Durant plusieurs années, la gauche, toute la gauche, a critiqué la mise au pas des Assemblées au profit d’un pouvoir exécutif renforcé dans son rôle d’exécuteur des choix européens. L’accélération des débats parlementaires sous la tutelle de Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin, alors premiers ministres, avait marqué les observateurs et inquiété les partisans d’un Parlement respecté et influent dans la vie institutionnelle du pays.
L’hyper-présidence de Nicolas Sarkozy, le mépris affiché pour un Parlement jugé par principe archaïque et conservateur, la volonté de le vassaliser, comme l’attestait l’instauration dans la Constitution en 2008 de la possibilité pour le Président de la République de s’adresser au Parlement, soumis en Congrès à Versailles, ou les réceptions fréquentes des parlementaires de la majorité à l’Élysée, avaient fini de confirmer que le Parlement devait être mis au pas pour permettre d’imposer plus rapidement encore la transcription des choix du marché dans la législation nationale.
François Hollande avait promis de rompre avec cette conception et cette utilisation antidémocratique des institutions de notre pays, en redonnant toute sa place au Parlement. Cet objectif de rupture avec l’autoritarisme présidentiel de l’ère Sarkozy a d’ailleurs motivé bon nombre d’électeurs le 6 mai 2012. Or, plusieurs événements montrent que cette rupture n’a pas eu lieu. Outre la précipitation habituelle des débats, pour imposer par exemple le pacte de compétitivité qui marquait pourtant un premier tournant libéral dans l’action gouvernementale, deux événements récents ont marqué le recours à l’autoritarisme de l’exécutif pour bloquer l’initiative parlementaire.
En premier lieu, l’utilisation du vote bloqué au Sénat a permis d’adopter, dans les plus brefs délais et en éludant tout débat réel et approfondi, le projet de loi reprenant point par point l’ANI, cet accord de précarisation des droits des salariés que les première et troisième organisations syndicales du pays avaient pourtant rejeté. En second lieu, quelques jours plus tard, le ministre des Relations avec le Parlement a annoncé de but en blanc que le gouvernement était contre la proposition de loi d’amnistie sociale, alors que Christiane Taubira avait évoqué une mesure de justice lors de l’adoption par la majorité sénatoriale de la proposition de loi de notre groupe, revue et corrigée par la rapporteure socialiste. Le gouvernement, le Président de la République, ont ainsi imposé aux députés socialistes de renvoyer en commission et donc aux calendes grecques, un texte pourtant voté par la gauche sénatoriale.
Le débat sur le texte n’a donc même pas eu lieu. Pourquoi un tel renoncement par le Président de la République et le gouvernement en matière de restauration des prérogatives parlementaires ? La réponse est malheureusement évidente et simple : la capitulation devant les marchés financiers, symbolisée par l’acceptation du Traité budgétaire européen, sans la moindre modification, exige le passage en force. Pour l’heure, François Hollande a fait le choix de la voie libérale, en contradiction totale avec les thèmes de sa campagne, avec la volonté de combattre la finance, affichée au grand meeting du Bourget. Cette grave violation de la démocratie, le renoncement aux promesses électorales, porte en son sein l’autoritarisme institutionnel, d’où la mise en cause des droits du Parlement.
La bataille démocratique est donc profondément liée à la bataille pour la justice sociale et le redressement économique. Les sénateurs du groupe CRC font donc de la défense des droits du Parlement, en cette heure de perte de confiance du peuple à l’égard de ses représentants, un point clé du combat pour une autre politique de gauche et pour un changement conforme au vote du 6 mai.