, de fait, détricote le droit des salariés et des instances représentatives du personnel. Ce dispositif est complété par un chapitre, le chapitre V, qui sécurise non pas l’emploi, mais le patronat sur le plan judiciaire. Ces derniers articles amoindrissent les prérogatives des salariés face aux employeurs dans le cadre de la procédure prud’hommale.

Le principe de réparation intégrale des conséquences de la perte d’emplois est par exemple remis en cause. Les sénateurs du groupe CRC vont mener le combat contre cet accord et le projet de loi qui le reprend. Ils rappellent que le parlement qui représente le peuple dans toutes ses composantes ne peut se voir imposer un texte, même issu d’une négociation sociale.

C’est au nom de l’intérêt général et de la défense du droit constitutionnel des salariés dans une période de crise où la pression est grande sur les organisations syndicales, car le patronat sait user de l’arme du chantage à l’emploi, que nous rappellerons au gouvernement que les électeurs du 6 mai n’ont pas voulu la soumission au marché, mais au contraire un renforcement du pouvoir des travailleurs dans l’entreprise.

Éliane Assassi

Sénatrice de Seine-Saint-Denis - Présidente du groupe CRCE
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